Chapitre 12

740 105 55
                                    

Jour 17
PdV Taehyung

Le vent frais me fait un bien fou. Assis sous le ciel étoilé, je laisse mes pensées  vagabonder. Pour être à l'abri de toute présence tant des assaillants que des autres survivants, je me suis réfugié sur le toit. La brise nocturne vient me caresser d'une main de cristal, cueillant mes larmes qui ne cessent d'affluer. Je triture mes mains, mes tremblements n'allant qu'en crescendo. Je m'étrangle une fois de plus en sanglots misérables.

Jimin.

Pourquoi?
Et tes promesses?
Et nos promesses?
Et moi?

Tu avais dit qu'on s'en sortirait ensemble, de ce merdier! Tu avais...

Je n'arrive pas à parler de lui au passé. Mais pourtant, ce n'était pas le premier ami que je perdais, loin de là ! J'étais habitué à voir mon entourage périr, c'était ça, être militaire. Mais pour Jimin, c'est différent. C'était différent. Plus qu'un compagnon, plus qu'un ami, c'était un frère. Ma seule famille toujours à mes côtés, mon seul appui quand venaient les moments plus difficiles.

Je n'ai jamais été doué pour les au revoir, encore moins pour les adieux. J'ai tendance à faire vite, comme lorsqu'on arrache un pansement d'un mouvement sec pour couper court à la douleur. Mais le problème, c'est l'après coup. Alors qu'un pansement produit une douleur physique, les adieux créent cette sorte de malaise interne qui semble dégénérer en une bile noire acerbe qui se loge tantôt dans votre gorge tantôt dans votre thorax. Le fluide de jais se répand enduite lentement, goutte à goutte, dans l'organisme, emplissant les capillaires et colorant votre âme de sa teinte obscure.

Savoir que je ne reverrais plus jamais Jimin me détruit. J'ai l'impression d'être un fou emprisonné conscient de sa folie, et que l'on viendrait de libérer. À tous prix, j'essaie de faire machine arrière, de peur de faire du mal. Jimin était mes menottes, il m'empêchait d'agir sous l'impulsion, il me résonnait et savait me contenir. Maintenant, je suis libre. Mais cette liberté-là, je n'en veux pas. Je préfère vivre un semblant selon la morale et sentir les limites de ma cage invisible que de laisser libre cours à tout ce qui me passe par la tête.

Que de noblesse...

La réalité est tout de même plus cruelle. Je suis loin d'être un saint. Je n'aime pas les contraintes, je veux faire ce que je veux. Qui aime devoir se contenir? Mais j'ai peur. J'ai peur de ce dont je suis capable, car, en vérité, je ne me contrôle pas. Du moins, pas totalement. Il n'est pas question d'alcool ou d'autres substances touchant au fonctionnement du cerveau, non. L'armée m'a traumatisé à tel point que maintenant, il m'arrive d'agir par réflexe. Un seul mot: survie.

Lorsque la mort est face à vous, vous vous découvrez des forces insoupçonnées jusqu'alors. Adrénaline, réflexes, tout est mis en place en vue d'une unique chose: la survie. Vous ne faites plus la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal. Autrement dit, votre raison se met en sourdine, vous devenez un animal, sans conscience de ses actes. Mais tôt ou tard, vous revenez à vous et réalisez l'ampleur de la chose. Vous avez tué. Mais ils me menaçaient, c'était eux ou moi! Certes, mais les faits sont les faits.
Puis, avec l'habitude, le risque se tasse et plus le temps passe, moins vous angoissez à l'idée de faucher la vie d'autrui. L'acte devient banal. La routine.

Pour tenir le coup, je mets systématiquement ma conscience en sourdine dans ces moments-là. J'agis par réflexe, un peu comme un chat qui tombe d'un toit. Il ne pense pas à se retourner pour tomber sur ses pattes, il le fait, tout simplement. De même, je ne pense pas à tuer. Je le fais, tout simplement.

PandémieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant