Chapitre 17: Uriah, royaume d'Hadès

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J'ouvre les yeux pour la seconde fois cette nuit la. Le vacarme en contrebas me glace le sang malgré la chaleur émanant du mercenaire à mes côtés. Les yeux exorbités, je me redresse d'un bond. Je n'ose pas regarder à travers l'ouverture car j'ai peur que l'on nous découvre. Leurs torches lancent des ombres auburn sur les chaumières. J'entends Isaiah se lever maladroitement. Je panique. Les chiens aboient et hurlent. Je veux me diriger vers lui mais avec l'obscurité je ne remarque pas qu'il se tient debout, dos à moi. Seulement, dans ma hâte, je me fracasse violemment contre sa blessure. Il émet un hurlement rauque en se retournant subitement. Je plaque ma main contre ses lèvres mais le mal est déjà fait. Les conversations agitées des gardes se taisent. Ils ordonnent le silence aux chiens.
On vient de signer notre arrêt de mort. Nous restons plantés au milieu de ce grenier miteux, se regardant dans le blanc des yeux. J'ai toujours ma main écrasée contre sa bouche, et la seule émotion émanent de nous deux est une peur atroce à s'en vriller les entrailles.
Il règne un silence mortel, semblable à ceux avant l'attaque, avant le combat, avant l'affrontement, avant la mort.

Quand je me dis que nous ne pouvions pas sombrer plus bas, Saadi se réveille en poussant un long gémissement. Compréhensible vu la plaie qui lu strie le visage. Mais on aurait pu s'en abstenir.

Isaiah ferme les yeux, comme s'il allait se réveiller d'un moment à l'autre, comme si ce n'était qu'un long et atroce cauchemar.
C'en est un, seulement il est réel, et nous sommes les victimes.
Les cris reprennent, se rapprochent dangereusement. Nous sommes cuits.
Les appels de Saadi réveillent Isaiah, qui se précipite vers son frère, ne se souciant plus du bruit qu'il provoque.
Il le lève, et le maintient debout, néanmoins, il affiche une grimace de douleur.
Je n'ai même pas eu de poussée d'adrénaline, mon corps et mon esprit ont baissés les bras.
Quand des coups violents retentissent contre la trappe à environs deux mètres de nos pieds, nous sursautons tous les trois. Les voix étouffées écorchent leurs menaces et autres. Nous nous ruons vers la fenêtre, mais on se retire vivement à la vue des archers.
Ils ont mobilisés beaucoup de troupes.
Quand la trappe cède avec un craquement sinistre, tout ralentit autour de moi.

Je lâche les sacs que je porte sur mon dos, et je tombe à genoux.
J'ai envie de crier, de hurler mon désespoir. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas être emmené. Je veux juste, pour une seule fois qu'on me laisse tranquille.
Je n'adresse pas un regard à nos bourreaux. Je ne sais pas s'ils sont grands, trapus, sales, voraces, peureux, effrayants.
Par contre je me rappellerai toujours du manche de l'épée qui assomme Saadi. Je me souviendrai toujours de la terreur maladive se lisant dans les yeux d'Isaiah. Je me souviendrai de son regard quittant le corps inerte de son frère pour chercher mon regard absent. Il se débat, il n'abandonne pas. Il crie et exprime son appréhension et sa détresse, tandis que moi, on me tord les bras dans le dos pour m'attacher et qu'on me broie la nuque pour me maintenir. Tandis que moi je récite lamentablement des excuses, des promesses et des prières, dans un murmure morbide. Le seul son qui me revient est le choc assourdissant d'Isaiah tombant au sol, son regard perdu, cependant sans avoir perdu le mien. Le cobalt et le Jade semblent moins étincelant.
Et nous subissons cette torture jusqu'à ce qu'on me libère, me projetant dans la noirceur des ténèbres.
***

Une odeur acre.
Un environnement vacillant.
La froideur.
L'obscurité.

Je suis vivante.

Mais à quel prix?

J'ai envie de pleurer à l'idée que je me retrouve à nouveau attachée et ligotée comme un chien dans ce chariot.

Les chaines tintent, se moquant de ma captivité.
Je n'ai pas envie d'ouvrir les yeux.
Je n'ai pas envie de revivre ça, de vivre tout court.
Pourquoi a-t-il fallu qu'on m'emmène dans ce monde de violence et de mort?

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