36 blacklights

Fragment quinze.

Neilina laissa la voix de Jeff Buckley envahir la pièce et attrapa la main gauche de Harry. Elle n'avait pas fini l'exploration de sa peau et elle comptait bien tout savoir de lui avant la fin de la journée. Il était presque vingt heures maintenant et la jeune femme n'avait reçu qu'un rapide SMS de sa mère qui lui disait de ne pas s'inquiéter et qu'Aileen allait passer un scanner. Encore. Ils ne seraient pas de retour avant deux bonnes heures et malgré tout, cela enchanta Neilina. Elle l'aimait bien, ce brun. Ses yeux verts qui la fixaient à chaque fois qu'elle osait parcourir son épiderme de ses fins doigts de dessinatrice, ses boucles mal coiffées qu'il essayait vainement de dompter, son regard qui s'illuminait quand il parlait de musique ou de ses tatouages mais qui s'assombrissaient lorsqu'il évoquait sa carrière ou encore, son groupe. Bientôt, Neilina lui demanderait pourquoi il était en froid avec ses amis. Mais pas maintenant. L'instant était magique et elle n'osa pas demander à Harry la signification de ses autres tatouages. Le deuxième couplet d'Hallelujah démarra et le brun prit la parole pour répondre aux interrogations secrètes de la blonde :

- Un cadenas, souffla-t-il. Ed Sheeran, le mec que tu trouves talentueux, est mon ami et il me l'a fait.

Le regard de Neilina changea considérablement. Elle écarquilla les yeux et serra plus fort le poignet du chanteur en s'approchant du tatouage. Il était minuscule et pas symétrique. Sans doute l'avait-il fait à main levée sans reproduire le modèle avant. Mais avec ce genre de motif –aussi petit soit-il- il est préférable d'employer cette méthode. Malgré tout, Ed avait fait du bon boulot. Ses traits étaient fins et il ne les avait pas repris pour corriger ses fautes. Il s'était appliqué car ce n'est pas facile de tatouer quelqu'un lorsqu'on ne connait pas cette pratique. Neilina en savait quelque chose ! Son père avait mis plus de six mois à lui apprendre à se servir d'une aiguille et il avait toujours refusé qu'elle tatoue quelqu'un dans sa boutique. Il la laissait utiliser son matériel sur des oreilles ou des pieds de porc. C'était moins risqué. Mais John avait été contraint de reconnaitre que sa fille savait manipuler l'aiguille à la perfection. Et puis, ses dessins n'avaient aucun défaut, contrairement au sien qui n'était pas aussi subtile. John était un bon dessinateur mais moins que Neilina. Elle mettait aussi près de deux heures et demie à faire un motif qui lui prenait une heure. Elle n'en était qu'au début de son apprentissage, aussi. La tatouée n'avait jamais eu l'intention de se lancer dans ce corps de métier mais si un jour un ami lui demanderait de le tatouer, elle voulait être en mesure de le faire. Et elle pourrait y arriver dès maintenant.

- Pourquoi un cadenas ? Reprit la blonde en fronçant les sourcils, comprenant pas quel secret pouvait encore avoir à cacher Harry.

- On m'a prétendu une relation avec mon meilleur ami.

- Une... Relation ?

« Harry est gay ? » Hurla-t-elle intérieurement en ne comprenant pas comment cela était possible. Pas que Neilina était homophobe mais... Non, il lui semblait improbable que lui le soit. Encore, Louis, peut-être. Elle avait vu son visage désormais et il semblait plus avoir des tendances homosexuelles que Harry. Ou peut-être le blondinet du groupe. Harry lui avait confié qu'il n'avait jamais eu de relation officielle depuis près de trois ans. Son homosexualité pourrait expliquer bien des choses mais Harry... Il était sorti avec cette présentatrice météo il y a peu. Cloé. Et avec sa silhouette élancée, ses grands yeux bleus, son teint légèrement mat et ses longs cheveux bruns, elle ne ressemblait en rien à un homme. C'était une très belle femme qui paraissait d'avantage avoir vingt-trois ans que vingt-neuf. Et pourtant...

Harry approuva d'un signe de tête et soupira. Il lui devait bien une explication. Et puis, il savait que Neilina ne répéterait ses confidences à personne. Pas même à sa sœur petite sœur à qui il avait dédicacé plusieurs magasines et glissés une photo de lui entre deux pages. Il devait bien ça à Neilina après tout ce qu'elle était en train de faire pour lui. Les vêtements secs, l'hébergement, les chocolats chauds, la bière... C'était la moindre des choses.