Prologue

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Le ciel noir vire à l'indigo foncé. L'eau, presque immobile, continue de lécher mes pieds. Le vent du matin agite mes cheveux blancs _ comme la lune pleine et laiteuse qui me lorgne au dessus de la mer.

Je natte ma chevelure toujours un peu emmêlée et humide, le regard perdu dans l'horizon qui s'éclaircit. Bien qu'habituée au silence, je le trouve cette fois trop lourd, et respire, plus fort, transformant chacun de mes mouvements en bruit, murmures qui brisent le mutisme de la crique.

Peu avant le lever du soleil, je gravis la même falaise, menaçante par sa hauteur et ses rochers acérés comme les dents d'un requin. Enfin, je m'élance, les sens affûtés, je cours jusqu'au bord du précipice. La gigantesque masse d'eau gronde, quelque part en bas.

Tout est net, bien défini tandis que le soleil levant lance des reflets roses sur les nuages. Je bondis dans le vide, la tête la première. Mon corps se courbe, mes muscles se contractent. Je suis en suspens dans l'air. Puis, je fend la surface de l'eau. Ma dimension. L'océan est doux, m'enveloppe, me laisse flotter en lui. Je perçois son immensité, la vie y est comme atténuée, ralentie. Je frôle les algues, me tortille jusqu'à effleurer le sable. Là, je plane, je fonce, j'ondule sur des dizaines de mètres. Je garde les yeux ouverts malgré le sel, mais je commence à étouffer.

Lorsque je refais surface, marchant lentement vers la berge, il m'attend, impassible, son couteau de poche déplié. Je m'assois docilement dos à lui, tandis qu'il attrape ma natte trempée, approchant de ma nuque la lame aiguisée.


Hina et la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant