III - Réveil difficile

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Je n'ai vraiment aucun souvenir de mon arrivée dans le lit d'Adèle. Mes deux amies n'ont pas pu me porter, seules. Même étant plus légère qu'à une époque, il y a des limites. Un cadavre, c'est très compliqué à déplacer. Surtout pour deux filles aussi frêles qu'elles.

Oh la la... ma tête me fait un mal de chien. Et cette haleine... Si on est capable de porter quelqu'un, on peut lui brosser les dents, non ?

Putain... je crois que je suis encore bourrée. Pourtant, j'ai bu quoi ? Quatre verres à tout casser ? Une vraie connerie ce whisky ! Je comprends pourquoi c'est le meilleur moyen d'oublier ses problèmes.

Merde. Je ne suis pas rentrée hier soir. Matt va se demander où je suis passée.

Je tâtonne sous les oreillers et relève la tête pour regarder les tables de chevet, de l'unique oeil que je parviens à ouvrir. Mon téléphone ne se trouve nulle part dans la pièce. Adèle a du le garder avec elle pour que je dorme. C'est une perle cette fille là !

Nous nous connaissons tellement aussi.

Depuis les premiers bancs de l'école, nous ne nous sommes jamais quittées. J'avais déjà une soeur, mais elle l'est devenue au même titre que la vraie. Maeva, elle, nous a rejointes au lycée, et a su très vite trouver sa place. A nous trois, nous formons un vrai melting-pot de caractères.

Maeva est la casse-cou, la sanguine. Celle qui part au quart de tour dès qu'on l'a fait un peu chier. Adèle, la grande soeur, l'âme qui réfléchit avant d'agir. Et moi, la bonne copine, gentille et sincère, que tout le monde adore et veut protéger. J'ai toujours aimé qu'il en soit ainsi. Sûrement parce que je vivais dans le monde des Bisounours !

Ce matin, mon état d'esprit n'est plus tout à fait le même, et si je pouvais faire en sorte d'écraser cette image de fille bienveillante envers les autres, ça m'arrangerait. A l'heure qu'il est, on ne peut pas dire qu'elle m'ait beaucoup réussi...

Je suis en train de sortir du lit, bien difficilement et à la vitesse d'une mamie, quand Adèle passe un œil au travers de la porte.

- Je venais voir si tu étais réveillée, déclare-t-elle en ouvrant en grand.

- Il est quelle heure ?

- Pas loin de midi.

Merde.

- Depuis quand tu n'as pas dormi ? S'inquiète-t-elle tandis qu'elle avance vers moi et prend place sur le lit.

Je ne réponds pas. Pas besoin de lui rabâcher que mon boulot me stresse et que Matt ne me laisse pas vraiment dormir, même en rentrant à pas d'heure. Elle sait déjà tout ça. Nous avons passé des soirées à l'évoquer.

Elle soupire en détournant le regard.

- Matt a appelé.

Mon souffle se bloque.

- Je t'avoue que j'ai bien eu envie de lui dire d'aller se faire foutre, mais j'attends que tu le fasses d'abord. Donc, je me suis contentée de le rassurer. Je lui ai raconté que je m'étais faite larguer et que tu avais accouru sans réfléchir. Il s'inquiétait. Pauvre enfoiré de merde qu'il est !

Elle marque une pause dans sa tirade assassine. C'est rare de l'entendre jurer.

- Il devrait passer te chercher cet après midi. C'est mignon, tu trouves pas ? Ironise-t-elle avec mépris.

Je n'ai pas envie de le voir. Qu'est-ce que je vais lui dire ?

La seule solution est de rompre, j'en ai bien conscience. Cependant, une voix bien mesquine - qui ne m'est pas entièrement inconnue - très faible, me crie de ne pas le laisser s'en tirer à si bon compte Et pour ça, hors de question de rompre avant.

Make me Bad [Publié chez Hugo Poche]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant