14. Merci commissaire

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La nuit était tombée. Camille restait allongée dans l'herbe, à écouter le chant des grillons. Des hiboux hululaient dans les arbres de la forêt de conifères. Les étoiles brillaient faiblement dans le ciel noir et le fin croissant de Lune se reflétait à peine sur la surface tuilée de la mer.  Elle n'avait pas envie d'aller au commissariat. Mais, elle se leva et partit vers le village. La route lui parut plus longue que d'habitude. Sans Jacques, ce n'était pas pareil.
 St-Gal-Sur-Mer était profondément endormi. Les réverbères à gaz éclairaient les pavés de la ville. Camille se glissa vers le commissariat, dans le silence de la nuit. Les oiseaux nocturnes ne chantaient pas et la Lune était cachée par une masse informe  de nuages. Comme toutes les nuits, les bureaux de police étaient froids et sombres. Dans le local du commissaire, le fantôme trouva un nouveau dossier la concernant. C'était un vieux classeur beige qui contenait, semblait-il, des relevés bancaires. Des centaines de chiffres et de nombres étaient alignés dans des tableaux. Les feuilles sentaient le papier resté enfermé trop longtemps dans une armoire poussiéreuse. Un bruit tira Camille de ses pensées. Elle se cacha dans le local à balais juxtaposé au bureau. Quelqu'un forçait la porte. La serrure grinçait et cliquetait. Finalement, les gonds de la porte pivotèrent dans un hurlement qui déchira le silence.
 "Chut !
 -Oh, je fais ce que je peux !" C'était deux voix d'hommes. Le premier semblait énervé et le deuxième, pressé. Camille n'arrivait pas à placer des visages sur ces deux voix. C'était trop risqué d'ouvrir le placard. Elle préféra attendre là, caché entre deux balais, dont un qui lui traversait le torse et l'autre à demi en équilibre sur une étagère qui menaçait de tomber. Les deux hommes étaient maintenant dans le bureau du commissaire. Ils cherchaient quelque chose. L'un des deux cassa une fiole et des bouts de verre se répandirent sur le carrelage. Il pesta.
 "Râh, mais, c'est pas possible !
 -Tais toi, on va se faire repérer !
 -Si c'est pas déjà fait !
 -Oh, j'en ai marre de toi, hein ! La prochaine fois, j'y vais seul !
 -Ouais, enfin, maintenant que le fantôme agit tout seul....
 -Mais, tu vas te la fermer ?!" Ils se turent un instant. Camille reçut comme un coup de poing dans la cage thoracique. Jacques ? Non, elle refusait d'y croire. Même si elle trouvait son comportement bizarre depuis quelques temps... Mais, que manigançait il ? Les deux hommes sortirent soudain du commissariat en courant. Un policier cria quelque chose et courut aussi. Lorsque le silence fut revenu, Camille sortit du placard. Le commissaire ramassait des éclats de verre sur le carrelage de son bureau. Le fantôme s'éclipsa doucement du bâtiment de police.

Dans la nuit sombre, elle ne distinguait rien. L'allumeur avait éteint tous les réverbères. Il était donc plus de trois heures du matin. On n'y voyait rien et Camille priait pour que personne ne la voit. Deux hommes passèrent soudain en courant devant elle. Poussée par une curiosité grandissante, elle les suivit. Au bout de quelques minutes, le commissaire apparut au bout de la rue et les deux hommes s'arrêtèrent.
 "Voyez vous ça, M. Lubern !"

L'Affaire BrunelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant