Huit mois plus tard...
Je suis devant mon café avec mes tartines beurrées intactes. Je n'ai toujours pas d'appétit, tout ce que je mange n'a pas de goût, aucune saveur. Mes yeux sont lourds, j'ai une fois de plus passé une horrible nuit. Les cauchemars sont toujours présents, encore plus ces derniers temps. Il y a environ deux mois, j'ai voulu savoir ce qui s'était produit dans ce tragique accident. Doc m'a donc tout raconté. Tout mon malheur, je le dois à un conducteur de moto. Il a fait une queue de poisson à un poids lourd qui se trouvait juste devant nous. Voulant l'éviter, le camion a mis un coup de volant et a glissé sur une plaque de verglas. Notre voiture, après plusieurs tours sur elle-même, s'est encastrée dans sa remorque et elle est tombée sur notre véhicule. Mais, n'ayant pas de ceinture, j'ai été éjectée de l'habitacle avant l'impact. C'est à cause de ça que je suis en vie. Si j'étais restée attachée, je serais avec eux aujourd'hui. Le routier s'en est sorti avec quelques blessures, mais, celui que je maudis jour après jour, c'est le chauffard qui a pris la fuite et que l'on n'a jamais retrouvé. Doc m'a assuré que Nathan et les enfants n'avaient pas souffert, je ne sais pas si je dois le croire. Depuis lors, mes cauchemars se sont empirés, je me réveille toujours en hurlant et en larmes.
Ma mère me sort de ma rêverie.
— Finis ton petit déjeuner !
Au moment où j'approche une nouvelle fois la tartine à ma bouche, mon esprit part ailleurs.
— Louna, ne joue pas avec tes céréales !
Je réprimande la chipie qui se repositionne bien droite sur sa chaise et continue de manger avec toute l'arrogance qu'elle peut y mettre. Je soupire, fataliste de l'attitude de ma fille. Je porte mon attention sur Maël. Il regarde paisiblement ses dessins animés préférés, assis en tailleur sur le canapé et ses yeux fixés à l'écran.
— Au revoir tout le monde ! s'exclame Nathan qui enfile son manteau.
— Tu pars tôt aujourd'hui ?
— Hugo est en panne de voiture. Je dois passer le prendre.
Comme chaque matin, il embrasse les enfants et se retourne vers moi.
— A ce soir ma beauté.
J'ai le droit à un baiser rempli d'amour et de tendresse.
— Beurk! Vous êtes dégoûtants.
Nous nous retournons, toujours dans les bras l'un de l'autre, en direction d'une Louna écœurée. Nathan est hilare.
— Tu as raison ma fille mais je suis certain que tu ne diras pas toujours ça ! Sur ce j'y vais où je vais finir par être en retard.
Je cligne des yeux. La pièce a changé. Je suis de nouveau dans la cuisine de mes parents et non chez moi, entourée de ma petite famille. Je me prends la tête à deux mains, anéantie. Les cauchemars se mettent à me hanter, même le jour, je ne pourrai jamais me remettre de cette fatalité ! Le Docteur Laurens me répète en permanence de laisser les souvenirs s'exprimer. Je ne vois pas en quoi ils vont m'aider à prendre le dessus ! Je ressens encore la joie d'avoir ceux que j'aime à mes côtés. Un matin comme beaucoup au sein d'une famille qui me manque tant à présent. La chaleur de ces retrouvailles a été annihilée par la souffrance de ma solitude. Je retourne dans ma chambre, en pleurs. Je m'affale sur mon lit et me repasse en boucle ce moment merveilleux passé avec les miens, même si ce n'est qu'une illusion.
Après ma douche, je me regarde nue dans le grand miroir de la salle de bain. Je touche délicatement du doigt les marques de mes nombreuses cicatrices. Chacune d'elles est spéciale. Celle de mon poignet me rappelle de ne pas flancher, pour mes proches. Celle de ma cuisse, cet épouvantable accident ! Mais celles qui me déchirent le cœur et que je chérie malgré tout, ce sont les vergetures laissées par mes grossesses sur mon ventre ramolli. C'est la preuve que j'ai été autrefois une mère et que je ne le serai jamais plus.
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LIFE : Survivre (tome 1)
RomanceCassandra, 27 ans, a la vie idyllique dont toutes les femmes rêvent. Un mari aimant et attentionné, deux enfants qu'elle chérit et un travail où elle s'épanouit entièrement. Brusquement, tout va changer. Sa réalité si paisible et rassurante bascule...