Fragment un.

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12 Décembre 2012. Camden Town ; Londres.  

Il faisait étonnement chaud en ce début d'après-midi, pour la saison. Le thermomètre affichait fièrement huit degrés Celsius et si le vent ne venait pas de se lever, les habitants et autres touristes de passages dans la région auraient pu se promener dans les rues de la capitale anglaise seulement vêtus d'un chandail léger. Neilina regarda le ciel grisâtre par son part-brise et grimaça en voyant les épais nuages sombres qui s'activaient. D'ici quelques minutes, l'orage allait éclater malgré la température agréable de ce mois de Décembre. Et une chose était certaine : Neilina ne voulait pas se trouver ici quand l'orage gronderait. Elle serait au fond de son lit, plongée entre les couvertures épaisses que lui avaient préparées sa mère, en train de relire ses notes et de savourer un chocolat chaud. Elle prévoirait une dizaine de chandelles dans sa chambre, en cas de coupure d'électricité, et se laisserait bercer par la voix de Syd Barrett qui envahirait la pièce. Une journée idéale s'annonçait pour Neilina. Ses cours à la faculté l'épuisaient et les quelques jours qu'on lui avait accordé avant le début de son stage lui ferait du bien. Avec aisance, la jeune femme se gara devant la boutique encore ouverte. Et, à peine eut-elle quitté son véhicule, qu'un homme se précipita vers elle. Il embrassa son front cristallin et lui murmura quelques mots de remerciements avant de prendre la route, à son tour. Neilina eut à peine le temps de réagir et lâcha un soupir en voyant la voiture du quarantenaire s'éloigner. Elle s'avança jusqu'à la boutique en traînant les pieds et pénétra à l'intérieur, faisant ainsi retentir la douce mélodie du carillon accroché à la porte. Elle sourit en voyant que son père, John, avait tout préparé pour elle. En effet, une dizaine de dossiers se trouvait posés sur le comptoir, attendant d'être emporté. Curieuse, Neilina ouvrit l'un d'eux, le premier qui lui tomba sous la main, et découvrit les différents croquis qui se présentaient à elle. "I can't edit your soul" écrite d'une calligraphie différente à chaque fois mais il manquait quelque chose à chaque version de John. Une touche de féminisme, sûrement. Cependant, Neilina n'osa pas rectifier le tir. Elle savait que son père avait horreur qu'elle fouille dans ses affaires et qu'en plus, elle se permette de critiquer son travail. Elle ne voulait pas créer un nouveau conflit dans la famille à cause d'une histoire de dessins. La famille Collins traversait déjà des moments difficiles et il était hors-de-question que Neilina mette sa pierre à l'édifice. A nouveau, elle lâcha un soupir et retrouva l'arrière-boutique, celle qui se trouvait à l'abris des regards indiscrets mais où les clients passaient la majeure partie du temps. L'atelier. Là où les dessins, les croquis, venaient prendre forme sur leur peau. Neilina remarqua que son père n'avait pas pris le temps de ranger ses derniers ustensiles avant de partir alors, ce fût elle qui s'en chargea. Elle enfila une paire de gant en vinyle et prit une lavette qu'elle aspergea de désinfectant et désinfecta l'ensemble du mobilier. John avait déjà mis ses aiguilles à stériliser et rangé les différentes cartouches de couleurs. Neilina finit par jeter ses gants ainsi que sa lavette et retrouva la boutique. Quand elle était petite, Neilina détestait cet endroit. Les créatures sataniques qui s'y trouvaient l'avaient effrayés jusqu'à ses dix ans, se matérialisant dans chacun de ses rêves, les transformant en cauchemars. Mais maintenant, la jeune femme ne s'imaginait plus vivre sans cet atelier. Elle avait besoin de venir voir son père tatouer des gens chaque semaine et être admirative de ses dessins parfaits. Lui aussi avait été en école de dessin, dans sa jeunesse, et il avait un véritable don pour reproduire des dessins sur la peau de ses clients. Cela lui avait déjà valu plusieurs récompenses mais John ne s'en était jamais venté. Il avait pu mélanger ses deux passions, le tatouage et le dessin. Cela lui suffisait. Le mérite, il n'en avait que faire tant qu'il continuait d'exercer dans sa boutique. Neilina s'empara de l'agenda ainsi que des dossiers et quitta la boutique de tatouages. Elle extirpa ses clés de son sac et ferma la porte avant de descendre l'épais rideau de fer. Elle entendit le vrombissement d'un moteur près d'elle et une poignée de secondes plus tard, un homme vint à sa rencontre alors qu'elle faisait un second tour de clé. Neilina se redressa et se tourna vers la voix grave et masculine qui l'avait interpellé. Elle perdit pied face à l'homme qui lui faisait face. Contrairement à ce qu'elle s'attendait, il ne s'agissait pas de l'un des amis de son père, propriétaire d'un pub ou d'une boutique de tatouages, qui venait lui dire bonjour mais plutôt d'un jeune homme mal en point. Il avait le teint étonnement pâle, les yeux exorbités et creusés par la fatigue, le souffle court et un air triste qui ne le quittait pas. Mais malgré tout, Neilina n'eut aucun mal à le reconnaître. Il faisait la couverture de la plupart des magasines people, en ce moment, et la jeune femme passait devant un kiosque tous les jours en se rendant à la fac. Mais sur les photographies, le jeune Styles paraissait plus charmant et élégant qu'en vrai. Neilina fût presque déçue de voir qu'il faisait partie de ses stars Photoshopés. La jeune femme resserra les documents contre sa poitrine et attendit que l'homme qui venait de se garer grossièrement sur le trottoir reprenne son souffle.

36 blacklightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant