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-Voilà, c'est fini.

En effet, il n'y avait plus vraiment de place au doute. Je ne voulais pas croiser le regard d'Ashton, alors je me contentais de faire le tour de la pièce, qui paraissait bien plus grande maintenant qu'elle était vide, en shootant dans l'air de temps à autre. Le bouclé tenait fermement dans ses mains deux grosses valises rouges. Je souris, repensant à l'énième fois où il m'avait proposé de monter dans l'une d'elle pour aller en Australie avec lui. Mais lui, il ne souriait pas. J'avais moi aussi un sac avec mes dernières affaires, et il savait que je n'avais rien trouvé pour me loger.

-Calum va t'attendre, dépêche-toi.

Le néo-zélandais était resté en bas de l'immeuble, préférant nous laisser seuls pour faire nos adieux, qui avec le temps, il l'espérait, se transformerait en simple au revoir. Luke, lui, était retourné en France pour jouer au touriste avant de repartir dans son pays, mais je savais au fond de moi que ce n'était qu'un prétexte pour m'éviter. N'était-ce pas ce que je voulais ? Si, enfin je crois, mais j'aurai tellement aimé qu'il reste... Même si je ne l'ai pas montré, l'évitant les derniers jours avant son départ.

Je sortis enfin de la pièce pour le forcer à se dépêcher. Dans un dernier soupir, le bouclé ferma la porte à clé et on descendit les escaliers sans bruit. Une fois dehors, il se posta aux côtés de Calum et chercha mon regard, mais je ne pouvais pas lui donner, je ne pouvais pas le regarder franchement.

-Je vais passer donner les clés au nouveau proprio avant d'aller à l'aéroport. Finit-il par dire pour couper le silence pesant.

« Je sais, tu me l'as dit au moins trente fois. » pensais-je. Mais je me contentai d'hocher positivement la tête. Je n'avais pas imaginé cet adieu comme cela, et pourtant ce n'est pas faute d'y avoir pensé. Calum me fit un sourire gentil et je me dis qu'il était parfait pour Ashton, au moins il serait toujours avec lui, et cela me rassurait. Le chauffeur de taxi klaxonna pour faire remarquer sa présence, alors Ashton me serra une dernière fois dans ses bras et ils montèrent dans le véhicule, que je regardai s'éloigner avec un pincement au cœur.

J'étais seul, et c'était uniquement de ma faute. Les images de mes premiers jours à Séville, sans toit ni ami me revinrent en tête, je frissonnai. Je levai une dernière fois les yeux vers le bar et l'appartement qui m'étaient déjà inconnus. Ils appartenaient maintenant à une grande chaine de cafés espagnole, et les employés allaient emménager la semaine suivante, comme l'indiquait très clairement le mot dans la vitrine. Je quittai le quartier dans un dernier soupir, ma guitare à la main, mon sac se balançant nonchalamment sur mon épaule, et commençai à regretter.

J'étais con, vraiment con.

Pourquoi avais-je refusé, rejeter la seule chance qui s'était offerte à moi ? Pourquoi ma fierté m'empêchait encore et toujours d'avancer ? Et surtout, pourquoi le visage de Luke ne quittait pas mon esprit ?

Je me trouvais vraiment pathétique, assis par terre avec ma bière, affalé sur mes affaires gisant au sol. Cela faisait seulement trois jours qu'Ashton était parti, mais j'étais déjà malheureux. Je dormais dans la rue, et ce n'était que de longs jours fades et durs qui se suivaient. Mais quand je fermais les yeux, j'arrivai à me souvenir de Luke, dans toute sa beauté, de son regard océan à ses bras protecteurs et rassurants, en passant par son petit nez et son sourire ravageur. Je ne savais pas si c'était de l'amour, mais c'était en tous cas mes seuls moments de bonheur depuis le départ du bouclé.

Malgré tout, je continuais à jouer sur ma petite place fétiche, j'avais besoin d'argent, au moins pour pouvoir me détruire la santé à grand coups de cigarette et d'alcool. Pathétique je vous dis.

Et un jour, alors que j'étais vraiment mal, que mes doigts souffraient tandis qu'ils essayaient d'aligner quelques notes maladroites, je remarquai qu'un homme me fixait depuis le café voisin, je l'avais déjà vu, c'était un habitué, ni trop jeune ni trop vieux, un autre espagnole que la ville avait charmé. Et alors que je m'apprêtais à partir après avoir rangé mes affaires, plus déprimé que jamais, il vint précipitamment me voir et me tendit une enveloppe.

-Un mec m'a donné ça pour toi, je devais te la donner aujourd'hui.

Je levai la tête vers lui, et vu son sourire en coin, mes yeux devaient être grands ouverts. Mon regard redescendit sur le papier qu'il me tendait. Je le pris délicatement et il s'en alla, me laissant seul, perdu au milieu de mes espoirs, de mes questions, de ce cliché irréel qui semblait sortir d'un film. Et si c'était un message de... Non, je ne peux pas le croire. Pourtant mes doutes se confirmèrent quand j'ouvrai l'enveloppe. Un billet d'avion. Luke.

Nion (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant