V. Chloé : Les constellations clignotent.

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Chloé marchait, bouleversée. Personne n'avait jamais pris la peine de lui décrire les choses spontanément. Et c'était une inconnue qui le faisait. Cette Noëlle avait une voix chaleureuse et pleine de poésie, elle savait mettre un peu d'elle dans le monde qu'elle décrivait.
Cependant, elle n'arrivait pas à comprendre. Pourquoi avait-elle pris tant de peine à la chercher ? D'ailleurs, les gens osaient à peine lui parler, tant elle montrait ses barrières. Pourtant, cette fille n'en avait rien eu à faire. Elle avait juste... parlé. Et cela sonnait un peu comme une chanson.

Chloé avait toujours aimé les poèmes. C'était le langage le plus imagé qu'elle connaisse, la poésie est une peinture. Et elle n'avait besoin que de ça, des sons qui se transforment images. Il n'y avait que de cette manière qu'elle pouvait voir. Évidemment, les simples descriptions pouvaient très bien s'en charger, mais la poésie apportait le ressenti face à ce que l'on voit, elle apportait les métaphore pour décrire l'indescriptible. C'était là que la simple description trouvait ses limites aux yeux de Chloé.

En repassant en boucle les derniers moments dans son esprit, elle s'en voulut de ne pas avoir prévenu Léo qui avait sûrement dû s'inquiéter pour elle, comme il le faisait souvent.

Le midi même -puisqu'elle n'avait alors pas cours le matin- , elle était partie avec son sac de cours pour ne pas que sa tante s'inquiète. Elle était sortie et avait marché tout droit devant elle, sans vraiment prêter attention à la direction qu'elle prenait. C'était dangereux pour elle, car elle avait particulièrement besoin de prendre conscience de son trajet pour pouvoir se retrouver. Heureusement, elle avait atteint le centre ville. A partir de là, il était assez aisé de s'y retrouver. Chloé n'avait envie d'aller nulle part, elle n'avait envie de rien. Elle avait très mal dormi et avait englouti avant de partir quelques gâteaux sans aucun goût pour elle et l'intensité de la basse dans ses écouteurs n'était jamais assez forte pour lui faire ressentir quelque chose. Alors, presque machinalement, elle était allée au "Café tremblant". Elle était restée assise là pendant 3 heures à regarder le vide à l'intérieur d'elle. Elle n'attendait rien d'autre qu'un évènement, n'importe quoi qui aurait pu changer sa vie, la faire vibrer, lui donner quelque intérêt. Elle ne demandait qu'à vivre, à vivre vraiment. Mais il lui semblait que tout lui échappait, lui glissait entre les mains. Alors, comme se réveillant d'un long sommeil, elle avait "repris conscience" et commandé un jus d'abricot. Et comme elle s'ennuyait prodigieusement, elle était sortie.
Elle était devant le café, le vent faisant flotter ses mèches désordonnées. Soudainement, elle s'était sentie irrésistiblement attirée par le vide, le néant. Elle ne pensait plus à rien d'autre qu'à ce que l'existence ne lui avait jamais apportée, à la douleur que sa vie représentait. Elle avait oublié sa tante, Justin, Léo. Alors elle s'était mise en marche, elle s'était dirigée vers le pont et s'était assise à son rebord. Elle avait senti la gravité tirer sur ses pieds qui pendaient dans le vide, elle avait senti la hauteur à laquelle elle se trouvait. Elle n'avait besoin que de se laisser tomber et tout était fini. Cette sensation de danger l'enivrait, l'étourdissait. Le vent la poussait presque, elle se mit même à rire. Et puis, sans prévenir, une main l'avait attrapée. Brûlante, douce, hormis une petite chose froide. Une bague, sûrement. Et ce parfum d'agrumes qu'elle connaissait.

Noëlle Christian, survenue de nulle part, comme à chaque fois qu'elle l'avait croisée. Au bar, quand elle titubait, à la fac, bousculée. Cette jeune femme était pleine d'une tendresse hésitante.
Mais cet infime rayon de soleil disparu bien vite quand Chloé revint chez elle. Sa tante l'attendait dans le salon, Chloé sentait dans sa voix qu'elle était tendue.

- Bonjour ma Chlochette ! Comment s'est passée ta journée ?
- Normalement. Qu'est-ce qui se passe ?
- Comme tu es majeure depuis peu, le juge demande à te voir vendredi. Tu as désormais le droit de choisir de recevoir la visite ou non de tes parents. Et..

Le soleil sous la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant