Chapitre 2

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Trempés de la tête aux pieds à force de sillonner les rues sous la pluie battante, Juliette et Thomas déboulèrent sans aucune délicatesse dans le premier magasin de vêtements qu'ils croisèrent. Faire du shopping quand on est en fuite... bougonna intérieurement la jeune fille en agitant sa main dans ses cheveux pour en chasser l'humidité débordante. Ponctuée avec une rigoureuse régularité par des rayons et des étagères pullulant d'étoffes soigneusement pliées, la boutique s'étendait sur une vaste surface qui permettait d'y manœuvrer aisément. Seuls quelques clients voguaient dans le commerce, tantôt à la recherche frénétique de nouvelles pièces, tantôt en quête paisible d'accessoires attrayants.

L'adolescent indiqua à sa camarade de baisser la tête afin d'éviter un contact visuel direct avec les consommateurs et appliqua lui-même son conseil. Cette attitude, complètement contraire à ses habitudes, lui arracha une grimace ; il avait toujours observé son environnement ainsi que les personnes qui le peuplaient, tant par souci de sincérité que par volonté de se déplacer avec habileté entre les obstacles matériels et humains. Sale manie, songea-t-il vaguement en attrapant deux pulls sans même prêter attention à leur couleur, ni à leur taille.

En revanche, Juliette, elle, avait remarqué que, bien que tous deux dotés d'une capuche et d'une poche kangourou, l'un des sweats était gris, et l'autre noir ; que l'un était grand, et l'autre plus petit, mais aucun adapté à sa morphologie. Pourtant, le détail qui la fit réellement tiquer n'avait aucun lien avec son besoin de soigner son style vestimentaire. Non, ce qui la mit véritablement hors d'elle était que Thomas ne semblait même pas avoir conscience de cet aspect peu pratique des habits qu'il avait happés. La situation la dissuada de protester, mais l'adolescente fulminait tellement que ses sourcils étaient froncés à l'extrême, son nez plissé de contrariété.

Sans même s'en apercevoir, elle avait suivi son compagnon de voyage, qui avait filé jusqu'à la caisse sans s'attarder. Ce dernier paraissait détendu, mais la jeune fille nota la tension présente dans ses épaules, seule témoin de sa nervosité. La vendeuse attrapa les vêtements qui avaient été posés avec brusquerie sur le comptoir en répondant au salut poli mais bref du jeune homme. Se croyant discrète, Juliette profita de sa concentration pour la détailler.

Grande et jeune, elle avait probablement l'âge de Thomas. Sans doute avait-elle trouvé ce job pour gagner un peu d'argent de poche en-dehors de ses heures de cours. Ses longs cheveux noirs ornés d'une mèche rouge ondulaient le long de son visage et tombaient sur ses épaules en une cascade désordonnée. Un anneau brillant sous la lumière artificielle ornait son arcade sourcilière avec impertinence et fierté, comme pour défier quiconque de lui interdire d'être elle-même.

Abondamment maquillés de noir, ses yeux marrons serpentèrent entre Juliette et Thomas à plusieurs reprises, les jaugeant d'un regard si intense qu'elle semblait décrypter leur âme aussi facilement qu'elle lirait un livre. Les examinant avec une telle clairvoyance que l'adolescente pourrait se perdre dans ses prunelles. Secouant la tête pour faire voler en éclats ses distrayantes pensées, une bouffée de lucidité et de panique fusa en elle : et si elle l'avait reconnue comme celle qui avait attaqué son professeur ? Peut-être les policiers étaient-ils déjà passés pour demander si quelqu'un l'avait repérée ? Peut-être avaient-ils déjà passé un avis de recherche à la télévision ? Les yeux trop hagards pour paraître calmes, elle s'obligea à respirer posément malgré les battements affolés de son cœur.

Lorsque son ami sortit son portefeuille de sa poche, une vague de honte déferla en elle, balayant ses autres émotions aussi efficacement que la marée lisse le sable sur la plage. Pas un seul instant elle n'avait songé à payer, comme si un état d'alerte et d'angoisse suffisamment élevé pouvait dispenser quelqu'un de régler les frais des courses. Constater que, sans lui, elle n'avait pas d'argent, et aurait donc été dans l'incapacité d'effectuer un quelconque achat chassa son embarras pour le remplacer par de la colère : depuis quand attendait-elle d'être accompagnée pour se sentir apte à quelque chose ?

Journey To Camp Half-Blood [Percy Jackson FanFic] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant