Autres pensées bizarre du Général

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Quand on se réunit pour dîner, l'œil malin du général attira l'attention d'Elfy. Elle s'attendait à quelque malice, mais pas à celle qu'il méditait. À la fin du repas, qui fut animé par les réflexions des enfants sur les événements passés et futurs, le général dit avec un grand soupir :

« Demain sera un triste jour pour vous, ma pauvre enfant.

- Pourquoi cela ? répliqua Elfy avec quelque frayeur.

le général.

Parce que nous serons partis, Moutier et moi.

elfy.

Partis ! demain ? Pourquoi si vite ?

le général.

Parce que, ma déposition étant faite, grâce à vous, ma pauvre Elfy, nous n'avons plus que faire ici, et nous allons prendre nos eaux.

elfy.

Votre déposition !... C'est pourtant vrai, Joseph, c'est moi qui vous fais partir.

moutier.

Eh bien ! ne faut-il pas que nous achevions notre guérison ? En partant plus tôt, nous reviendrons plus tôt, et nous nous marierons plus tôt, c'est tout bénéfice.

elfy.

C'est vrai, mais...

le général.

Mais vous voudriez peut-être nous accompagner pour me soigner là-bas. Je ne demanda pas mieux, moi, je vous emmène.

elfy.

Quelle folie, général ! Vous avez toujours des idées... des idées...

le général.

Biscornues, absurdes. Dites, dites, ne vous gênez pas.

elfy.

Pas du tout, général ; je n'ai dans la tête aucune pensée malhonnête pour vous ; je voulais dire... des idées drôles.

le général.

C'est ça, comme je le disais ! Absurdes et drôles, c'est la même chose. Donc, j'ai des idées absurdes... Merci, mademoiselle Elfy.

elfy.

C'est très-mal ce que vous dites là, général... (le général rit), oui, très-mal ; vous me faites dire des sottises que je n'ai pas dites ; vous vous moquez de moi. Je vous croyais meilleur que ça.

Elfy quitta la table et sortit un peu en colère ; le général, qui riait, dit à Moutier :

« Allez vite la chercher, mon ami ; dites-lui qu'elle est une petite folle, et que je ne suis pas pressé de partir, qu'elle fixera elle- même le jour de notre départ, que ce que j'ai dit est ma vengeance pour la déposition qu'elle m'a chipée au profit du juge d'instruction. Voilà tout. »

Moutier partit en riant, et ne fut pas longtemps sans revenir avec Elfy, qui apportait le café et l'eau-de-vie, qu'elle posa sur la table.

« Ah ! vous aimez la vengeance, général, dit Elfy en rentrant avec un visage joyeux. Je tâcherai de vous payer le tour que vous m'avez joué, mais à ma manière, en rendant le bien pour le mal. »

Et, se baissant vers le général, elle lui prit une main qu'elle baisa respectueusement.

elfy.

Mon bon, mon cher général, pardonnez-moi ma familiarité, mais mon cœur déborde de reconnaissance. Je vous dois le bonheur de ma vie ; comment pourrais-je avoir pour vous d'autres sentiments que ceux d'une respectueuse tendresse ?

L'auberge de l'ange gardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant