Chapitre 9

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♫ « Fix You » - Coldplay ♫


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Harry
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Depuis mon réveil, ma devise est de faire en sorte que chaque jour je sois capable de me dire que je suis parvenu à faire un nouveau pas en avant. Rien de plus angoissant, lorsque vous êtes quotidiennement cloîtré dans le même espace que de vous dire que les journées se ressemblent et ainsi perdre toute notion du temps qui passe. En revanche, il y a une variante qui ne me quitte pas depuis ce jour où j'ai repris connaissance de cet étau de plomb qui n'était autre que mon corps. La douleur. Que je la ressente comme un léger pincement au réveil, ou bien irritante lorsque je tente de désengourdir mes jambes scellées par une immobilité prolongée, ou encore lancinante en fin de journée quand tous mes efforts me reviennent en pleine face avec leurs déplaisantes compensations. Chaque jour, la douleur m'accompagne. Mais le pire dans cette sensation omniprésente est qu'elle n'est pas uniquement d'ordre physique. L'atteinte morale qui en découle est certainement bien plus pénible à supporter. Lorsque vous réalisez que votre vie ne sera peut-être plus jamais ce qu'elle a été, la pilule a quelque peu de mal à passer. Et aujourd'hui, j'ai bien l'impression que la douleur morale et physique se sont données le mot pour me freiner dans mon élan vers l'autonomie.

- Je n'y arriverai pas.

Fermement suspendu à la seule force de mes bras, je reste bloqué entre les deux barres en bois qui sont censées m'aider à avancer par moi-même.

- Si vous n'y parvenez plus, reculez d'un pas pour vous rasseoir. Me dit le kinésithérapeute qui m'accompagne dans mes séances de torture.

La tête baissée vers mes inutiles cannes amaigries qui devraient me servir à me déplacer, je sens que je ne suis plus en capacité de leur demander cet effort insurmontable. Même cette minime traction vers l'arrière risque de me faire flancher. Je lève les yeux pour m'assurer que je ne suis pas l'unique patient dans cette salle de rééducation à trouver qu'on lui en demande trop, et c'est alors que j'aperçois la seule tête blonde capable de me faire avancer contre vents et marrées. Joy, vêtue de sa tenue d'infirmière, m'observe depuis la cloison vitrée qui sépare les infirmes de ceux qui sont capables de marcher. Je savais qu'elle travaillait aujourd'hui et étais surpris de ne pas l'avoir encore vue. Nos regards se croisent et elle me fait un léger signe de la main. J'aimerais en faire de même, mais cela impliquerait une chute misérable qui signerait mon cinglant échec de liberté. Alors, je décide de ne pas me fier à mes craintes et ordonne à mes jambes de surmonter la douleur qui les tiraille. Surpris par mon élan, le kiné se rapproche vigoureusement pour assurer si jamais je faiblis avant d'arriver au bout de cette avancée chaotique. Par de légers encouragements, il m'indique comment procéder et je débute une traversée de deux mètres qui me paraît en faire cent. Mes bras donnent tout ce qu'ils peuvent pour parvenir à soutenir mon corps vainement en appui sur mes membres inférieurs.

- Soufflez, Harry. C'est excellent ce que vous faites.

Je prends note de sa remarque sur ma respiration que j'avais bloquée au fond de ma gorge, submergé par ma ténacité à ne pas faiblir. Joy se tient toujours de l'autre côté et semble elle aussi retenir son souffle en me voyant supporter une telle pression. La tension dans mes bras est telle qu'ils se mettent à trembler. J'expire alors un grand coup, et une série de pas miraculeux parviennent à me guider à l'autre bout de l'estrade. C'est la première fois que je gravis cette distance seul et en si peu de temps.

- Parfait ! Me congratule mon aidant, en m'assistant dans mon volte-face pour prendre place dans le fauteuil qui doit normalement m'offrir un repos mérité.

YOURS. // Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant