CHAPITRE QUATRE.

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Brûle toi. Brûle toi. Elle plaisantait lorsqu'elle disait cela Dimanche? Parce que ça fait trois jours que j'ai légèrement peur, enfin je crois que c'est de la peur. Elle me l'avait déjà dit pendant les vacances d'été, elle venait et partait en me disant cela mais ça ne m'inquiétait pas or Anna me fait peur mais pour une raison qui m'est inconnue, j'ai l'impression de l'aimer ou bien elle me le fait croire. Il y a deux ans, je m'imaginais devenir fou ou finir dans l'asile le plus proche de chez moi. Je pensais que je finirais en prison car j'aurais commis un meurtre ou un autre délit à cause de cette voix qui a maintenant un visage. Que dois-je faire pour que cela s'arrête un jour? J'aimerais tellement qu'elle parte mais en même temps non. Si elle n'était pas là, je serais probablement seul tout le temps hors avec elle, je me sens un peu moins seul. Par contre, il y a ces moments où je suis complètement seul, vraiment seul. La salle d'attente est vide, aucun son ne résonne, je suis seul. Cela doit bien faire, dix ou quinze minutes que je patiente, ou peut-être plus. Ma mère a décidé qu'à partir de maintenant, elle ferait les courses pendant mes rendez-vous, pour elle c'est une bonne idée de me laisser me débrouiller un peu seul. Je déteste être seul. La solitude, c'est affreux. Pourquoi ne vient-elle pas aujourd'hui? Est-ce normal? Vais-je aller mieux? Alors que je me questionne depuis tout à l'heure, la porte colorée de violet s'ouvre sur un homme de la quarantaine avec un sourire compatissant sur le visage. Il se trouve que c'est mon médecin. Je grogne à l'intérieur de moi. Ne pouvait-il pas être absent ce jour là? Je hais venir ici. Je hais parler à cet homme. Je hais sa manière d'être trop gentil avec moi. Je hais tout ce qu'il peut y avoir ici. Je finis par le suivre jusqu'à son bureau, toujours aussi moche. J'aime une seule chose ici. Le canapé. J'ai un canapé à moi tout seul. Les canapés sont mes meilleurs amis. Je m'installe dessus comme à mon habitude, en tailleurs, et croise les bras. Je regarde le sol, celui-ci est soudainement intéressant. Je lève les yeux vers mon pédopsychiatre et il me sourit.
-Comment ça va Ashton?
-Ça va, grommelai-je.
-J'ai consulté avec ton neurologue, d'après lui tu lui as confié avoir vu Anna, c'est ça?
Je grogne doucement pour affirmer.
-A quoi ressemble-t-elle? Questionne-t-il.
Je réfléchis un moment. J'hésite. Mais à quoi bon? Autant dire la vérité.
-Elle est très belle. Elle a de longs cheveux bruns qui lui arrivent un peu en dessous des épaules, elle a des yeux bleus, je crois, oui bleus; et sa peau est très blanche.
-As-tu déjà connu quelqu'un qui lui ressemblait?
-Non, je ne crois pas... Je ne m'en souviens pas.
-Très bien. Depuis les vacances de cet été, t'a-t-elle redit de te brûler?
J'avale ma salive.
-Dimanche, dis-je simplement.
-Elle te l'a dit dimanche? Et qu'as-tu fait?
-Oui et je n'ai rien fait, dis-je sèchement.
-Bien.
Je déteste quand il dit bien. Bien? Comme si tout cela était bien. Il me sourit très gentiment et se lève pour sortir de la pièce. Me laissant seul. Quand vais-je pouvoir sortir de là? Rentrer chez moi? Quelques minutes plus tard, il revient accompagné d'une jeune femme d'environ vingt-cinq ou trente ans. Elle me sourit timidement et s'assoit à côté de mon médecin. Elle prend mon dossier qu'on lui tend et commence à le lire. Que fait-elle là? Pourquoi lit-elle mon dossier?
-Ashton, je te présente Alessandra. Tu prendras tes prochains rendez-vous avec elle puisque je serai en vacances.
-Q..Quoi?
Je n'ai pas envie de changer de médecin. Je ne veux pas voir cette femme toutes les semaines. Je n'en ai pas envie.
«Tu vois Ashy,ils sont si méchants. Si méchants. Tu dois partir loin d'ici Ashy, très loin.»
Je me lève soudainement et sors de la pièce. Je croise ma mère dans la salle d'attente mais quitte quand même le centre pour ados. Je me mets à courir dans les rues, en tournant plusieurs fois à droite et une fois à gauche. J'arrive chez moi. Lauren et Harry sont devant la télévision, en train de regarder un dessin-animé. Ma sœur tourne la tête et me regarde inquiète avant d'ouvrir la bouche pour dire quelque chose. Je ne la laisse pas parler et monte dans ma chambre. Je change rapidement d'avis et m'enferme dans ma salle de musique. Je place derrière ma batterie et commence à jouer. Je ne veux pas entendre Anna. Je ne veux pas la voir. Je ne veux voir et entendre personne. Je commence à jouer un peu plus fort. J'aime tellement ça.
«Arrête ça tout de suite, Ashton. Arrête.»
-Quoi? Hurlai-je.
«Je t'ai dit d'arrêter!!»
-Non, j'aime ça Anna.
Je reprends et joue à nouveau morceau. J'ai hâte d'avoir la batterie complète avec tous ce qu'il faut, il me manque quelques tambours. J'arrête au bout d'une demi-heure. Je suis en sueur. Je tire vers l'arrière de mon crâne, quelques mèches collées sur mon front par la sueur. Je tourne la clé dans la serrure et déverrouille la porte. Je me dirige vers la salle de bain mais croise soudainement Anna. Mon sang se glace. Je lâche ce que j'ai dans mes mains et cours m'enfermer dans la salle de bain. Je ferme la porte à double tours et soupire. Comment est-elle arrivée jusqu'à là sans se faire remarquer? Sans que Lauren ou Harry ne la voit? Je comptais prendre une douche autant le faire, elle partira sûrement en voyant que je ne sors pas. Je mets mes vêtements sales dans le panier à linge et file sous la douche. Je règle la température de l'eau comme je l'aime, c'est-à-dire bouillante. Je savonne tout mon corps ainsi que mes cheveux, puis me rince. Je sors de la cabine de douche et saisis une serviette pour m'essuyer. Je prends mon pyjama et l'enfile. De toute façon, je ne vais plus sortir de la maison, il est déjà dix-huit heures. Que fait ma mère d'ailleurs? Oh, je m'en fiche en fait. Je m'apprête à sortir de la salle de bain mais quelque chose m'empêche de le faire, ou plutôt quelqu'un. Anna se tient devant moi, dos à la porte, avec un de ses sourires que je déteste. Elle s'approche dangereusement de moi, colle son corps un peu plus au mien et amène sa bouche à mon oreille. «Tu sais que je t'aime.» me chuchote-t-elle. Elle décale son visage et me sourit. Elle met ses bras autour de mon cou, ses lèvres frôlent les miennes. Elle me montre ses magnifiques dents en souriant et plaque sa bouche sur mes lèvres. Sa langue passe sur mes lèvres, j'ouvre ma bouche et nos langues dansent ensemble. A ma plus grande surprise, je ne la repousse pas. Pourquoi d'ailleurs? Elle se recule puis me sourit avant de disparaître.
Pourquoi je ne l'ai pas repoussé? Mais surtout... Pourquoi j'ai aimé ça?

Schizophrène | A.IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant