Du carnet au songe

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Je tourna la première page et je le feuilleta rapidement, on aurait dit un "journal de bord".

Ça commençait comme ça :

"Quarante-neuvième jour. Matilda s'est faite mordre il y a deux jours. Les bêtes l'ont attaqué quand elle est sorti pour trouver à manger. La ville n'est plus sûre, nous allons sans doute partir pour la campagne, Léonore et moi. Nous attendrons que Matilda soit partie. Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Léonore. Je n'ai pas d'autre cadeau à lui offrir que sa survie. Matilda délire. Elle parle de choses qu'elle voit et qu'elle entend. Elle parle à des gens. Elle n'est plus elle même. Je ne sais pas quoi faire." 

"Cinquantième jour. Matilda s'est endormie. Peut-être pour toujours. Je l'ai enfermée dans la chambre. Je n'arrive pas à me résoudre à l'abandonner. Encore moins à le tuer. Elle gratte désespérément à la porte, en grognant. Léonore à compris. Elle est en âge de comprendre. Elle à dix ans maintenant. Elle sait que sa mère ne reviendra pas. Elle prépare son sac et nous partons."

"Cinquante-et-unième jour. Nous avons marché toute la journée d'hier jusqu'à trouver une auto. Nous avons pris la route et avons rejoins mon chalet de chasse. Léonore est mignonne. Elle garde le sourire. Même si elle sait que tout va mal."

Puis, après ça il y a plusieurs pages d'arrachées. 

"Cent-deuxième jour. Matilda me manque toujours. Léonore n'est plus la même. Elle est renfermée sur elle même, elle ne parle plus beaucoup. Il nous reste quelques boîtes de conserves. Je regarde tout les jours la photo que j'avais pris pour mettre dans le chalet, nous y sommes tout les trois. La famille Ryans au complet, ce qui n'est pas compliqué puisque nous n'étions que trois."

"Cent-troisième jour. Je me suis fait mordre en sortant. J'écris tant que j'ai les idées claires. Léonore ne pleure pas. Tant que j'en ai la force je vais creuser mon trou. Quand ce sera le moment, je m'y mettrais et Léonore n'aura qu'a me recouvrir."

C'était une pensée affreuse. Cette petite allait devoir enterrer son père? Comme un roman que je dévorais, je me devais de connaître la suite. Je continuais donc de lire.

"Cent-quatrième jour. Je commence à avoir des hallucinations. Je ne veux pas finir comme Matilda. Mais avant de finir, je veux écrire un mot à Léonore."

Puis il n'y avait plus rien. Je fus tout de suite déçue. Puis je tourna les pages unes à unes en espérant trouver un mot. Rien. Je secoua alors le carnet a dessus du sol. Carl me regarda d'un air intrigué et replongea dans sa lecture. Un papier tomba au sol. Je ressentais comme une petite victoire. Je me dis qu'il n'était pas pour moi et le posa sur la table. Il était plié en deux. Je croisa les bras et l'observa. Puis je me levai et allai prendre le cadre au mur pour le poser à coté. Je scrutait ce dernier. Dévisageai les trois personnes. La petite fille, Léonore d'après ce que j'avais compris, avait les cheveux noirs, d'un noir corbeaux, ses yeux étaient tout aussi foncés, quand à son teint, il était plutôt hâlé. Sa mère elle, était blonde, avait des yeux noirs. Son père, était brun aux yeux noirs également. La petite avait le même visage que ses parents. Peut-être était-elle toujours en vie. Je me résolu alors à ouvrir le papier et à lire ce qui y était écrit.

"Léonore. Ma petite fille. Depuis ta naissance tu as été la plus belle chose que nous ayons eu ta mère et moi. Elle n'est plus là pour te le dire, mais si elle l'était, elle te le certifierait. Elle t'a toujours aimé, et moi aussi. Ne l'oublie pas. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour te protéger, je savais qu'un jour viendrai où je ne serais plus là pour le faire. J'ai prié pour qu'il vienne plus tard, mais mon souhait ne s'est pas réalisé. Je prie aujourd'hui pour que ta vie soit facile. Que tu ne souffre pas. Pour que des personnes me remplace dans mon devoir de te protéger, t'apprennes ce que je n'ai pu t'enseigner, et t'aime comme je l'ai toujours fait. Ma fille adorée, mon trésor. Jamais je ne t'oublierais, peut importe là où je serais. J'espère qu'à tout jamais je resterais dans ton coeur. J'espère que mes voeux seront exaucés et n'oublie pas. Tu es tout ce qui compte pour moi. Je t'aime."

Cette lettre était simple mais reflétait ce que le père éprouvait pour sa fille. Même si je n'étais pas Léonore, cette lettre me touchait énormément. Si bien que je me mit à pleurer, mais comme d'habitude, en silence. Il n'y avait plus aucune note, plus d'autres lettres. Je couru alors à l'extérieur pour trouver, peut-être, la tombe de cet homme, dont je ne connaissait même pas le nom. Je cherchais des yeux, un bâton, quelque chose. Puis je m'assit pour réfléchir. Si le nombre de jours était le compte depuis le début de l'épidémie, il était mort il y a plus ou moins cinq ans. Mon regard fût attiré par une planche de bois enfoncée dans le sol, je m'approchais de celle-ci. Il y avait quelque chose de gravé sur celle-ci : "Albert Ryans, mon papa, je t'aime". Cela me rendit joyeuse, du moins, un peu. Elle avait pu l'enterrer. Alors, je ramassais des pâquerettes et autres jolies plantes que je trouvais, et fleurit la tombe. Puis je rentrais sans rien dire. La nuit commençait à tomber.

- Je vais barricader la porte au cas où.

- Dac'.

Carl avait installé une couverture au sol. Je la regardait et me questionnait. "Va-t-on dormir à deux avec une couverture, ce qui impliquerait que nous soyons collés, ou est ce qu'on va monter la garde à tour de rôle?" Il me vit et répondit avant même que je pose ma question.

- Y a qu'une couverture. 

Et la nuit. Il faisait froid. Il me regarda d'un air indécis. Alors je demandais :

- On dors à deux?

Il acquiesça la tête, d'un mouvement incertain. On allait dormir ensemble. Bon. Ça avait deux bon cotés, pas de relève pour monter la garde et plus chaud. Non? Il y en avait évidemment un troisième qui était d'être près de Carl. Car, malgré moi, je commençait à tomber amoureuse, mais bon, ce n'était pas pour me déplaire. Carl était quand même pas mal et plutôt sympathique. 

Je m'installais donc sous la couverture, il fit de même, je mis une bonne minute à gesticuler afin de trouver ma position, nous nous tournâmes au même moment et nous nous retrouvèrent nos visages à cinq centimètres de l'autre. Il y eu un petit moment de malaise et nous nous retournâmes, nos dos collés. Je m'endormis et vit une sorte de lumière blanche.

Him & IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant