Fragment quatre.

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Neilina avait laissé des vêtements propres et surtout secs à Harry dans la salle de bain alors qu'elle enfilait à son tour une tenue différente. Elle opta pour un pull en maille épaisse et un jeans clair. Elle garda ses pieds nus et sourit en voyant ses ongles que sa petite soeur s'était amusée à peindre en rose bonbon. Aileen savait pourtant qu'elle détestait cette couleur mais elle n'en avait pas tenue compte. Elle avait fait ça hier et maintenant... Neilina frissonna. L'état de sa soeur se dégradait ces derniers temps et elle ne savait que faire pour l'aider. Elle n'était pas médecin ni un médicament. Elle n'avait aucun moyen d'aider sa cadette alors, elle se contentait d'être présente pour elle. Elle laissait Aileen lui faire les ongles, expérimenter des coiffures, jouer les grandes créatrices de mode. Neilina ne pouvait rien refuser à sa soeur - encore moins depuis qu'elle enchaînait les crises d'épilepsie dont personne n'en trouvait l'origine. C'était ça le pire pour Neilina. De ne pas savoir. De voir sa petite soeur de neuf ans être bien, heureuse, souriante, et l'instant d'après, voir son corps subir des secousses extrêmes. Et que la seule chose qu'on lui disait à l'hôpital était "On ne sait pas d'où ça vient. Nous cherchons toutes les causes possibles". Et depuis six mois, rien n'avait évolué. Ni en bien, ni en mal. Et Aileen continuait de faire régulièrement des crises que leur mère, Bonnie, n'arrivait toujours pas à gérer. Ca aussi ça rendait folle la blonde. Le fait que sa mère soit incapable de réagir dans une situation d'urgence, qu'elle reste debout les bras ballants et les yeux exorbités. Ca mettait Neilina hors d'elle et elle préférait fuir plutôt que de s'en prendre à sa mère. Neilina entreprit de se faire deux couettes de part et d'autre de son crâne et descendit les escaliers pour rejoindre le salon où elle avait entendu du bruit. Elle retrouva Harry qui venait de bousculer l'une des nombreuses plantes de Bonnie. Rien de grave, en somme, mais Neilina laissa son rire cristallin atteindre les oreilles du brun. Harry se tourna vers elle, surpris de la voir déjà descendre. Il connaissait les femmes et leur habitude à mettre -au minimum- une demi-heure pour se préparer. Il fût ravit de constater que Neilina n'avait pas besoin de ressembler à un pot de peinture pour être jolie. Un peu d'eye liner, de crayon et de gloss et le tour était joué. Son teint naturellement pâle et le blond impeccable et naturel de ses cheveux se mariaient à la perfection. Et les nattes lui allaient très bien, Harry était contraint de le remarquer. Il fit volte-face et regarda à nouveau l'impressionnante collection de disques que possédait le père de Neilina. Il avait l'impression de se trouver chez son disquaire, à la recherche d'une nouvelle oeuvre à ajouter à sa collection. Il ne lui manquait plus qu'une musique de fond et il s'y serait cru. Neilina se plaça à sa droite et le regarda toucher chaque pochette du bout des doigts, comme s'il avait peur de les briser s'il appuyait un peu trop.

- Pourquoi tu chantes de la merde alors que t'écoutes de la bonne musique ?

BAMCa, c'est fait ! Harry tourna vivement sa tête sur la droite et écarquilla les yeux. Il n'aurait pas dû être surpris par la franchise de Neilina. Elle avait toujours été honnête avec lui mais là... Ce n'était sans doute pas le bon moment. Harry n'était pas au meilleur de sa forme aujourd'hui et pour une fois, son groupe était l'unique responsable. Pas vraiment son groupe, d'ailleurs. Il n'était pas question du boysband mais de l'amitié qui le liait avec les quatre autres garçons. Harry s'était disputé avec Liam plus tôt, dans la matinée, et Neilina s'obstinait à savoir pourquoi il faisait parti de ce groupe. Mais le brun ne lui répondit pas. Pas parce qu'il trouvait cela trop intime ou qu'il était trop têtu. Seulement parce que lui-même, il en avait aucune idée. On lui avait proposé d'être dans un boysband, il n'avait pas pu refuser. Harry ne s'attendait certainement pas à ce que son groupe soit propulsé au sommet. Et encore moins à ce qu'il perdure. Et, encore maintenant, il avait du mal à réaliser. Bien sûr qu'il avait vu le nombre de fans triplé en deux ans et demi, les paparazzis être toujours plus présents et oppressants, le management toujours plus exigeant mais... Non. Il ne réalisait pas. C'était comme s'il rêvait,  comme s'il était dans un sommeil éternel. Et c'était sans doute pour cette raison que de tous, Harry restait le plus humble. Comment aurait-il pu prendre la grosse tête alors qu'il ne réalisait pas ce qui était en train de lui arriver ? Harry lâcha un soupir et se concentra sur le bac "S" de la bibliothèque musicale. Neilina le contourna et prit un disque dans l'étagère des "A". Elle sortit la platine de sa pochette et la déposa avec précaution sur le tourne disque. Et bientôt, la voix de Joe Perry emplit la pièce et fit vibrer chacun des murs de la maison. Ce n'était pas particulièrement fort mais les enceintes se trouvaient à chaque coin du salon. C'était assez impressionnant puisqu'elles étaient, pour la plupart, cachées. Harry essaya de les trouver mais abandonna bien vite.

