Chapitre quatre (1/3)✅

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On avait enterré le corps de maître Yang dans la crypte royale située dans les souterrains du palais-royal. Une partie de celle-ci était réservée aux serviteurs qui avaient travaillé sous les ordres de la famille royale. Pour honorer d'autant plus le précepteur de la princesse, décédé de façon si tragique, un jour de fête, il y eut un deuil général au palais pendant une semaine. Une fois cette funeste période terminée, l'enquête pouvait débuter.

Ainsi, la police personnelle du roi fut mandatée pour cette mission d'envergure. Le meurtre avait eu lieu au domicile du roi en personne. Il était en droit de se demander si l'assassinat d'Ilya Yang était les prémices d'un attentat à l'encontre de la monarchie anatolienne. Après quelques jours d'enquête, cette hypothèse fut vite écartée. Hélas, ce n'est pas pour autant que de nouveaux éléments avaient été trouvés.

La seule piste dont disposait les enquêteurs royaux était le témoignage de la princesse qui se résumait à un simple rubis trouvé sur la scène de crime. Celui-ci n'avait rien donné. Les enquêteurs avaient pensé se rattraper en ayant une liste plus que complète des suspects potentiels, cherchant n'importe quel individu qui aurait pu avoir une dent contre le vieil homme. De ce côté, aussi, ils avaient fait chou blanc.

Impossible de trouver un ennemi à la victime ou ne serait-ce qu'un mobile qui aurait pu orienter leur enquête. Maître Yang n'avait pas d'épouse, pas d'enfant, pas de maîtresse, pas de famille et très peu d'amis, tous innocentés aussitôt que leurs noms étaient apparus dans l'enquête. On avait pensé à un vol, mais cette piste aussi avait été écartée comme celle du complot. Rien n'avait été dérobé dans son bureau saccagé. Si malgré les apparences, il s'agissait vraiment d'un vol, le coupable ne l'avait pas trouvé et risquait de sévir à nouveau. La période de deuil aurait été dans ce cas une occasion en or pour le criminel de venir chercher ce qu'il n'avait pas trouvé la première nuit. Hélas ou heureusement, aucun vol ne fut à déplorer les jours suivant.

Hormis cela, le défunt apparaissait comme l'homme qui avait le moins de raisons d'être assassiné. C'était un homme sans problème, s'autorisant de rares moments d'oisiveté, entièrement voué à son travail en temps que précepteur.

Conclusion de tout cela, l'enquête n'avançait pas d'un pouce et en vue de comment défilaient les journées, il y avait fort à parier pour qu'on ne trouve jamais le meurtrier. Un indice n'allait pas apparaître comme par magie à l'œil des policiers et de plus pendant la période de deuil, il y avait de forte chance que le coupable soit déjà loin. En une semaine, on pouvait facilement passer les frontières du royaume avec de bonnes relations.

Tout cela n'était pas du goût de Diana qui observait l'investigation d'un œil vengeur. Depuis le triste événement du banquet, celle-ci restait le plus clair de son temps cloîtrée dans sa chambre, sortant de temps à autre pour se rendre dans le jardin, faire de l'escrime ou de l'équitation avec ses amis pour les apparences. La princesse endeuillée avait fait place à une princesse vengeresse. Elle s'en voulait de ne pas avoir poursuivi l'assassin de son maître quand il en était encore temps. Sa négligence avait conduit à l'injustice. Jamais le meurtre de maître Yang serait élucidé à présent. Du moins, il lui restait une carte à jouer, mais pour cela, elle devait se défaire de la promesse qu'elle avait faite à Ilya Yang : ne jamais parler de la clé.

Elle avait eu le faible espoir lorsque l'enquête avait débuté que grâce au rubis qu'elle avait trouvé, les gardes trouvent rapidement l'assassin. D'ailleurs, un jour en passant « par hasard » devant le bureau des détectives privés du roi, elle leur avait subtilement reproché de ne pas avoir cherché plus dans cette direction. Professionnel jusqu'au bout des ongles, le chef des opérations l'avait informé que c'était un indice trop mince pour trouver l'assassin. On était au palais-royal tout de même, et toute la cour devait posséder un rubis ou plus. Et l'indice aurait pu être posé en évidence pour les orienter dans la mauvaise direction.

Diana avait voulu répondre et défendre sa théorie, que la pierre précieuse était le seul indice viable de cette enquête, mais elle avait peur que l'homme en face d'elle se permette de parler de sa venue à son père lorsqu'il ferait son rapport journalier.

C'est ainsi que l'idée de parler de la clé et de ce qui s'était passé dans les jardins, quelques heures avant le meurtre d'Ilya Yang s'était imposée à son esprit. C'était la seule chose qui avait du sens. La coïncidence était trop grande pour qu'elle soit peu importante. Comme par hasard, le jour où son maître lui fait des révélations surprenantes, il se fait tuer le soir-même. Une autre idée délirante se forma dans son cervelet, et si celui-ci avait été tué à cause de la clé justement ! Certes, elle ne voyait pas qui cela pouvait intéresser la clé d'une bibliothèque disparue sous des décombres dans l'endroit le plus reculé de tout le continent... Mais si cette clé était bien ce qu'Ilya Yang avait prétendu qu'elle soit, certains seraient près à faire n'importe quoi pour la vendre à bon prix. Une hypothèse simpliste qui tenait la route malgré tout.

La princesse laissa le livre qu'elle tenait dans les mains sans vraiment lire, et se dirigea vers sa coiffeuse aux couleurs corail décorée et peinte de façon à rappeler l'univers marin. Elle ouvrit un tiroir à l'aide de la poignée en forme de coquillage doré.

Habilement, elle déplaça une boîte à bijoux débordée par son contenu et tira la planche en dessous révélant une cachette connue d'elle seule où traînait petits mots noircis par des écritures de mouches et les trésors intimes d'une princesse, plus important encore, la fameuse clé de la bibliothèque de Nataway.

Celle-ci dormait à l'ombre dans ce joyeux bazar que Diana mettait un point d'honneur à cacher à ses femmes de chambre. Elle caressa distraitement le fer froid de l'objet, se remémorant les paroles de son défunt précepteur, se berçant dans un souvenir morbide dont elle fut tirée par Hanaé qui l'appela calmement. Si calmement que la jeune femme dû l'interpeller plusieurs fois pour qu'elle réponde.

- Votre Altesse.

Précipitamment, la belle brune au teint chocolat referma sa cachette secrète et pivota en direction de son employée.

- Oui.

- Le comte Cromway, demande une audience à son Altesse.

- Oh non, soupira Diana sans aucune élégance. Je pensais qu'il était parti depuis longtemps.

- Non, Votre Altesse, démentit Hanaé doucement.

Elle aurait bien voulu que ce soit le cas. Elle qui avait pensé qu'après le décès de son précepteur, l'émissaire risquant pour sa vie se décide à précipiter son départ pour regagner sa patrie, n'avait même pas essayé de le revoir pour compenser son attitude exécrable du banquet. Elle le voyait déjà loin. En période de deuil, il était interdit d'organiser une fête au palais. Les repas ne devaient pas être prit en grande pompe, on devait éviter de faire l'étalage de sa richesse. Les hommes se laissaient pousser la barbe tout comme les cheveux. Et tout le monde devait se vêtir sobrement. Il y avait de quoi faire fuir quelqu'un venir voir le faste anatolien que vantaient tant les touristes.

En quelques jours, même si elle n'avait pas revu l'émissaire, en aucun cas, l'avis de la princesse avait changé à son égard. Elle ne se sentait pas du tout à l'aise à l'idée de le rencontrer à nouveau. L'envie était trop tentante d'envoyer l'étranger paître, mais la voix de sa sœur aînée se rappela à son bon souvenir. Kamaria apprendrait forcément tôt ou tard qu'elle avait refusé de voir l'invité. Si les manigances politiques anatoliennes ne se passaient pas comme celle-ci le désirait si bien, nul doute que la future héritière du trône lui reprocherait cela pour les siècles et les siècles à venir. Son père se rajouterait aussi dans ce conflit.

Hanaé prit la liberté de rajouter :

- Il attend votre réponse, dans la salle d'audience.

C'était le moment pour elle de donner sa réponse et en vue des circonstances, celle-ci allait être affirmative même si cela ne l'enchantait guère. Elle se rassura intérieurement. Peut-être que le comte Cromway allait tout simplement présenter ses condoléances et si elle voyait qu'il éternisait la conversation, elle mettrait fin à l'échange.

- Tu peux lui dire que j'arrive.



Tribu : La légende des clans [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant