« Tu déconnes Maxou, si Clément te voyait, il serait furieux ! »
Gabriel s'ennuyait un peu pendant les vacances de la Toussaint. Il décida donc de refaire l'éducation artistique et culturelle de son ami en le trainant dans divers musées. Sauf que ce dernier préférait largement flâner dans Paris avec l'une ou l'autre de ses conquêtes féminines plutôt que de suivre les cours de son jeune professeur. Et forcément, quand le jeune châtain vit le blond vénitien arriver au point de rendez-vous avec près d'une heure de retard, au bras d'une charmante demoiselle qu'il embrassa fougueusement avant de lui dire au revoir, il ne put s'empêcher de mal le prendre. Mais plutôt que d'admettre que passer après les filles le rendait jaloux, Gabriel préférait utiliser l'argument facile de Clément, le petit handballeur amoureux, pour tenter de faire culpabiliser son ami.
« Clem, il est pas jaloux, il est trop gentil pour ça, il comprend que j'ai besoin des filles pour me sentir bien, il me juge pas... Enfin, pas trop... Lui dis pas, s'te plait, fais pas ton crevard, Gaby... »
L'artiste aux yeux bleu maya soupira. L'automne, saison des amours chez l'adolescent ? Quoique le taux d'hormones explose tellement à cet âge-là, que même le froid glacial de l'hiver et la chaleur caniculaire de l'été ne peuvent détourner les jeunes gens de leurs premiers instincts reproducteurs. Plus qu'une question de climat ou de période, c'est juste une question d'âge et de phase de la vie. Gabriel trouvait risible d'ainsi constater que l'homme n'est rien d'autre qu'un animal, programmé à la naissance pour répondre à certains schémas particulièrement bestiaux. L'émoi qu'il ressentait lui-même pour le démon Lilith, la belle étudiante qu'il avait si souvent dessinée, le torturait de l'intérieur. Depuis le début, depuis qu'il avait croisé son regard, il l'aimait, il n'aimait qu'elle, même. Il le savait au rythme des battements de son cœur qui lui indiquait qu'en la présence de la belle, il n'était plus vraiment lui-même. Le jeune artiste un peu fou, inconscient et rêveur laissait sa place à une simple bête qui agissait presque par instinct. Il l'avait embrassée au printemps dernier, à un moment où il n'aurait jamais dû le faire, à cause de son jeune âge et de la non disponibilité affective de la dame. Il en avait souffert, mais il s'était repris. Il avait été plus fort que ses sentiments et s'était relevé du désespoir causé par cet amour impossible. Il avait même réussi à chasser la belle de son esprit lors de ses quelques entrainements en solitaire, le soir dans son lit, préférant rêver à des choses moins orthodoxes et beaucoup plus folles. Son imaginaire, si puissant lorsqu'il s'agissait de créer, le portait vers des fantasmes inexplorés et insensés que même internet ne connaissait pas. Jusqu'à la semaine dernière.
Quand il la vit, recroquevillée sur elle-même telle une biche blessée, son instinct de chasseur reprit le dessus. Il l'aimait, il n'avait jamais cessé de l'aimer, et rien ne pouvait détourner son regard de ce corps si parfait. Mais il n'avait que quatorze ans, et haïssait son immaturité morale et physique. Elle, elle aimait Marc, et personne d'autre. Et lui... lui, il n'était à ses yeux qu'un simple petit frère de cœur, ce qui lui brisait le sien. Il ne savait pas ce qu'il devait faire. La morale lui dictait une conduite irréprochable. Il se devait, par amitié, de la soutenir sans affliger son homme, de la consoler sans la charmer et de l'aimer sans que ce ne soit réciproque. Son corps le poussait dans une autre direction. Il voulait faire sienne cette douce créature affaiblie par la tristesse. Il se détestait pour cela. Et depuis cette funeste soirée, pour ne pas lui montrer lors de leurs nombreuses conversations téléphoniques qu'il ne rêvait que d'elle, il avait érigé une barrière psychique forte entre son comportement et ses désirs, qui ne se révélaient pleinement que le soir, dans l'obscurité de la nuit déchirante pendant laquelle les draps chantaient des drôles de mélodies et se retrouvaient indéfectiblement marqués par l'expression physique et matérielle de son amour.
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Gabriel
Roman pour AdolescentsGabriel a 13 ans. Avec sa mère, il emménage à Paris, où plutôt en région parisienne. En banlieue. Dans son nouveau collège, il va faire de drôles de rencontres et prendre quelques coups, mais il s'en fout ! C'est un artiste, il dessine, joue du viol...