Fragment dix.

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Neilina attrapa l'un des scones qu'avait préparé sa mère avant de partir au travail, ce matin, et mordit dedans alors que Harry arpentait l'étagère. Il hésita longuement entre deux albums d'Oasis et finit par choisir Heathen Chemistry. Il posa l'album sur le tourne-disque et fit en sorte qu'il démarre par la cinquième piste. Stop crying out your heart. Neilina dégagea sa nuque des quelques mèches de cheveux qu'elle n'avait pas réussi à tisser avec ses nattes et Harry put voir le signe de l'infini tatoué sur sa nuque.

- Je crois qu'il parle pour lui, dit-elle seulement en détachant ses tresses.

Et Harry la préférait définitivement avec les cheveux détachés. Cela mettait en valeur son visage plus mûr et marqué par l'âge que le sien. Il l'avait toujours trouvé plus âgée que lui mais à cet instant, encore plus. Elle était jolie avec son carré qui lui arrivait au-dessus des épaules et qui nuançait avec les autres femmes tatouées qu'il avait rencontré jusqu'ici. A chaque fois, Harry remarquait le même style vestimentaire, les mêmes cheveux rouges, la même peau étrangement blafarde. Mais Neilina était différente. Elle possédait deux grands yeux bleus qu'elle ne cherchait pas à cacher derrière un épais fard à paupières. Ses cheveux étaient naturellement blonds et elle n'avait pas l'intention de faire une quelconque couleur pour s'éloigner de ce que la nature avait fait d'elle. Elle s'habillement joliment, toujours sobrement. Et Harry la voyait d'avantage travailler dans la vente plutôt que le dessin. Elle ne lui semblait pas assez désinvolte, trop sérieuse et concentrée. Il avait toujours eu une fausse image des dessinateurs. Des artistes très libres, souvent avec un joint à la main, en train de parler de paix et d'amour. Neilina lui prouvait que le dessin était un art sérieux et que les apparences étaient parfois trompeuses. Harry retira son polo et la blonde put apercevoir d'autres tatouages. Il en avait tellement... Trente-quatre, lui avait-il appris il y a quelques minutes. Mais elle savait que chacun d'eux avaient un sens profond et réfléchi alors, elle ne disait rien. Son père en avait bien cinquante-huit et elle avait toujours admirée ses illustrations. Harry leva son bras gauche et désigna quatre lettres écrites en gras. SMCL. Puis, il baissa son bras et montra son épaule. Can I cry. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Neilina afficha une moue dubitative et Harry prit place sur la table basse afin de faire face à la tatouée.

- Les deux tatouages se complètent, admit-il en plongeant ses pupilles dans celles encore plus claires que les siennes de Neilina. Il y a la question sur mon bras. Est-ce que je peux pleurer ? Et la réponse qu'on me donne quand je suis à bout et que je ne trouve pas d'échappatoire.

- SMCL ? L'interrogea-t-elle.

Harry opina d'un signe de tête.

- Oui.

- Qu'est-ce que ça veut dire ?

Smile more, cry later. Je dois toujours sourire, paraître bien, heureux, à ma place. Mais c'est rarement le cas. Des fans ont remarqué que je paraissais triste pendant une période, que j'avais maigri, que je n'étais plus aussi rayonnant. Elles ne me connaissent peut-être pas mais dans ces moments-là, ce sont les seules qui voient ce genre de choses. Et un jour, ça n'allait vraiment pas. J'étais sur le point de pleurer et mon meilleur ami m'a dit cette phrase : Smile more, cry later. Je l'ai écouté et quand je suis sur le point de craquer en public, je touche mon torse et je sais que je dois tenir bon.

- Ton meilleur ami est dans ton groupe ? Demanda la blonde, curieuse.

- Oui, c'est Louis. Le mécheux. Châtain, les yeux bleus, pas très grand...

- Je vois, oui.

Harry baissa la tête sur ses mains qu'il avait liée entre elles et pensa à Louis, justement. Et aux évènements qui s'étaient déroulés dans la matinée. Il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il y avait bien pu se passer pour qu'une dispute éclate entre eux et encore plus à ce sujet. Ce n'était pas nouveau, ça avait toujours été présent et tous bataillaient pour casser cette image mais là... Sans doute était-ce la fois de trop. Toujours est-il que le brun n'y était pour rien et Liam avait eu tord de s'en prendre à lui. Il n'avait eu que très peu de copines depuis le début de leur carrière. Il n'y pouvait rien si les tabloïds le répertoriait comme « Le dragueur du groupe ». Le gamin qui aimait sortir avec des femmes plus âgées à cause de leur expérience. Surtout que ce n'était pas le cas. Harry ne sortait pas avec des trentenaires pour cette raison mais personne ne voulait l'écouter à chaque fois qu'il essayait de s'expliquer. Mais il avait finit par s'y faire. Cette étiquette lui collait à la peau et par chance, ses proches n'en tenaient pas compte. Du moins, c'est ce qu'il pensait jusqu'à ce matin. Désormais, toutes ses certitudes étaient remises en compte.

- Tu penses à qui ? Lui souffla doucement Neilina en voyant le visage de Harry devenir aussi fermé qu'à leur rencontre.

- Ce n'est pas important, dit seulement le bouclé en relevant la tête.

Il changea à nouveau de disque et prit celui de Green DayAmerican Idiot. De tous leurs albums, celui-ci était leur meilleur. C'est ce que pensait les deux jeunes et lorsque les premiers accords très rock résonnèrent dans la pièce, Neilina fût rassurée de constater que Harry partageait son avis. Il avait vraiment de bons goûts musicaux et une voix plus qu'agréable à écouter. C'était dommage que son talent soit gâché par son boysband. Mais une carrière solo n'était pas impossible. Robbie Williams était l'exemple même que la reconversion existait. Il avait quitté les Take that, lui aussi un boysband, pour se lancer dans la musique de son côté. Et il avait sacrément bien réussit. Alors, peut-être que Harry serait le prochain Robbie. Mais cela étonnerait Neilina. Il n'avait pas les épaules pour se lancer en solo. Il était trop fragile, trop incertain. Il était aussi frêle que les oiseaux qui étaient tatoués sur son torse. Harry garda son torse nu et pointa une cage vide. Aucun oiseau n'était dedans.

- Elle est fermée, constata la jeune femme, presque déçue.

Souvent, Neilina demandait à son père certaines définitions de tatouages et John se prêtait volontiers à ce jeu. Il aimait partager sa passion pour les tatouages, montrer que ces illustrations n'étaient pas seulement esthétiques. Certains salissaient l'image du tatouage en disant qu'ils n'avaient ces illustrations que pour « faire joli » mais pour la plupart des gens, la signification était bien plus profonde et John s'en réjouissait. Un oiseau n'était pas qu'un oiseau. Il y en existe différentes sortes et à chaque race correspond une symbolique. Et Neilina était fière de connaitre la plupart des messages que transportaient les oiseaux, les papillons... Et même certaines calligraphies. Les gens ne choisissent pas une écriture au hasard et elle avait pu s'en rendre compte au cours de ses études. Harry releva son visage vers elle et esquissa un sourire. Il avait deviné ses pensées tout comme elle pouvait deviner les siennes.

- Peut-être qu'un jour, elle sera ouverte, murmura-t-il.

- Je l'espère pour toi, Harry.

Ils s'étaient souris mutuellement. Tristement. Amèrement. En comprenant que leur rencontre était en train de changer leur vie...

36 blacklightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant