Chapitre 1

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Jour -8
PdV Jungkook

Les machines continuent à biper régulièrement, affichant un pouls normal

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Les machines continuent à biper régulièrement, affichant un pouls normal. Le son familier prend toutefois une signification différente cette fois-ci. D'ordinaire rassurant car témoin de vitalité, il me transperce ici la gorge à chaque battement de cœur, rendant ma respiration difficile alors qu'on installe sur le patient devant moi une assistance respiratoire - ou plutôt une machine qui respire à la place de la personne à qui elle est reliée. Ce son me rend sourd, il sature mes tympans et me monte à la tête, me transporte dans une bulle où je ne perçois rien d'autre que cette note régulière qui prouve que la vie existait encore. Sauf que non.

- Jungkook, qu'est-ce que tu attends? demande le docteur Choi, me rappelant à l'ordre.

La bulle qui m'enfermait dans ce monde explose. Je secoue la tête en revenant à moi et déclare d'un ton plat, le plus neutre possible:

- Patient Hoo Kang-Dae, chambre 394. Heure du décès: 9h28. Diagnostique d'une mort encéphale par le docteur Choi et son équipe. Le patient sera maintenu en état comateux jusqu'à la décision de la famille.

Je me tais, la bouche pâteuse.

- Bien. dit mon tuteur avant de quitter la chambre pour suivre son agenda overbooké, c'est-à-dire partir en salle d'opération.

Je ne bouge pas, le regard perdu sur la personne devant moi. Non, sur le cadavre devant moi. Son cœur bat toujours, mais son cerveau est mort. Plus rien. Son cerveau n'envoie plus aucun messages nerveux, pas plus qu'il n'en reçoit d'ailleurs. Le sang ne l'irrigue plus et une angiographie a montré que le fluide vermeil nécessaire à la vie s'arrêtait dans la gorge, vouant le patient à une mort certaine. Néanmoins, son cœur bat encore. Il ne respire plus car le diaphragme est stimulé par notre encéphale, mais une machine peut le faire à sa place. Le cœur, lui, subit des micro-impulsions électriques qui n'ont rien à voir avec notre organe vital situé dans notre crâne. Donc il n'est pas touché par ce qu'il se passe. Mais aucune machine ne peut remplacer son cerveau. Cet homme est là, devant moi, allongé dans ce lit d'hôpital, des fils et câbles dans tous les sens, à ses poignets comme dans sa gorge, le cœur battant vaillamment. Et pourtant, malgré la bataille acharnée qu'il a certainement livrée pour rester en vie, il est mort.

Un soupir franchit mes lèvres alors que que je griffonne sur la fiche de suivi médical les renseignements que je viens d'énoncer contre mon gré à l'oral. Mon écriture serrée ne fait que confirmer les dires sur les médecins, bien que je ne sois qu'un interne. Les courbes étroites des lettres formées par mon stylo sont déchiffrables avec un peu de bonne volonté. Le point final que je porte au dossier marque la mort de ce patient. La fin d'une existence, la fin de rêves inachevés, la fin d'une vie. Ce point final est accompagné du bruit de la porte qui s'ouvre.

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