Adolescence rime avec violence

187 39 7
                                    


Maya ouvrit la porte et se trouva face à un tableau qui lui déchira un bout de cœur. Devant elle se trouvait Thomas, le visage ravagé, une expression vide au visage, la lèvre ensanglantée. Le garçon, ne sachant quoi faire, avait erré dans les rues accompagné de ces sentiments amères nommés rage, tristesse et déception, et avait fini par atterrir là, sur le palier de sa meilleure amie.

- Oh mon dieu ! s'exclama-t-elle.

Elle l'attrapa et le hissa à l'intérieur. Elle était horrifiée par l'état dans lequel il était.

- Mais qui est-ce qui t'as fait ça ?

Elle avait attrapé sa manche et le trainait derrière elle dans la maison. Elle le fit s'asseoir sur le canapé et s'éclipsa dans la cuisine. Le garçon, hébété, ne répondit rien. Elle revint quelques minutes plus tard avec une tasse de chocolat chaud qu'elle lui passa. Le goût du chocolat aidait toujours à réconforter. Elle l'observa sans rien dire. Il était assis bien droit, les mains posées strictement sur ses genoux. On aurait dit une poupée, un pantin cassé et tordu. Elle planta son regard dans le sien, attentionnée.

- C'étaient deux gars. Enfin 3, en fait.

Un rire nerveux s'échappa de sa gorge.

- C'est dingue comme on peut se tromper sur les gens.

Il but d'une traite sa tasse. Elle fronça les sourcils.

- Je ne te suis pas.

- Ils m'ont frappé parce que je n'aime pas les filles.

Elle était atterrée. Elle ne pouvait pas accepter qu'on fasse du mal à son ami, et encore moins pour une raison pareille.

- Toutes les raisons sont bonnes pour frapper maintenant. Les gens trouvent juste une excuse pour céder à la violence. Je suis sûr que ces garçons complètement fous et stupides ne t'en voulais pas vraiment. Déclara-t-elle, comme si c'était réconfortant.

Il soupira et la regarda désespérément comme si elle ne comprenait rien.

- Ce n'est pas ça le problème. Donovan faisait partis des trois.

- Quoi ? cracha-t-elle en se levant subitement du canapé, comme si quelque chose venait de la piquer.

Elle sentit la rage monter petit à petit, gagner du terrain, l'envahir, jusqu'à prendre possession de son être. Elle avait envie d'hurler à la mort, frapper les murs, jeter des assiettes par terre. Casser tous ce qui lui tombait sous la main, pleurer toutes les larmes de son corps, empêcher son cœur de s'effondrer. Finalement, la pression redescendit d'elle-même et elle retomba mollement sur le canapé, impuissante.

- C'est la vie n'est-ce pas ? fit-il d'un ton plat, dénué d'énergie.

- Oui. Répondit-elle sur le même ton.


A l'heure où les deux amis se réconfortaient, Donovan était seul, dehors. Pendant que les gens comme il faut dormaient, bien au chaud dans leur maison, lui laissait la pluie ruisseler contre ses vêtements. Parce qu'il n'était pas quelqu'un de bien. C'était beaucoup plus facile de se laisser aller plutôt que de se redresser. Il préférait flotter éternellement sur l'eau plutôt que de regagner un jour la rive. Donovan était à bout de souffle, un genou à terre. Il se maintenait en vie en se nourrissant de colère et en ignorant sa tristesse. Il était beaucoup trop jeune pour être autant rempli de rage. Et pourtant, il l'avait, la rage. Cette irrésistible envie de tout détruire, y compris lui-même. Alors il fermait les yeux, se laissait aller. Avançait dans le noir pour éviter de voir ce qu'il préférait ignorer.

Les yeux fermésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant