I. Chloé: Il pleut le jour, et même la nuit.

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I.



Chloé marchait dans la rue. Elle entendait ses sandales claquer sur le pavé, son manteau se froisser dans le mouvement de ses pas. Elle entendait le cliquetis des vélos, le frôlement des gens qui la croisaient, le bruit du moteur des voitures, les roues sur le bitume, les mouettes, les fragments de discussions, les cris, les rires.

Elle sentait la brise humide sur sa peau. Elle tourna au coin de la rue, entra dans le café et s'assit au bar.

- Salut ma petite Chloé ! Comme d'habitude ?

Chloé posa ses affaires à côté d'elle.

- Comme d'habitude, Carl.

- Ça roule ma poule !

Elle sourit. Carl avait la voix du mec sympathique de 45 ans, habitué aux verres de rhum et à rire devant un match de football avec des copains. Quelques cris indignés de supporters assis sur une table plus loin retentissaient. Elle entendit le cliquetis des verres devant elle et le bar vibra un peu sous le jus d'abricot que Carl venait de poser devant elle.

Chloé joua un peu avec les petites perles qui entouraient l'une de ses tresses en sirotant son jus. Elle aimait bien « Le café tremblant ». Il était bien vrai que l'endroit était souvent agité mais c'était aussi ce qui lui plaisait ici. C'était vivant, il y avait des éclats de voix constamment, des rires, des discussions à voix basse parfois, de quelques couples venus prendre un verre, mais que Chloé discernait tout de même dans le brouhaha. Il y avait cette odeur particulière de cigarette et de café fort, et une chaleur jamais trop étouffante. Des boules d'ivoire se cognaient contre les parois du billard. Quelques exclamations de dépits et de victoires emmêlés s'élevèrent.

-C'est Pat' qui paye la tournée, Carl !

- Ça roule, pas de bol Pat'. Tu commences à rouiller on dirait.

- J'aurais peut-être dû éviter le dernier verre, se lamenta le perdant.

Il y eu quelques rires,Chloé esquissa un sourire. Elle prit son verre et ses affaires, et se dirigea vers une table, à côté de la fenêtre. Elle sentait la fraîcheur qui s'en dégageait. Le printemps avait du mal à poindre son nez en ce début de mars. La jeune femme sortit son ordinateur et laissa ses mains courir sur le clavier. L'ambiance conviviale du café la détendait, l'inspiration lui venait plus facilement.

- Mademoiselle ?

« C'est pas vrai... » Chloé baissa la tête et continua à taper sur son clavier silencieusement pour faire comprendre à ce quidam qu'elle n'avait pas envie de compagnie.

- Vous êtes toute seule, ma jolie ?

« Non. Voyez, mon ordinateur est, en fait, vivant ! N'est-ce pas extraordinaire ? ». Mais elle se garda de sortir un seul mot.

- Eh, tu pourrais répondre quand je te parle, dis soudain l'homme, plus agressivement.

Elle se mura davantage dans son mutisme.

- Et c'est quoi ces lunettes ? On ne pourrait pas au moins voir à quoi tu ressembles ? Tu as honte de ta figure ou quoi ?

La table vacilla un peu et Chloé compris qu'il se penchait dessus. Elle fit un mouvement de recul mais l'homme avait déjà attrapé ses lunettes.

- Wow, quel regard translucide ! Mais...

- Rendez-moi mes lunettes ou je hurle !

- Je..

Le soleil sous la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant