dixième lettre

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Lundi

Cher futur Léo,

Pire journée de ma vie. Pour commencer, parlons d'abord de dimanche en quelques mots : Théo a dû partir et s'est fait engueuler par son père (je le sais grâce aux peu de messages qu'il a réussi à envoyer avant de, je suppose, se faire confisquer son portable). J'espère qu'il n'a pas non plus pris ses clefs de voiture, j'aimerais bien qu'il vienne me voir plus souvent (même si, bon, j'ai aussi eu envie de l'étriper sur place).

Bref, je parlerai de ça plus tard, mais Théo est venu me voir. (J'en avais bien besoin.)

Bref. Je vais essayer de faire par ordre chronologique, car, là, bonjour les anachronismes si je commence par Théo alors que la journée a commencé de la pire façon qui soit.

Déjà, aller au lycée en fauteuil roulant c'est pas l'éclate. Surtout quand on est censé prendre le bus. Oh, bien sûr, de nos jours, les bus sont équipés. Sauf que, ah oui, j'avais oublié : les gens sont stupides. Alors, bien sûr, quand j'ai essayé de monter par l'arrière, un type du lycée m'a empêché de monter. Le chauffeur n'a quasiment rien fait, excepté redémarrer. Il y avait une fille qui passait par là et, oh miracle, elle avait vu ce qui venait de se passer. Je la connais de vue : elle s'appelle Gladys, elle a beaucoup d'amis mais n'est pas dite populaire pour autant.

Alors elle a dit :

« Tu veux que je t'emmène ?  » 

Je n'ai pas répondu tout de suite. C'était trop bizarre que quelqu'un m'aide comme ça, moi, Léo, le type étrange du lycée. Au bout de quelques secondes, quand j'ai compris que je n'étais vraiment pas fait pour les relations sociales, je lui ai demandé :

« Pourquoi ? »

Elle a paru, un instant, décontenancée. Elle n'avait sans doute pas prévu que j'oppose une résistance (résistance quelque peu minime étant donné mon statut provisoire).

« Car je le peux. »

Aussi simple que ça. Et il y a vraiment quelque chose qui tourne pas rond chez moi, car j'ai accepté sans m'assurer qu'elle ne faisait pas partie d'un groupe de serial-killers. Bref, je vous passe les détails quand elle m'a emmené à sa voiture et fait monter dans sa voiture. Elle ne savait pas vraiment comment plier le fauteuil roulant et, à vrai dire, moi non plus, donc elle l'a juste posé sur les sièges arrières.

Gladys a démarré. Au début, je ne faisais pas attention aux chemins que nous empruntions. J'aurais dû.

Elle a fini par arrêter la voiture dans une espèce d'endroit désaffecté.

« Pourquoi tu t'arrêtes ? Je vais être en retard à mon cours de litté... »

Elle s'est tournée vers moi, a posé une main sur ma cuisse... Je le sentais mal.

« Arrête de parler... »

Elle a approché son visage du mien et ses yeux se sont plantés dans les miens. Littéralement. Puis elle a... posé ses lèvres... sur... les miennes.

C'était mon premier baiser. Je ne savais pas vraiment comment réagir. Même pas du tout à vrai dire. Qu'est-ce que j'étais supposé faire pendant qu'elle avait sa bouche contre la mienne ? Histoire de paraître un tant soit peu « normal », j'ai répondu à son baiser.

J'avais l'impression de me trahir, quelque part. Mais je ne voulais pas la blesser... Je sais ce que c'est d'être rejeté.

Elle a détaché sa ceinture de sécurité et, je ne sais comment, a réussi à s'asseoir sur moi. Ma jambe plâtrée me faisait un peu mal comme ça, mais c'était supportable. Puis elle a enlevé son tee-shirt.

la pelouse de la gareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant