4. La mort n'est pas si terrible

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La mer était d'un magnifique bleu de vert. Le soleil se reflétait dedans, semblant faire sortir de la surface tuilée de l'eau des milliers d'étoiles scintillantes. Le ciel était bleu et quelques petits nuages duveteux se promenaient de ci de là.  Il faisait chaud mais une douce brise venait souvent rafraîchir les nuques. Des moutons paissaient au loin, dans un champ verdoyant. Allongée dans l'herbe chauffée par le soleil, Camille écoutait le bruit des vagues contre le sable mouillé, en bas de la falaise. Quand elle était vivante... Elle s'arrêta. Quand elle était vivante... Elle n'arrivait toujours pas à admettre qu'elle soit morte. Finalement, il n'y avait pas beaucoup de différence à être mort ou vivant. Enfin, presque...

Jacques arriva. Il s'assit aux côtés de Camille. Il avait du nouveau, cela se voyait à son air malicieux.
 "Alors, voilà. Tu étais au bord de la falaise. C'est tout ce que les policiers savent.
 -C'est tout ?! Mais, on m'a poussée !
 -Ah. J'irai leur signaler. Ils pensent que c'est un suicide. Mais, je crois qu'ils essayent toujours de dissimuler l'affaire.
 -Pourquoi ? Pourquoi n'enquêtent ils pas normalement ?
 -Je ne sais pas, je ne suis pas de la police moi !" Il se laissa tomber dans l'herbe. Camille ferma les yeux. Il fallait que Jacques et elle découvrent qui est son assassin. Elle n'était quand même pas tombée toute seule !

Le soleil disparaissait derrière la mer. La chaleur était quelque peu retombée et les moutons avaient été rentrés dans la petite grange poussiéreuse, derrière l'orphelinat. Jacques et Camille arpentaient les rues pavées de St-Gal-Sur-Mer, dont les petits commerces se fermaient pour la nuit. Les volets se rabattaient, les gens commençaient à souper. Dans le village, il n'y avait pas d'usines, c'est pourquoi la plupart des gens étaient boulangers, bouchers ou tenaient de petits commerces. Les repas étaient toujours ponctués d'éclats de rire et il faisait bon se promener le soir, sous le ciel rose et la chaleur déclinante. Mais Camille et Jacques ne rigolaient pas. Ils ne se baladaient pas pour le plaisir. Pour ne pas être reconnue, l'adolescente avait revêtu un long châle en laine grise qui couvrait ses épaules et sa tête. Pour cacher son hideuse robe, elle s'était couverte d'un manteau carmin et elle avait attachés ses cheveux en chignon. Quand elle avait essayé de retirer sa robe à marguerites, elle s'était rendu compte que c'était comme sa peau. De temps en temps, un pan apparaissait derrière le manteau mais, rien qui puisse laisser des soupçons. En tout cas, pas pour Jacques et Camille. Lorsqu'ils arrivèrent devant la boulangerie, le jovial monsieur Aubert  les salua mais la jeune fille n'osait pas le regarder, de peur qu'il se souvienne de ses traits, qu'elle n'avait point pu camoufler. Elle était souvent allée à la boulangerie de son vivant et monsieur Aubert était très gentil comme boulanger. Il lui laissait toujours quelques centimes gratuits. Jacques, par contre, put lui adresser un sourire et un joyeux signe de la main. Passé la boulangerie, il ne restait plus que deux rues avant le poste de police. Le ciel s'était assombri et la Lune était montée, éclairant le village de ses rayons argentés. Les étoiles brillaient faiblement. Ce soir, les réverbères à gaz de la ville avaient bien du mal à illuminer ses rues pavées.
 Camille et Jacques arrivèrent au poste de police. Un agent somnolait devant la porte. Jacques s'approcha de la grille en fer forgé qui protégeait la porte mais le policier ne broncha pas. Camille s'avança et traversa la grille. Dans le poste, tout était froid et noir. Le fantôme tâtonna les murs, à la recherche d'une lampe. Elle finit par en trouver une et l'alluma. La lueur vacillante se répandit dans les bureaux. Au fond se trouvait une porte. Camille s'en approcha et rentra dans le local. C'était un bureau. Sur le mur du fond, il y avait une armoire remplie de papiers et de dessins. Le fantôme s'approcha de l'armoire. Une des portes demeurait fermée. Elle l'ouvrit. Stupéfaite, Camille découvrit sa robe de l'orphelinat, pendue à un cintre. Elle regarda les papiers. Il y avait des loupes, des classeurs... Les papiers étaient tous vierges, sauf le premier. Il était inscrit :
 "Affaire Brunel : meurtre ou suicide ?  Chute mortelle, falaise du rocher. Silhouette d'homme aperçue près des lieux. 4 avril 1893." Camille reposa le papier. Elle examina sa robe verte. Aucune trace apparente. Les pans avaient été délavés par l'eau de mer. Le nœud à la ceinture était déchiré. Il y avait une autre étagère sur laquelle reposaient, dans une petite fiole en verre, deux cheveux bruns. Il y avait aussi quelque photos de gens bruns, que des hommes. Alors, l'assassin était brun ? Qui elle connaissait de brun ? Il y avait le boulanger, le boucher, le jardinier de l'orphelinat, le cuisinier de l'orphelinat, l'écuyer de la riche famille Penardo... en fait, Camille connaissait beaucoup de gens bruns. Elle trouva un fin cahier noir, avec un stylo plume accroché au marque-page qui pendait. Camille ne pouvait pas le lire maintenant alors elle le cacha sous son manteau et partit, un peu insatisfaite. Jacques l'attendait, adossé à un réverbère. Il se rongeait les ongles, anxieux.
 "Psst, Jacques !", chuchota Camille en passant à côté de l'agent endormi. L'interpellé regarda en son direction et poussa un soupir de soulagement.
 "Oh, Camille ! Je commençais à m'inquiéter ! Tu as des indices ?
 -Oui, ils pensent que le meurtrier est brun." Jacques détoura soudainement la tête.
 "Cours.
 -Quoi ?!
 -COURS !" Au coin de la rue, un agent était apparu et les avait vu traîner sur les marches du commissariat.

L'Affaire BrunelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant