25. Gaby, le magnifique.

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« C'est vraiment toujours un plaisir de te dessiner, Élise ! »

Le temps, lors de ce dimanche de mai, était magnifique. Le soleil brillait haut et les rossignols chantaient sans s'arrêter pendant que les Parisiens flânaient sur les quais. Gabriel, lui, s'était retrouvé dans l'appartement de sa muse pour la peindre une dernière fois avant la fin de l'année scolaire. Enfin, de son année scolaire précisément, programmée pour le lundi suivant. Le jeune garçon savait que la décision était sans doute déjà prise, malgré le simulacre de procès qui se préparait. Il s'en fichait, il travaillerait chez lui jusqu'aux vacances grâce au soutien de sa mère, et cela lui laisserait encore plus de temps pour dessiner et jouer du violon. Finalement, comme si plus rien n'avait d'importance et après une longue hésitation, il avait fini par accepter l'invitation de la belle. Il n'aurait jamais osé reposer le regard sur elle si, après avoir eu vent de ses frasques, elle ne l'avait pas réclamé avec insistance pour qu'il lui raconte tout de vive voix. Un peu d'eau avait coulé sous les ponts et Marc s'était fait une raison. Il avait bien compris à quel point ce jeune adolescent était important pour sa copine, elle qui en avait voulu toute sa jeunesse à ses parents pour ne pas lui avoir donné de petit frère ou de petite sœur. Ce collégien fougueux lui communiquait sa joie, sa bonne humeur et un peu de sa folie. À son contact, elle avait vu naitre en elle des désirs maternels qu'elle pensait ne jamais connaitre. À chaque fois qu'il venait la voir, elle se sentait un peu plus femme, ce que Marc n'avait pas manqué de remarquer. C'était comme si le jeune artiste impudent déclenchait en elle des sentiments et des sensations qu'elle s'empressait de partager avec l'homme de sa vie.

Étrangement, quelque chose semblait différent chez l'adolescent. Alors qu'une légère brise sifflait à travers la fenêtre entrouverte et le décoiffait légèrement, il s'affairait avec ses pinceaux et enseignait avec une grande gentillesse à Marc les rudiments de la peinture. L'étudiant avait certes accepté cette rencontre, mais à la condition expresse qu'il puisse y assister pour garder un œil sévère sur le jeune chiot un peu trop lubrique à son goût. Au final, tous trois passèrent une excellente après-midi à rire, discuter et peindre ; et à poser dans le plus simple appareil pour ce qui était de la demoiselle qui multipliait les attitudes sensuelles. Au milieu des nombreux sujets de conversation, le jeune artiste revint longuement sur son année scolaire, ses regrets et ses plus grandes fiertés, comme lorsqu'il avait réussi à convaincre un vieux monsieur de faire un grand saut en avant dans la modernité en s'achetant un téléphone – pas un jour ne passait depuis sans qu'il n'échange de message avec le père Michel – ou comme lorsqu'il avait accompagné son ami Djibril sur le long chemin vers sa propre acceptation. Naturellement, il parla aussi de son ultime provocation envers l'administration de son collège. Ni Marc ni Élise ne voulurent le croire quand il leur expliqua ce qu'il avait fait, mais les nombreuses photos qu'il avait prises avec son portable servirent de preuves.

« Mais, elle a réagi comment, ta mère ? »

L'adolescent sourit en repensant à la tête de Renée lorsqu'elle reçut, le jeudi soir, la convocation pour le conseil de discipline.

« Oh, un peu comme vous, au début, elle ne voulait pas y croire. En fait, quand elle a vu le mot dans le carnet, elle était sur le point de m'en mettre une, mais elle a abandonné l'idée en prétextant que, de toute manière, j'étais increvable et donc que ça ne servait à rien de me cogner dessus, que p'têt même que j'devais aimer ça pour faire autant de conneries. Puis elle m'a demandé de lui expliquer, alors je lui ai montré toutes mes esquisses et tout, elle était sur le cul, elle en revenait pas ! Bon, elle m'a privé d'ordinateur pendant une semaine pour la forme, mais à part ça, je crois qu'elle s'est fait une raison, elle a été plutôt cool ! »

En vérité, Renée était plutôt satisfaite de l'expérience qu'elle avait menée en envoyant son fils adoré au contact d'un univers qui n'était pas le sien. Ce qu'elle avait projeté s'était bien réalisé : elle avait vu Gabriel souffrir et se battre, mais il avait grandi, s'était affirmé et il ressemblait de plus en plus à son cher père, ce qui la rendait fière. Au final, elle ne regrettait rien et l'avait engueulé juste de manière symbolique. En scrutant ses yeux, elle se rendait bien compte que son fils s'était battu pour une cause juste et que les remontrances ne pourraient rien changer à son caractère. Elle l'aimait comme cela et, d'une certaine manière, elle était heureuse pour lui, même si elle n'était pas mécontente de le transférer dès la rentrée prochaine dans un établissement d'un autre standing.

GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant