Laura

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Malgré son état avancé de décomposition, j'étais sûre que je la connaissait.

Elle s'approchait, grognait, ses yeux bleus, presque blancs me fixaient. Sa peau était grisâtre, elle avait de nombreuses plaies autour du visage. Elle portait un tee-shirt jaune déchiré au milieu du ventre qui dévoilait une énorme blessure, qui elle même laissait apparaître ses organes. Elle avait dû être éventrée par un rôdeur. Pour une morte, elle était assez vive. Plus elle s'approchait, plus j'avais l'impression de la connaître. Elle était à dix mètres. Cinq mètres. Trois mètres. Un mètre. J'entendais Carl derrière moi, crier mon nom. Dépourvu d'arme, il ne pouvait pas se défendre. Il attendait que j'abattes cette chose là. Le rôdeur approcha ses mains. Je mis ma main gauche sur son épaule pour la tenir, et de la main droite je plantais mon couteau. Elle s'était accrochée à moi et m'entraina dans sa chute. Ce n'est qu'un fois qu'elle était à terre et moi à genoux que je la reconnu. À présent elle était morte. Je n'avais pas pu la reconnaître avant. La fille avait qui j'avais passé la majeure partie de mon enfance. Laura. Ma meilleure amie d'enfance. Ma main était toujours sur le couteau planté profondément dans sa tête. Je le lâchait. Je pris alors le corps décomposé de Laura, je le secouai, comme si elle allait revenir à elle, je criai son nom. Mais j'avais compris que c'était fini pour elle. Alors je la pris pour la serrer contre moi. Je n'avais, à l'exception de ma mère, jamais abattu quelqu'un que je connaissait. Tout ceux que j'avais vu ne me disaient rien. Mais maintenant que j'y réfléchissait, tout leurs visages me revenaient. Je les reconnaissait tous. La pharmacienne et son mari, le boucher, le garagiste, mon institutrice, le vielle ami de mon grand-père. Je ne comprenais pas comment je n'avais pas pu les reconnaître. Mes oreilles sifflaient, ma vue se troublait, j'avais l'impression que ma tête allait exploser. Je plaçait mes mains sur ma tête, je fermait les yeux. Quelque chose me secouait, c'était Carl.

Je repris mes esprits. Ma vue revenait je voyais mes vêtements, tachés de sang, celui de Laura. J'étais assise, près d'elle, je ne disait rien. Je regardait dans le vide. Carl ramassait le linge et le mettais dans le panier. Il me tira le bras. Je me levais. Mes oreilles ne sifflaient plus. Il me parlait et je n'écoutais pas. Sur le chemin du retour j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps. En silence. Un fois arrivés à la maison, je montais dans ma chambre et me posta, debout, devant le miroir. J'observais ma silhouette de haut en bas. En réalité je regardais les tâches de sang. Une fois que j'avais tout vu, je me mis en boule dans un coin de ma chambre, je mis ma tête entre mes mains et réfléchit au moment où j'avais planté mon couteau dans sa tête, à tout les moments que j'avais passé avec elle. Avec la fille dont le sang était à présent sur mes vêtements. Et je me posais cette question : Peut-on vraiment dire que je l'ai tué si elle n'était plus vraiment elle-même? J'avais beau chercher, me torturer l'esprit, je ne trouvais pas la réponse. Carl passa furtivement la tête par la porte de ma chambre. Il s'apprêtait à parler mais je le devançât.

- Tu penses qu'on peut dire que je l'ai tuée?

- Comment ça?

- Tu penses qu'on peut dire que je l'ai tuée, même si elle n'était plus elle-même?

- Tu devrais te changer. Ça te donne des idées noires d'avoir du sang sur tes vêtements. Tu avais l'air de la connaître cette fille. C'était qui?

- Une amie d'enfance.

J'avais dit une amie d'enfance mais c'était faux. Ce n'était pas UNE amie d'enfance mais MON amie d'enfance. J'avais, pour ainsi dire, passé la moitié de ma vie avec elle. Elle avait été tout pour moi. De la garderie à nos sept ans nous avions passé tout notre temps ensembles, elle habitait en face de chez moi, j'allais la voir tout les jours, c'était comme ma soeur jumelle. Puis ses parents avaient trouvé une maison plus grande, deux patés de maisons plus loins, on était tout de même pas très éloignées, mais de ce jour, nous ne nous sommes plus parlées de la même façon, ni revues. L'une comme l'autre, cette séparation nous avait changé à vie. Bien que cela ne nous avait pas traumatisé.

- Tu ne l'a pas tuée. Tu l'as sauvée.

- Je l'ai tuée.

- Tu l'as libérée d'être un rôdeur. Tu devrais enlever tes vêtements pleins de sang. Je te le répète, ça te donne des idées noires.

Et il sortit, en fermant la porte de ma chambre. Il était si attentionné. Alors je suivi son conseil. Je pris des vêtements propre et alla me doucher. Je me sentais beaucoup mieux après ça. Puis je me souvins. Avant de voir Laura, Carl me serrait dans ses bras pour me réconforter et je n'avais même pas pris la peine de le remercier. J'aurais au moins pu lui rendre, c'est comme si j'avais été insensible, alors que je ne l'étais pas. Au contraire, je commençais à avoir des sentiments pour lui. Et cela m'effrayais. Beaucoup. Car bien qu'au premier abord - et même au second - Carl était charmant, gentil, serviable, aimable, j'avais peur de me faire des idées sur son compte. Comme je l'avais fait auparavant, cela m'avait coûté ma mère. Mais après tout, je n'avais plus grand chose à perdre, si ce n'était que ma vie. Dans ce monde là, ma vie n'avait plus vraiment d'importance, avant je luttais pour ma mère, mais maintenant qu'elle était partie, je n'avais plus de raison de vivre. J'en eus décidé. J'allais faire ce qu'il me semblait bon, l'apprécier, l'aimer si les choses se faisaient ainsi, et si ça ne marchais pas et qu'ils décidaient tout deux de m'abandonner, de me blesser ou de me tuer, je me laisserais mourrir. Car de toute façon, dans ce monde, une vie comme la mienne n'avait plus grande importance.

Him & IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant