Chapitre trois (1/3)✅

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Royaume d'Anatolie, ville d'Astra, sud-ouest du Territoire

Pensive, Diana se laissait pouponner dans le plus grand calme au grand étonnement de ses demoiselles de chambre qui n'étaient pas habituées à une telle docilité de la part de leur jeune maîtresse. D'habitude, celle-ci était agitée lors de ses mises en beauté quotidiennes. Les jeunes femmes n'allaient pas s'en plaindre, pour une fois qu'elles pouvaient faire leur travail sans craindre de tirer trop fort une mèche de cheveux, renverser par mégarde une huile parfumée sur un tissu particulièrement difficile à laver ou blesser par inadvertance l'œil de la princesse en tentant de tracer son regard sombre avec un crayon de khôl. Si les suivantes gouttaient à la joie de la douce quiétude de maquiller une femme calme, Diana n'était pas vraiment d'humeur à partager leur sentiment.

Depuis ce matin, elle était dans tous ses états. Les révélations de son maître l'avaient ébranlé et si après leur entrevue elle avait réussi à retrouver un semblant de calme, les doutes l'avaient assailli à nouveau sans répit. Elle avait eu du mal à conserver sa concentration le reste de la journée dans ses activités princières. Pour ne rien arranger, au cours de l'après-midi elle n'avait pas croisé son précepteur et cela l'ennuyait terriblement. Quelque chose de mauvais se tramait, elle le ressentait au plus profond de son être. Par ailleurs, elle avait l'intime conviction qu'elle était en mesure d'empêcher le pire si Ilya Yang se montrait coopératif.

Hélas, le vieil homme avait l'air de s'amuser à jouer avec ses nerfs. Personne ne l'avait vu au palais dans la journée. Elle en avait touché mot à ses suivantes afin que celles-ci aillent vérifier aux quartiers des serviteurs si son maître s'y était présenté ou si quelqu'un l'avait aperçu même furtivement. Hormis un jeune domestique qui lui avait apporté son déjeuner le matin, le professeur anatolien n'avait été vu de personne à part elle.

- Je dois me calmer, il sera là ce soir. Pourquoi il ne viendrait pas après tout ? marmona-t-elle pour elle dans sa barbe en jouant distraitement avec une mèche brune tressée.

- Pardon, Votre Altesse ? lui demanda la douce Hanaé en arrêtant un instant sa tâche.

- Rien du tout, balaya la jeune femme. Je pensais à voix haute.

La servante ne chercha pas plus loin et se remit à l'ouvrage rapidement. La chevelure de la princesse était abondante et dégoulinait de frisettes qui étaient difficiles à dompter si on ne savait pas s'y prendre correctement. Le banquet allait commencer dans quelques minutes et il était du plus mauvais effet qu'une princesse de sang arrive en retard.

- Votre Altesse, appela Esthera une autre des dames de chambre. Le seigneur El-Kasawi est là.

- Fait-le entrer, ordonna-t-elle sans quitter le miroir de sa coiffeuse.

Suite à cette autorisation, un jeune homme se présenta dans la pièce à dormir de la princesse anatolienne. Le battant se ferma aussitôt derrière lui, le condamnant à rester dans cette prison dorée. Ce n'est pas pour autant que le jeune homme parut inquiet. Celui-ci était au contraire plutôt détendu, en tout cas, autant que pouvait l'être quelqu'un en s'approchant d'une princesse. Comme il était de coutume lorsqu'on s'adressait à un personnage royal en Anatolie, le jeune homme mit ses bras en croix sur son torse les mains ouvertes et inclina légèrement le buste en avant dans une révérence respectueuse :

- Mes hommages, Votre Altesse.

- Ozzi, tu as vu maître Yang ? demanda abrupt Diana en se levant du siège richement décoré de sa coiffeuse une fois qu' Hanaé eut fini la réalisation de la dernière tresse.

Tribu : La légende des clans [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant