Chapitre 2

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Rose s'était endormie. Sa respiration calme et légère apaisait mes angoisses, sans pour autant, je le crains, faire taire les funestes pressentiments qui hantaient mon esprit, depuis que Jey avait évoqué son soi-disant "plan".

La petite n'avait pas tenu très longtemps éveillée. Il faut dire que l'on s'était levés bien tôt, ce matin, pour ne pas attirer l'attention sur notre départ. C'était il y a si peu de temps, pourtant il me sembla qu'il s'était écoulé plusieurs jours depuis que nous avions quitté ce monde merveilleux.

Je n'avais pas pu m'empêcher de remarquer l'absurdité de notre mission : nous étions venus pour sauver une per-sonne, nous en avions laissé une autre. Avait-ce été vain, au final ?

La différence est que Léo a choisi de rester là-bas, tandis que Rose était retenue contre son gré, rectifiai-je par moi-même.

J'émis un gémissement. Depuis déjà plusieurs minutes, je me débattais avec la carte, côté passager, la pitoyable copilote que je suis essayant de se repérer dans celle-ci. Jey s'esclaffa plusieurs fois discrètement - hum, ou pas-, la main au volant, en toisant du coin de l'œil mes tentatives effarouchées.

- Tu n'as qu'à m'aider, si tu trouves ça si drôle !

- Je ne sais même pas où tu nous emmènes, répliqua-t-il.

- Ça t'effraie ? m'enquis-je soudain.

Il haussa les épaules.

- Je te fais confiance.

Ça aurait dû l'effrayer, cependant. Je finis par parvenir à me retrouver sur le bout de papier, puis à localiser notre destination.
J'étais plutôt mauvaise pour ce genre de calculs, mais j'estimais notre durée de trajet à quelques heures seulement.

Plus tard, il s'avéra que j'avais raison. Chose inédite, nous fîmes la route comme prévu, sans croiser d'embûche : ni poursuivants soûls, ni épreuves démentes, seulement une voiture qui roulait, avec nous dedans : tout ce qu'il y a de plus commun.

Je jetai un coup d'œil au petit écran de la voiture : 12h23.

Nous n'avions pas faim - pas avec l'imposant petit déjeuner que l'on avait pris dans l'Ancien-Monde.

Mon cœur bondit lorsque nous dépassâmes la frontière d'Audillet, la petite ville où se trouvait mon sang, ou, pour ainsi dire, mon frère.

- Ça va ? s'enquit le conducteur. Tu as l'air anxieuse.

Terriblement...

- Pas du tout, tout va bien.

Je m'obligeai à arrêter de tortiller mon T-shirt entre mes doigts, et observai plutôt le décor défilant par la fenêtre.

- Tu dois prendre la deuxième sortie du rond-point, puis la première sur la droite.

- O.K.

Je n'étais venue qu'une seule fois ici, mais cette fois-là m'avait tellement marquée que j'en avais gardé le chemin ancré dans ma mémoire.

- Au fait, tu as de quoi masquer mon visage ?

- Je n'ai que mon sweat, à vrai dire...

- Pas grave.

Il a sûrement gardé ta divine odeur, songeai-je.

Jey se gara dans la rue que je lui avais indiquée, sans la détailler plus que ça, même s'il aurait dû, puis il sortit le tissu de son sac. Il ne me le tendit pas tout de suite.

HélèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant