CHAPITRE NEUF.

210 27 4
                                    

Il est une heure du matin et j'ai mal à la tête, affreusement mal à la tête. Ça fait un heure que Anna n'arrête pas de me parler ou plutôt de me crier dessus. Elle m'avait laissé tranquille pendant quelques jours. Ils m'ont donné des médicaments plus forts qui la faisait disparaître mais elle est revenue aujourd'hui. Pourquoi? Qu'ai-je fait encore? Je devrais appeler une infirmière, j'ai un bouton pour cela mais elle m'interdit de le faire. Elle me crie de l'écouter elle, et seulement elle. Personne d'autre. Elle me dit de me faire du mal. Elle hurle qu'ici c'est l'enfer et que moi, je dois aller au paradis. Elle dit que ce n'est pas en restant ici que tout ira mieux, au contraire. Elle s'exclame que je suis nul, que je dois partir. Elle me donne mal à la tête. Je n'en peux plus. Elle ne peut pas se taire? Faire une petite pause? J'en ai marre.
-TAIS TOI!! hurlai-je. FERME LA BON SANG.
«Je te dis de m'écouter Ashton, ne comprends-tu pas ça?!!»
-Je sors demain alors laisse moi tranquille!
Ouais, Alessandra a affirmé que mon état s'améliorait et que demain, ma mère viendrait me chercher. Après deux semaines ici, je ne peux que me réjouir. - La fin du mois de novembre approche et l'été va bientôt arriver. J'ai tellement hâte. La chaleur, la plage, la mer... J'adore ça, enfin j'adorais ça. - Alessandra a été très gentille les derniers jours, c'est juste que je préférais le Docteur Blaik, il était mieux, puis ça faisait deux ans que je le voyais.
«Ashton écoute moi! Tu fous quoi là? Mais enlève ta main de ce putain de bouton!!»
Je retire ma main du bouton d'appel et soupire. Je me rallonge dans mon lit et referme mes yeux.
«ASHTON CESSE DE DORMIR. Je te parle nom de dieu, que tu es mal poli.»
-Laisse moi Anna, laisse moi dormir.
Elle ricane le plus fort possible.
«Non Ashton. Jamais.»
-J'ai besoin de dormir Anna, soupirai-je.
«Et moi j'ai besoin que tu m'écoutes! JE TE PARLE ASHTON.»
-Parle-moi alors, marmonnai-je.
«Brûle toi.»
Non, elle ne va pas recommencer.
«Brûle toi, Ashton.»
-Non.
«BRÛLE TOI ASHTON. VA TE BRÛLER.»
-MAIS NON BORDEL, criai-je le plus fort possible.
J'entends quelqu'un toquer à ma porte de chambre. «Ashton, tout va bien?» entendis-je alors que la personne toque à nouveau à la porte.
«Tu as appuyé sur le bouton? N'est-ce pas? TU LES AS APPELE? TU N'ES QU'UN INCAPABLE ASHTON.»
-Mais je..je n'ai rien fait..., je balbutie.
«TU TE MOQUES DE MOI. TU LES AS APPELE. TU MERITES D'ÊTRE PUNI.»
Anna apparaît soudainement devant moi. Elle est debout au bout de mon lit. Ses yeux sont d'un noir si obscure, un des ténèbres. Elle me fait peur.
-A...An...Anna, je...je...je suis désolé, je suis dé..désolé. Ne...ne me fait... fait pas de mal... s'il...s'il te pla...plaît.
«FERME LA.» hurle-t-elle.
-Mais...mais...Anna...je...je t'en...su..supplie.
Je ressens une affreuse douleur au niveau de ma joue droite, comme si elle venait de me gifler. Je porte ma main à cette joue et la regarde avec dégoût. Je...Je croyais qu'elle m'aimait? Elle m'aime mais elle me fait mal? Je ne comprends plus rien.
«CESSE DE PLEURER, TU N'ES QU'UN BON A RIEN ASHTON. TU N'ES QU'UNE PETITE FILLE, LES HOMMES NE PLEURENT PAS, CE SONT LES FILLES. MAIS QUI ES-TU BON SANG.»
Je me recroqueville sur moi, tel un fœtus dans le ventre de sa mère. Je ressens plusieurs douleurs au ventre, au crâne, au visage, aux jambes. Qu'est-ce qu'elle me fait.
«ARRETE ASHTON. ARRETE CA TOUT DE SUITE ET ECOUTE MOI. REGARDE MOI ET ECOUTE MOI.»
Je lève les yeux vers elle, elle est terrifiante. Et elle crie le plus fort possible.
«BRULE TOI!!!!»

+


-Ashton, tout va bien, hé tu es en sécurité ici, me dit gentiment Alessandra.
Je tremble. J'ai peur. Il est huit heures et je suis dans le cabiné de Alessandra. Il y a un peu plus de six heures, l'infirmière qui toquait à ma porte et rentrait après m'avoir entendu hurler plus d'une fois. Alessandra a annulé ses rendez-vous pour me prendre en urgence.
-Je vais appeler ta mère Ashton, bouge un peu, prends quelque chose à manger en attendant.. J'arrive.
Elle me fait rire. Elle n'était pas là. Elle ne l'a pas vue. Elle ne l'a pas tapée. Elle ne lui a pas criée dessus. Anna ne lui a rien fait. Elle s'éloigne de moi avec son téléphone. Je l'entends discuter, demander à ma mère de venir le plus vite possible avant de raccrocher. Alessandra revient vers cinq minutes après et me dit que ma mère arrive dans une heure, le temps de faire la route. Elle me demande si je ne veux pas quelque chose à boire ou un manger, ou un magasine people à lire ou bien regarder la télé. Je refuse. Toujours aussi horrifié. Une heure passe, ma mère entre dans le cabinet. Elle serre la main de Alessandra et s'approche de moi. Elle vient pour me prendre dans ses bras mais je m'éloigne, je m'enfonce encore plus dans le fauteuil où je suis assis depuis plus de deux heures.
-Madame... Asseyez-vous, nous allons discuter, propose mon médecin à ma mère.
Elle s'assoit.
-Que lui est-il arrivé? S'empresse de demander ma mère.
-Il a fait une nouvelle crise cette nuit... une crise très aiguë, je ne crois pas qu'il en ait eu d'aussi forte... C'est arrivé vers une heure du matin d'après l'infirmière, elle aurait entendu les premiers cris vers cette heure.
-Je...je croyais qu'il allait beaucoup mieux, qu'il pourrait sortir d'ici quelques jours..
-Je sais, nous aussi on croyait qu'il allait beaucoup mieux. Il allait mieux. Le nouveau traitement fonctionnait mais il y a eu cette crise. Est-ce que ses anciens médecins comme le Docteur Blaik, vous ont parlé des différentes phases de la Schizophrénie?
-Euh non, qu'est-ce? Questionne ma mère.
-Il existe trois phases qui se manifestent au cours de la maladie. La première apparaît dès les débuts, on l'appelle prodromique, c'est ce qu'il s'est passé il y a deux ans. Ashton a commencé à se désintéresser de certaines choses, à s'isoler.. vous vous rappeler de cette période qui a du durer quelques mois? Ma mère hoche la tête. Et bien après celle-là, il y a la phase aiguë. C'est lorsqu'il a commencé à avoir des hallucinations, les premières paroles de cette fille Anna, il y a aussi une perturbation marquée des pensées, du comportement et des sensations. On dit souvent que c'est cette période qui effraie le plus la famille. Et il y a la phase résiduelle, elle ressemble beaucoup à la phase aiguë, il y a juste une petite différence qui peut apparaître, à ce moment là, Ashton pourrait se sentir abattu, se replier sur lui-même... Comprenez-vous tout cela?
-Oui...
-Votre fils est en pleine phase aiguë, on ne peut pas être plus en plein dedans que lui. Nous avons changé les neuroleptiques pour des antipsychotiques suivis de quelques autres médicaments contre la dépression, l'anxiété qui sont des effets secondaires des antipsychotiques.
-Il est gavé de médicaments? S'exclame avec dégoût ma mère.
-Je suis désolée mais c'est la seule solution que nous avons trouvé pour l'instant...
-Combien de temps va-t-il encore rester ici? Il ne va pas passer son été ici?
-Nous ne le savons pas encore, je vais en discuter avec mes collègues et je vous en parlerai le plus vite possible...
-En attendant vous allez faire quoi? Regardez le un peu! Je ne reconnais pas mon fils!!
Ma mère me fait de la peine... Elle ne mérite rien de cela, elle devrait avoir un fils qui n'est pas malade, un fils qui pourrait lui montrer à quel point il l'aime.
-Je vais y aller, se lève ma mère. Je vais être encore plus en retard pour mon travail. Je vous remercie Alessandra. Ashton?
Je lève la tête vers ma mère.
-Je t'aime mon poussin, on se voit à ta sortie.
Et elle sort du cabinet, vexée ou énervée, je ne sais pas qu'elle est le bon sentiment.

