Chapitre 11

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Jour 17
PdV Jungkook

Le vide. C'est tout ce que je ressens en ce moment. Si tant est qu'on puisse ressentir le vide, qui, par définition, n'est rien. Je ne ressens donc rien? Non: je ressens l'absence. Le manque. C'est ça, le vide, pour moi. Je suis emplis de ce désagréable sentiment d'injustice mêlé à de la culpabilité.

Un sanglot m'échappe.

Les yeux fermés, je tente de dormir encore un peu, bien que je n'en n'ai pas la moindre envie. Je veux juste me réfugier dans le monde des rêves pour ne pas avoir à affronter la réalité. Encore une fois, je suis faible. Déjà ce jour-là, je l'avais été. Je l'avais abandonné à l'hôpital. J'avais scellé son sort en le laissant seul face à ces monstres. Je méritais de mourir. Et j'osais me considérer comme son ami? La bonne blague. On ne laisse pas ses amis mourir sous ses yeux, pourtant. Encore moins si on est médecin!

Je revois ses traits harmonieux et amicaux. Sa mâchoire bien dessinée, ses joues rondes, ses pommettes rebondies, son nez droit. Et ses yeux, typés asiatiques, et son regard sombre néanmoins doux et chaleureux, comme un feu de bois. Ses prunelles se voilent soudainement de blanc. Ses joues se creusent, plus une once de sympathie n'émane de lui. Il est mort.

- Jungkook! Jungkook, on y va...!

La voix de Taehyung me tire de ma somnolence. Sa main me secoue doucement par le bras, puis il m'aide à me mettre sur pieds.

Je ne sais pas quoi penser de son comportement. Je n'arrive pas à le cerner, et plus je le connais, moins j'ai l'impression de le connaître. À notre rencontre, il m'avait semblé si bienveillant et soucieux des autres. J'avais déchanté à l'internat, en découvrant à quel point il pouvait être froid, cracher des mots aussi acides que du venin et adopter un comportement des plus agaçant. Puis, il m'avait quelque peu réconforté de l'échec de la mission de secours de mon meilleur ami. Il m'avait également permis de m'enfuir, et de survivre. Sans lui, je serais déjà mort un nombre incalculable de fois.
Et maintenant, je ne sais pas si j'ai face à moi un Taehyung humain, consciencieux, attentif et à l'écoute de ma fragilité émotionnelle, ou un Taehyung guerrier, sec, sévère et intransigeant, inquiet que je puisse ralentir le groupe et le mener à sa perte.

Peu importe qui j'ai en face de moi, je n'ai de toutes façons pas la force de m'adapter. Et vu mon état, je suis prêt à déchiqueter la première personne qui me fera une quelconque remarque désobligeante.

- Jungkook, écoutes-moi. Son timbre grave, sérieux, attire mon attention. Je plante mon regard, certainement souligné de poches de fatigue, dans le sien, alerte et vif. On a décidé de se séparer en deux groupes égaux. Le premier va chercher des provisions et des armes, ou du moins quelque chose pour se défendre. Le deuxième, c'est-à-dire nous, allons à l'hôpital pour enquêter sur l'origine de ces attaques. Il parle doucement, comme on parlerait à un enfant, mais je peine à me concentrer. On ne peut rien entamer comme contre-attaque si on ne sait pas ce qu'on a en face, alors c'est par là qu'il faut commencer. On compte sur tes compétences de médecin pour nous aider à y voir plus clair, compris?

Mes oreilles perçoivent ses mots, mais le débit est trop important pour que j'assimile tout d'un coup. Toutefois, pour ne pas faire mauvaise figure, j'opine du chef.

Face à mon manque de détermination, il me saisit des deux épaules et baisse sa tête face à la mienne. Les yeux dans les yeux, il reprend la parole:

PandémieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant