Chapitre 3

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Aussitôt arrivée, je sortis ma fine couverture de mon sac à dos. Même si la nuit risquait d'être chaude, j'aimais bien avoir quelque chose contre quoi me pelotonner.

Les récentes révélations m'avaient un peu déroutée. Elles avaient été troublantes pour moi comme pour Jey, et je ne tenais pas à en discuter ce soir.

Je m'allongeai dans l'herbe et fermai les yeux. Calmant ma respiration, je fis semblant de dormir, dans le but évident qu'il me laisse tranquille.

Très vite, je sentis une présence me rejoindre, et je dus m'appliquer à respirer normalement. S'emballant, mon cœur lui, n'en faisait qu'à sa tête.

Jey "pensait aimer quelqu'un".

Mais en quoi cela pouvait-il être une confession, sinon qu'il - pensait - m'aimer moi ?
 C'était pour ma part une idée choquante. Il dev... Je devais me tromper.

Depuis notre rencontre, je ne lui avais apporté que des problèmes : il avait été torturé, avait pris des risques considérables. Il s'était fait attaquer parce que moi, j'étais traquée, et maintenant, avec ce que je venais de lui révéler, il était encore un peu plus, par ma faute, sur la voie de la mort. (La pensée de ce mot à son égard eut pour effet de me glacer le sang.)

J'étais trop bouleversée pour apporter une réponse logique à ce problème. J'étais seulement consciente que ce n'était pas la chose à faire ; car m'aimer, ou l'aimer, c'était le condamner. Je ne pouvais le protéger des dangers qui me menaçaient... Mais je savais aussi que lutter contre un tel sentiment ne faisait que l'accroître.

- Je suis désolé, me parvint un murmure, je n'aurais jamais dû dire une chose pareille.

Oh... ainsi ce qu'il avait dit était faux !... Je me retins de grimacer, moi qui étais tombée dans une telle naïveté, prenant à cœur mon rôle de fille endormie.

Après tout, je lui pardonnais ce mensonge, étant donné que je venais de lui assurer une mort certaine.

Je l'entendis s'installer. Quelques minutes après, je sombrai dans le sommeil.


*


Ce fut le soleil matinal qui m'éveilla progressivement. Après avoir ouvert les yeux, je mis cependant quelques temps à me souvenir où j'étais. Ma première pensée fut dans l'herbe. La seconde, avec Jey, et enfin, dans l'Ancien-monde.

Les récents événements me revenant en mémoire, je pivotai la tête vers Jey. Celui-ci dormait profondément, les rayons du soleil caressant tendrement sa joue.

J'étais certaine qu'il n'allait pas tarder à se réveiller, et je redoutais ses prochains dires.

J'avais peur qu'il me haïsse pour la situation dans laquelle je l'avais mis, dans laquelle je le mettais chaque jour un peu plus. Mais après tout, c'était son droit légitime.

Je l'écoutai pousser des gémissements, craintive, et il ouvrit prudemment les yeux. Je lui laissai quelques secondes pour se ressaisir et lui lançai un faible :

- Salut...

Il s'assit, m'observa.

En réalité, il fit plus que m'observer : il détailla chaque partie de mon visage, m'éluda, me pesa. C'était bien le genre de choses qu'il était impoli d'exécuter auprès d'un inconnu. Fort heureusement, je ne l'étais pas.

HélèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant