LIFE : Survivre (tome 1)

16) Surprenante coalition

La nuit ne m'a pas aidé à me calmer. Je bous intérieurement en nettoyant ma cuisine. Quand je pense que je remontais la pente ! Mais depuis que ce pot de colle horripilant vient au bar, il me mène une vie impossible. A tel point que je n'ai même plus envie d'aller bosser. J'ai passé des heures entières à peser le pour et le contre au fond de mon lit, pour choisir entre un nouveau boulot ou repartir chez mes parents. Ces deux options ne m'enchantent guère, j'aime travailler pour Joey. Il est gentil et prévenant avec moi, il ne me pousse à rien, juste à bien faire mon job. Et lui, il sait ! Il connaît ma situation, il ne me juge pas et ne me regarde pas avec cette pitié qui me dégoûte. Quoiqu'il m'arrive parfois de me demander s'il ne m'a pas embauchée par pure charité. J'aurai beau lui poser la question, je le connais assez pour savoir qu'il n'avouera jamais et c'est certainement mieux comme ça. Mais je ne me vois pas le quitter pour recommencer tout à zéro, ailleurs, je n'en ai pas la force. Et revenir en France pour retourner à ma vie d'avant est inconcevable.

Je finis d'essuyer ma vaisselle du midi, et d'énervement, je lance de toutes mes forces l'assiette que j'ai dans les mains contre le mur. Je suis complètement perdue et tellement impuissante. Je jette le torchon sur la table et décide d'aller courir pour me calmer en laissant derrière moi les morceaux cassés à terre.

Finalement, je reviens plus détendue. Au lieu de me prendre la tête à faire un choix impossible, j'entreprends de me replonger dans mes dossiers photos. Mes amours m'ont manquée. Quelle honte de les avoir tant négligé dernièrement ! Pour aujourd'hui, ce sera un fichier spécial Maël, à partir de sa naissance.

Les premières photos me déchirent le cœur. Elles défilent une à une en diaporama, sous mes yeux remplis de larmes. Je m'arrête sur celle où Nathan le tient fièrement le jour où il est né. Il a les cheveux en bataille et les yeux cernés d'avoir passé la nuit entière à mes côtés. Sa barbe naissante le vieillit légèrement mais il est plus beau que jamais, surtout que cette allure n'était pas dans ses habitudes. Maël semble une si petite chose dans ses bras musclés. Je fais glisser mon doigt sur l'écran pour caresser leurs visages. Mon autre main vient se poser sur ma bouche pour couvrir le cri de douleur qui en sort. Finalement, ce n'est pas une bonne idée. Je ferme rapidement l'ordinateur et fonce sous la douche.

En serviette de bain, je passe délicatement ma crème de jour autour de mes yeux rouges et gonflés. Heureusement, l'eau chaude a réussi à calmer mes angoisses. J'enfile un pantalon noir et un chemisier blanc et m'attache les cheveux en une queue de cheval. De retour au salon, je tourne en rond, je ne sais pas quoi faire pour m'occuper l'esprit et mon service ne commence que dans une heure. Quelle putain de vie de merde ! Et puis après tout, je peux commencer plus tôt, je m'arrangerai avec Joey. J'espère simplement que l'autre abruti ne sera pas là. Et si c'est le cas, il ne va pas être déçu ! Je saute dans mes Converses, prends mon sac à main et pars en trombe dans les escaliers pour fuir ma pathétique et misérable existence.

Soulagée qu'il ne soit pas présent, je passe derrière le comptoir pour saluer Joey mais il interpose ses mains quand je tente de lui dire bonjour.

— Pas aujourd'hui ma petite ! Je crois que je couve quelque chose.

Aïe ! En y regardant bien, ce n'est pas faux, il est blanc comme un linge. Je hoche la tête et m'installe sur un tabouret du bar face à lui.

— Tu ne dois pas commencer à 18h ? me demande-t-il étonné.

— Si, mais j'ai pensé que peut être, j'aurais pu attaquer plus tôt...

Je fais des yeux de cocker larmoyants et relève ma lèvre inférieure telle une gamine voulant qu'on cède à son caprice. Vu son sourire, il semble apprécier la proposition.