« I could spend my life in this sweet surrender, I could

stay lost in this moment forever. Every moment spent

with you is a moment I treasure. »

Neilina ferma ses paupières l'espace d'un instant et sourit en pensant à l'ironie de la scène. Cette chanson aurait presque pu correspondre à la situation que vivait Harry et la jeune femme. Presque. La blonde remonta les manches de son pull beige et prit la pochette du disque entre ses mains. Son père venait de l'acquérir. Il l'avait trouvé dans un bazar et il n'avait pas pu résister à la tentation. Il avait envoyé un SMS à sa fille aînée pour la prévenir. C'est sûr qu'il n'aurait pas pu l'annoncer à Aileen. La petite brune détestait le rock. Enfin, ce n'est pas tellement qu'elle détestait mais elle préférait les chanteuses de Shake it Up ou encore, ce girlsband issue de x factor. Neilina aurait bien aimé les critiquer mais elle s'était surprise à aimer quelques unes des chansons présentes sur leur album. Ce n'était pas ce qu'elle préférait écouter mais c'était léger et elle trouvait que "Wings" était la chanson idéale pour ranger son appartement. Elle avait opté pour "Red planet" pour faire sa vaisselle. Mais Little Mix ne remplacerait jamais son bon vieux rock légendaire.  C'était comme ça que Neilina avait connu One Direction. Grâce à sa soeur qui ne jurait que par eux depuis un an. Elle les avait vu se former mais son amour pour eux n'avait fait que croître  pour le plus grand désespoir de Neilina. Par chance, la blonde ne vivait plus avec elle. Son père ne pouvait pas en dire autant. Malgré tout, ce que Neilina appréciait, c'était la manière dont Aileen aimait ce boysband. Elle le voyait avec des yeux d'enfants de neuf ans. Pour elle, ce n'était que cinq garçons pas moches à regarder ("Trop beauuuux. Surtout Liam.", pour reprendre ses termes) qui chantaient bien. Elle ne voyait pas la pression que leur mettait leur management, leur surmédiatisation ou encore, le fait qu'ils remportent de nombreuses récompenses musicales uniquement parce que leur fanbase était puissante. Désormais, on ne récompensait plus la bonne musique mais la musique qui se vend. Et étonnement, il y avait un gouffre qui séparait les deux genres. Harry regarda les poignets désormais découverts de Neilina et put avoir une vue imprenable sur ses tatouages.  Un oiseau sur le poignet gauche, "Create" gravé sur le droit. Il osa alors lui demander :

- Pourquoi "Create" ?

Neilina leva la tête de la pochette et regarda son poignet. Elle esquissa un sourire gêné, prise sur le fait, et rabattit immédiatement ses manches. Harry fit quelques pas vers elle mais maintenu une certaine distance entre leurs deux corps. Ils n'en étaient pas encore là. A son tour, il releva sa manche gauche et Neilina put voir un épais "I can't change" gravé. Elle tendit sa main vers le dessin mais ce retenu. Le tatouage était devenu l'une de ses passions et à chaque fois qu'on lui en présentait un, elle essayait de savoir pourquoi la personne s'était fait tatouer ceci, pourquoi à cet endroit précis, qui avait choisi la calligraphie... Et là encore, sa curiosité lui picorait les lèvres.

- "I can't change", répéta-t-elle bêtement à voix haute alors que Harry approuvait.

- On a essayé de me changer. Tout ça, ma notoriété, les gens que j'ai rencontré, les fans. Mais je refuse de rentrer dans le moule, d'obéir à chacun de leurs ordres sous prétexte que "C'est le mieux pour moi". Je refuse que ma carrière empiète sur ce que je suis. J'aime ce que je fais, j'aime chanter. Mais si chanter signifie "me transformer" alors, je n'hésiterai pas à tout arrêter. I can't change, je ne peux pas changer.

Neilina sourit malgré elle. Finalement, ce Harry en avait plus dans la tête que ce qu'elle croyait. Ce n'était pas un chanteur à minettes qui... Si, c'était un chanteur à minettes mais lui au moins, ce n'était pas un pantin qui obéissait aux dires d'une entreprise pesant des millions de Livres. Il agissait selon ses valeurs, ses principes. Et Neilina se doutait que dans ce milieu, ça ne devait pas être une mince affaire. Alors, même s'il chantait des chansons qui manquaient cruellement de sens et de profondeurs, elle fût contrainte de respecter le gamin brisé qui avait grandit trop vite qui se trouvait devant elle.

36 blacklightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant