28. « Changez-moi de classe ! »

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Le dimanche soir, Gabriel put reprendre des forces grâce à un énorme gâteau au chocolat, qu'il partagea avec sa mère, son oncle et ses amis Djibril et Ana, invités pour l'occasion à découvrir son nouveau chez-lui. Il avait quatorze ans, et plus que jamais, il voulait croquer la vie à pleines dents, s'amuser et découvrir de nouvelles choses. Cette première semaine au paradis l'avait quelque peu perturbé, mais il en fallait plus pour lui faire peur. Après avoir soufflé ses bougies sous les chaleureux applaudissements des convives, il imita les plus grotesques de ses nouveaux camarades et promit de leur faire goûter au plus vite le « Gaby Style ». Même si Renée voyait d'un très mauvais œil que son propre fils planifie sa petite révolution au sein de l'établissement qui l'employait en tant que professeure, elle ne pouvait l'empêcher de mener sa barque comme il l'entendait. Tout juste obtint-elle la promesse qu'il ne déclencherait aucune guerre et qu'il ne se mettrait pas à dos son directeur, un homme charmant et particulièrement intelligent.

En ouvrant ses paquets, il eut la bonne surprise de voir que ses principaux souhaits avaient été exaucés. Un jogging bleu ciel d'un côté côtoyait une chemise orange de l'autre. Un petit gilet de minet offert par son oncle et, surtout, cette tablette graphique dont il rêvait déjà depuis plusieurs mois complétaient ce magnifique tableau. La soirée se termina sur un air de violon, celui de la vallée Gérudo, tiré d'un jeu vidéo et qui se prêtait particulièrement bien à la fête avec son rythme endiablé et ses touches hispaniques qui invitaient à la danse. D'un seul coup, tous les visiteurs eurent l'impression d'être de jeunes héros en quête de force, de courage et de sagesse. Gabriel était le lien entre eux, le pont entre l'adolescence et le monde des adultes, celui entre la vieille France et la nouvelle. En reposant son instrument, il sourit et leva la tête, les yeux pétillants de joie. Il était remotivé comme jamais.

Sa nouvelle tablette graphique, il l'utilisa toute la nuit, se privant inutilement de sommeil. Il voulait tellement apprendre à la maitriser qu'il en oublia de dormir. Le lendemain matin, sa mère le réveilla avec un agréable câlin qu'il lui rendit, preuve que l'ouragan était bien passé et que le beau temps revenait dans son cœur. En courant, il arriva devant les portes du collège Sigismond, devant lesquelles il put apercevoir Maxime, parfaitement bien accompagné.

« Je la connais pas celle-là, elle est dans quelle classe ? »

« Oh, elle ? Nan, elle est pas dans notre collège. Attends, les grands chasseurs, ils ont toujours un grand territoire, hein ! »

Même si le fameux Maxou semblait parfaitement manquer de respect envers la gent féminine, changeant de demoiselle à son bras comme de bracelet au poignet, Gabriel n'arrivait pas à trouver cela critiquable. Le jeune blond vénitien dégageait une sorte de force tranquille pleine de classe qui suffisait à justifier certains comportements à la limite de la muflerie. Pour le petit châtain, son nouvel ami était la preuve qu'il recherchait, celle qu'on pouvait survivre à Sigismond en s'éclatant et en restant soi-même. Mais au-delà de sa beauté, de son charme et de son style, c'était bien plus ce qui se dégageait de cet adolescent flamboyant qui semblait envouter Gabriel. Maxou souriait pour ne pas souffrir, s'amusait pour ne pas pleurer et vivait pour ne pas dépérir. Il était libre, simple et naturel dans un monde d'apparences, de prétention et de faux-semblants. Le décalage entre sa personne et l'ensemble des élèves était total. Il semblait sorti tout droit d'un livre d'images. Sa joie paraissait presque irréelle. Il mentait, assurément, mais sur quoi ?

Sur sa richesse ? Certainement pas, la voiture de son père et ses fringues de marque démontraient que sa famille était sans doute encore plus aisée que ce qu'il voulait bien laisser croire. Sur ses origines, ses croyances et sa religion ? Rien de tout cela. Comme Gabriel, il allait à l'aumônerie en trainant les pieds et ne semblait croire en rien d'autre qu'en lui-même, ce qui était déjà beaucoup. Sur la franchise de son amitié ? Non plus. Même s'il le connaissait depuis peu, Gabriel savait que leurs liens étaient sincères. Le jeune artiste ne se trompait jamais sur les gens une fois qu'il avait croisé leur regard et qu'il les avait couchés sur papier. Ce Maxou, il l'avait déjà dessiné une bonne demi-douzaine de fois en l'espace de quelques jours.

GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant