Le soleil sous la pluie

X. Noëlle : Recoller les pots cassés.

Les rayons du soleil perçaient entre les volets et se répandaient comme une caresse sur les corps endormis dans la semi-obscurité. Les deux jeunes étudiantes étaient restées proches l'une de l'autre, seul le bras de Noëlle, relâché sur la taille de Chloé marquait les vestiges de l'enlacement dans lequel elles étaient en s'endormant. Leurs deux visages avaient une expression sereine, aucune n'avait été tourmentée durant la nuit et chacune était rassurée par la chaleur de l'autre. Rien ne semblait témoigner du drame dans lequel elles étaient la veille au soir hormis peut-être les plaies sur les mains de Chloé qui cicatrisaient à peine.
Noëlle se réveilla la première. Elle resta regarder le visage endormi de Chloé. Pour la première fois depuis qu'elle l'avait rencontrée, son visage n'était pas emprunt d'une tristesse profonde. Cela avait quelque chose de paradoxal après sa tentative de suicide. Néanmoins, Noëlle savait que ça n'allait pas durer et que l'expression de son amie allait vite se voiler du grand vide qui l'habitait. Elle se posait des questions à propos de sa révélation, selon laquelle elle avait été placée chez sa tante tandis que ses parents étaient en prison. Elle ne savait rien de ce qui était arrivé à Chloé, ni ce qu'avaient fait ses parents. Mais en tous les cas, cela avait été difficile pour elle. Noëlle imaginait le pire, s'effrayait toute seule des horreurs qu'elle avait pu vivre en tant que personne aveugle et en tant que fille à l'enfance difficile. Une personne aussi brisée et méfiante des autres que celle qui sommeillait devant elle ne pouvait être que marquée par quelque chose de terrible.
Cependant, tout cela ne retirait rien à sa beauté et lui ajoutait même quelque chose de fascinant. Elle n'avait certes pas besoin d'être aussi marquée par l'existence pour être fascinante. Pourtant, elle l'était d'autant plus, le fait était là. Cela n'empêchait pas Noëlle de souhaiter du plus profond d'elle que Chloé guérisse de ses blessures. Elle était si peinée de la voir fragile et en larmes et elle rêvait que la jeune aveugle la laisse l'approcher davantage.

Soudain, Chloé bougea un peu et soupira. Elle ouvrit les yeux en restant paupières mi-closes et en les clignant régulièrement. Noëlle se rendit compte de la place de son bras et le retira. Chloé esquissa un petit sourire.

- Bonjour, Noëlle.
- Bonjour, Chloé.

Elle était si proche que la jeune étudiante sentait toute la chaleur qui émanait de son corps et le souffle de sa bouche. Chloé s'étira un peu, son débardeur se soulevait légèrement et laissait apparaître un peu de sa peau hâlée. Ses boucles rousses s'emmêlaient sur ses joues. Noëlle luttait contre l'irrésistible envie de l'embrasser.

- Tu as bien dormi ? demanda-t-elle pour se concentrer sur autre chose.
- Ça faisait longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi, dit-elle dans un sourire. Et toi ?
- J'ai très bien dormi aussi.
- Je n'ai pas trop bougé ? Je n'ai pas fait de cauchemar ?
- Non non, la rassura-t-elle. Ou je ne m'en suis pas rendue compte.

Chloé soupira de satisfaction. Noëlle était étonnée de ne toujours pas voir l'ombre d'un tourment dans son regard. Soudain, elle entendit un grognement qui provenait de son estomac. Elle se rendit compte de la faim qui commençait à la tarauder. Son réveil lui indiquait qu'il était 11h09. Elle proposa donc à son amie de descendre prendre un petit déjeuner, ce que celle-ci accepta volontiers. Les deux jeunes femmes descendirent donc en pyjama dans la cuisine. La jeune aveugle mit un certain temps à l'atteindre car elle ne connaissait pas l'endroit mais arriva finalement dans la pièce vide. Les parents de Noëlle étaient encore au travail, elles étaient donc seules dans la maison pour encore une petite heure. Noëlle énuméra les aliments qu'elles pouvaient consommer en guise de petit déjeuner tout en prenant ce qu'elle voulait manger : Des céréales au chocolat. Noëlle adorait le chocolat. Chloé, quant à elle, choisit un café et des biscuits. Elle trouva la table et s'assit en attendant la préparation de son café.