46. Le choix des parents

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« J'comprends vraiment pas, doc, elles avaient pourtant l'air mangeables, ces pâtes, ! C'est vraiment fragile ces saloperies d'chats, pire qu'les gonzesses ! »

À part la crise de Mistigri, qui dut être emmené de toute urgence chez le vétérinaire suite à une étrange intoxication alimentaire parfaitement incompréhensible, tout se passait pour le mieux au domicile du petit artiste extravagant. Maxime et Djibril vivaient vraiment bien leur fugue. Cette liberté était agréable. Sans leurs parents pour les juger ou leur hurler dans les oreilles, ils se sentaient revivre. Et puis, avec Gabriel, ils n'avaient pas une seule occasion de s'ennuyer. Durant quatre jours, la console du salon tourna à plein régime, et quand les trois adolescents en avaient assez de jouer, le châtain s'emparait toujours de son violon pour un petit concert improvisé. La seule question qui leur posait problème était la bouffe. Gabriel savait se cuire un steak et un œuf au plat, et encore, c'était la limite de ses capacités culinaires. Après avoir dévalisé le congélateur, il fallut bien se mettre aux fourneaux et cuisiner du frais pour survivre. Heureusement, Djibril connaissait quelques recettes marocaines et Maxime se révéla être un véritable cordon bleu, quand il avait le courage d'éplucher patates et oignons. Cela le faisait invariablement pleurer, mais le jeu en valait la chandelle, ne serait-ce que pour admirer le sourire adorable et réjoui du petit Berbère. À la fin du délicieux repas préparé par le blond vénitien, Gabriel s'accroupit à côté de son chat qui finissait goulûment les restes, puis lui caressa les oreilles.

« J'comprends pas, Misti, tu trouves vraiment ça meilleur que mes pâtes ? Saleté de félin ingrat ! Traitre ! Pour la peine, j'te dessinerai plus pour ton anniversaire... Enfin, je sais même pas quand c'est, enfin bref, plus de dessin pour le méchant miaou qui m'a brisé le cœur et qui a dégueulassé le tapis préféré de maman en gerbant partout ! »

« Arrête d'emmerder ton chat, Gaby ! Explique-nous plutôt c'est quoi la suite ! Ça fait quatre jours qu'on squatte ton appart, ta mère rentre demain, non ? On fait quoi, du coup ? », le coupa Djibril, passablement stressé.

Gabriel se releva en souriant. Il portait un t-shirt bleu ciel encore plus éclatant que la couleur de ses yeux. Cela confortait la quiétude de son regard. Il tourna la tête vers ses deux invités et les observa tendrement. Ils étaient quand même sacrément mignons ensemble, ces deux-là. Après avoir passé machinalement la main dans sa coiffure déstructurée, il leur répondit.

« Ma reum rentre à dix-neuf heures. Tout doit être nickel, donc demain matin, on nettoie et on range l'appart. Ensuite, vous me laissez contacter vos parents. J'ai eu des nouvelles des deux côtés par les copains, vos vieux sont en train de devenir dingues, ils flippent leur race.

Ce dernier mot offusqua le Marocain, qui n'appréciait guère qu'on utilise certains termes mal connotés. Pour montrer sa désapprobation sans pour autant interrompre le discours du cerveau de cette opération foireuse, il fit une sévère moue et regarda d'un air choqué son petit ami à qui il caressait la cuisse, comme pour lui demander de réagir à sa place. Maxime, qui s'en foutait royalement et qui n'avait pas forcément compris le problème, prit une mine étonnée en levant les mains au ciel et en haussant les épaules. Après un long soupir fatigué, Gabriel poursuivit son discours, non sans en rajouter une petite couche.

« Nan Djibril, calme-toi, c'est juste une expression, arrête de réagir comme un Arabe, t'es chiant ! Bon, pour revenir au sujet, les fruits sont mûrs. Je les cueillerai demain aprèm et vous, vous attendrez sagement à l'endroit que je vais vous indiquer. J'ai juste quelques dessins à finir ce soir, donc me prenez pas trop la tête, faites-vous juste des câlins et bouclez là ! »

Gabriel n'était pas autoritaire de nature, mais pas un seul des deux amants ne moufta. Inconsciemment, ils avaient choisi d'obéir sans réfléchir ni protester. Après tout, ils savaient pertinemment tous les deux de quoi leur camarade était capable quand il était question de réaliser des miracles, même si le chemin choisi était rarement très orthodoxe.

GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant