Chapitre 20-Ariel

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Alexis était dos à moi. Il paraissait plongé dans ses pensées. Il n'avait même pas remarqué que j'étais dans la pièce. Fascinant. Peu importait l'angle, Alexis était toujours aussi mignon et sexy. C'était vraiment un hasard incroyable qu'en essayant de fuir ma vie et tout ce qu'elle impliquait je sois tombée sur lui. Le garçon que je m'attendais le moins à rencontrer. Ce garçon que je n'avais vu qu'une seule fois et qui pourtant avait hanté mes rêves. Ce garçon aux yeux doux que j'avais retrouvé si brisé sur cette plage. 

Visiblement, il ne me reconnaissait pas. En même temps, comment l'aurait-il pu ? Je n'étais qu'une passante anonyme alors que lui était avec sa copine, cette blondasse prétentieuse, Lucy. Je ne pouvais pas lutter contre elle. Elle était trop rayonnante. Elle était impressionnante. Un seul regard aurait pu pousser n'importe qui à se taire. Elle avait une autorité naturelle. 

Je n'étais jamais vraiment tombée amoureuse. Jamais. Ce garçon m'avait juste fascinée. Le seul homme de ma vie était Eric. J'aimais l'appeler "mon p'tit homme" avant. Notre mère avait trouvé cela amusant de nous appeler Ariel et Eric. Le pire était que physiquement, je ressemblais vaguement à la princesse Ariel de Disney à cause de mon épaisse chevelure rousse. Quand j'étais petite, à chaque fois que devais faire un vœux je souhaitais devenir une sirène. J'étais stupide à l'époque. 

Le déclic s'était fait pour ma mère quand elle m'avait entendu chanter pour la première fois. C'était une petite chanson toute bête qu'on devait chanter à notre génitrice pour la fête des mères. Elle avait eu les larmes aux yeux et avait murmurer entre deux sanglots :

"Elle a vraiment du talent."

Cela avait beaucoup fait rire mon père. Je devais avoir huit ans à l'époque. Même le petit Eric qui ne devait avoir à l'époque que quelques mois s'était mis à gazouiller. Les compliments de ma mère m'avaient fait énormément plaisir. J'étais devenue écarlate. Alors, quand elle m'avait demandé si j'étais prête à chanter pour elle de nouveau, j'avais dit oui, bien sûr. Je n'étais pas préparée à ce qui allait arriver. Les cours de chant, le conservatoire, les auditions, toutes les heures de cours manquées.

Au départ j'étais fière d'annoncer à mes camarades que j'allais devenir chanteuse professionnelle. Rien que ça. Seulement, ce que je n'avais pas prévu c'est de voir mes amis s'éloigner, mes camarades parler derrière mon dos. Je les entendais parler.

"Faut qu'elle arrête de se la péter là ça suffit"

"En plus Madame est trop bien pour assister aux mêmes cours que nous"

"Et puis, elle chante même pas si bien que ça."

J'en avais un jour parlé à ma mère. Elle m'avait rassuré :

"Ils sont juste jaloux. Tu es extraordinaire et eux ne sont que des personnes banales. Ils ne peuvent pas supporter ça."

Cela m'avait rassuré. Ils se croyaient trop bien pour moi mais en réalité c'était moi qui était trop bien. Je serais une véritable star, je serais accueillie dans les réceptions les plus chics tandis qu'eux vivraient une misérable vie de personne commune. Ils ne méritaient pas de fréquenter quelqu'un comme moi. Je ne devais fréquenter que les plus grands, comme l'avait dit maman. Elle avait toujours raison maman.

Ce comportement m'avait valu de perdre les rares amis qui me restaient, mais je m'en fichais. Tant pis pour eux, ils ne savaient pas ce qu'ils manquaient. 

Je voyais de moins papa et Eric mais ça n'était pas très grave. Il fallait faire des sacrifices pour être connue. Et, si on n'était pas capable, jamais on ne ferait partie des grands de ce monde. Plusieurs maisons de disques avaient adoré la voix que j'avais mais la plupart avaient répondu :

"Peut-être dans quelques années, quand elle sera devenue une adolescente..."

C'était sûre qu'il n'y avait pas des masses de petites filles qui perçaient. Mais, je tenais à être une exception. Après tout, n'étais-je pas exceptionnelle ?

J'étais narcissique et méprisante à l'époque. Presque toutes les phrases qui sortaient de ma bouche étaient au préalable conçues de toutes pièces par ma mère. A chaque fois qu'on sortait d'une audition et qu'on essuyait un refus, elle avait l'air si triste que je me promettais de faire beaucoup mieux la prochaine fois. Je m'entraînais des heures dans la salle de bain sans interruptions. J'étais l'élève la plus appliquée que mes professeurs de chant n'avaient jamais vu. 

Lorsque j'ai enfin décroché un contrat avec une maison de disque, à l'âge de 13 ans, ma mère était aux anges. Elle qui était habituellement si colérique et irritable elle se montrait soudain gentille et compréhensive. 

Toute ma vie allait changer. J'avais désormais un agent et celui-ci promettait de faire de moi une star. J'étais alors à l'époque toute excitée. J'allais enfin faire plaisir à maman.

Si j'avais su les conséquences de ce choix. Elles n'auraient pas pu être plus terribles. Après tout, la perte de ma voix n'était-elle pas une juste punition pour ce que j'avais fait ? Pour avoir fait preuve d'un tel orgueil, d'une telle présomption ? Je pense que oui. J'ai fait beaucoup de mauvais choix dans ma vie mais celui-ci était sûrement le plus terrible.

J'avais mérité ces punitions. La perte de ma voix. Vivre dans la même maison que le garçon qui me fascinait en sachant qu'il ne serait jamais à moi. Et puis... Zack. 

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 05, 2016 ⏰

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