+

-Allez Ashton, debout!!
Je me réveille, apeuré, qui hurle comme ça dès le matin? On est quel jour d'ailleurs? J'ouvre un peu plus les yeux et vois Michael au dessus de moi, tout souriant. Qu'est-ce qu'il fait ici? Je me redresse et m'assois sur mon lit. Michael fait de même au bord du lit et continue de me sourire.
-Que fais-tu ici? Demandai-je.
-On est lundi, c'est le Jour J.
-Quoi?
-C'est aujourd'hui que tu sors! S'exclame-t-il.
-J'avais oublié..., je souris à mon tour. En plus... c'est bientôt Noël!
-Dans dix-huit jours Ash', me sourit Michael.
Après deux mois passé ici, je vais enfin sortir d'ici. Je ne devais y rester que deux semaines mais ils ont prolongé le séjour après une nouvelle crise, celle de la dernière fois. Je sors de mon lit et cours vers mon armoire y prendre des vêtements propres. Je dis à Michael que je vais me doucher puis m'habiller. Je rentre rapidement dans la cabine de douche et me savonne rapidement, très rapidement. Je sors, m'essuie et m'habille. Je brosse rapidement mes cheveux, je lave mes dents et sors de la salle de bain. Michael est en train de mettre les vêtements de l'armoire dans ma valise. Il a presque fini d'ailleurs. Il se retourne pour me voir et ferme la valise. Il la porte à une main et ouvre la porte de la chambre.
-Tu viens?
-Euh.. Ouais, je mets ma veste.
-Pas la peine, il fait super chaud, on est en été Ashton.
-Ah oui..C'est vrai.
Je ne la mets pas et sors de cette chambre, ma veste à la main. Je lâche un soupir. Je descends les escaliers pour arriver à l'accueil. Michael rend la clé de la chambre. Je salue quelques personnes qui étaient sympas avec moi et je sors de ce centre psychiatrique. Je me sens libre. C'était tellement horrible là-dedans, peu d'infirmières étaient gentilles et toutes étaient quasi au stade de la retraite. La chaleur du soleil brûle ma peau, c'est vrai qu'il fait chaud. Je vais pouvoir enfin profiter de l'été. Je cherche la voiture de ma mère. Elle est quand même venue me chercher? Où est ma mère?
-Suis-moi, on va louper le bus sinon.
-Quoi? Pourquoi ma mère n'est pas venue me chercher?
-Elle travaille Ashton, répond-il.
-Elle a travaillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant un mois? Ricanai-je sarcastiquement.
«Elle ne t'aime pas Ashy mais moi je t'aime.»
Elle a sûrement raison pour une fois. Ma mère ne m'aime pas, elle n'est pas venue une seule fois prendre de mes nouvelles, même auprès d'une seule infirmière. Je suis Michael jusqu'à l'arrêt de bus et nous montons dans le véhicule. Je m'installe du côté de la vitre et le garçon aux cheveux roses s'assoit à côté de moi. Je pose mes mains sur mes cuisses et soupire à nouveau. On en a pour deux heures de bus là, au moins vu le nombre d'arrêt qu'il a avant le notre. Michael me tend mon MP3, merci, j'en avais besoin. Ça fait si longtemps que je n'ai pas écouté de la musique que j'ai cru que j'allais devenir réellement fou. Je mets mes écouteurs et mets ma playlist préférée en route. Cela fait dix minutes que l'on roule et j'ai déjà envie de dormir. Je pose ma tête sur l'épaule de Michael et ferme les yeux. Il pose sa tête sur la mienne à son tour et me laisse dormir.

+


-Ashton, réveille-toi, on est arrivé, chuchote quelqu'un.
J'ouvre les yeux et vois Michael assis à côté de moi. Oh, on est toujours dans le bus. Je me détache et sors du bus avec Michael. Lauren est assise dans l'arrêt de bus avec Harry à ses côtés. Quand celui-ci me voit, il court et me saute dessus. Je le serre un peu dans mes bras et m'éloigne de lui. Lauren se lève et me salue. Où est ma mère encore une fois?
-Où est Maman?
-A la maison, elle nous attend, sourit Lauren.
Je soupire et nous marchons jusqu'à la maison. J'ouvre la porte et crie pour appeler ma mère. Je la vois sortir de la cuisine avec une grand sourire. Elle me prend dans ses bras et me sourit à nouveau.
-Je suis contente de te revoir ici Ashton, tu as l'air d'aller beaucoup mieux.
-Oui Maman... Pourquoi n'es-tu pas venu me chercher? Ou me voir?
-J'avais du travail Ashton.. puis j'ai rencontré quelqu'un que j'aimerais te présenter, dit-elle joyeusement.
Je me retourne vers ma sœur et la questionne du regard. Elle s'approche de moi et me chuchote que je ne vais pas aimer ça parce qu'elle-même, n'aime pas ça. Je me retourne vers ma mère, cette fois-ci elle est accompagnée d'un homme. Il doit avoir le même âge qu'elle... Qui est-il?
-Ashton, je te présente Vincent mon nouveau... Mon nouveau conjoint.
Je dévisage ma mère, elle plaisante?
-Et il a une fille, qui... ah la voici, je te présente sa fille, Cara.
Elle s'approche de nous avec un petit sourire. Je lui rends son sourire de loin. C'est une fille très simple, je la regarde de bas en haut mais quand je vois son visage, sa taille, son corps, ses cheveux légèrement bouclés, je perds mon sourire.
C'est la copie conforme d'Anna.

Schizophrène | A.IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant