Chapitre 6

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La vie en mer à sept était pénible, ils se lavaient avec de l'eau de mer salée qui desséchait leurs corps. Marie avait perdu du poids comme tous les autres dans le bateau. La femme ronde avait maigri après deux semaines de voyage et semblait se transformer en une autre devant ses amis. Les hommes essayaient chaque matin de retrouver leur chemin mais quand tout ce que l'on voit est de l'eau, on a l'impression de tourner en rond et de n'arriver à rien de concret. La nourriture était presque épuisée, ils mangeaient des parts pour nourrissons afin de survivre. Pour passer le temps tandis qu'ils attendaient la mort, chacun décidait de raconter brièvement sa vie et la raison pour laquelle il ou elle voulait aller en France.

C'est la dame ronde qui avait maigri qui a commencé à partager son histoire. Elle s'appelait Inès N'kolo et habitait à Dakar. Elle avait trente ans et avait fait un enfant avec un homme qui n'a jamais voulu l'accepter. Elle a dû élever son enfant toute seule avec l'aide de sa mère. Elle travaillait dans un petit salon de coiffure mais cela ne suffisait pas à boucler les fins de mois et  sa mère  se plaignait sans cesse de devoir la supporter et supporter ses erreurs. L'homme qui l'avait mis enceinte avait finalement épousé une de ses amies et elle n'avait pas été invité au mariage. Face à cette humiliation, elle a décidé que ça en était trop et qu'elle devait trouver un moyen d'aller en France afin de pouvoir prendre soins de sa mère et de son fils. C'est ainsi qu'elle a atterri sur ce bateau de fortune.

Les autres se regardaient pour savoir qui sera le prochain à raconter son histoire, tout le monde tournait les yeux vers le capitaine. Il comprit qu'il n'y échapperait pas et se mit donc à raconter son histoire.

Il se prénommait Jean Pierre Tse et avait quarante six ans. Il était né en dehors de Dakar dans une vieille maison. Il n'avait jamais connu sa mère car elle était morte en le mettant au monde. Il avait grandi avec un père très strict et très égoïste, on aurait dit qu'il détestait son propre fils. Son père buvait beaucoup et la plupart du temps quand il était saoul il le battait comme un animal sauvage. Jean souleva son T-Shirt et a montré à ses camarades des traces des coups violents de son père restées à jamais sur son corps. A cause de son père il n'a jamais touché à une goutte d'alcool de peur de devenir comme lui. A dix huit ans, il a eu marre d'être traité comme un chien et a fuit la maison, son père ne l'a jamais cherché car après tout il a voulu se débarrasser de lui pendant toutes ces années. Il a rencontré un vieux monsieur à qui appartenait ce bateau et qui emmenait les gens en Europe. Il a été embauché et c'est ainsi qu'il s'est lancé dans plus de cent voyages vers l'Europe. Dix années plus tard, son patron est décédé et il a pris le contrôle de l'affaire. Il a aussi réussi, et parfois échoué à emmener ceux qui rêvaient de la France vers leur destination. Il en avait vu beaucoup mourir sur ce chemin et s'était aussi perdu au moins cinq fois mais il a toujours réussi à retrouver son chemin vers le Sénégal. Cette fois ci il ne voulait pas revenir, il voulait se faire une vie en France et goutter au rêve qu'il a permis aux autres de vivre.

Après avoir partagé son histoire, les passagers semblaient avoir de la peine pour le capitaine. Ils ne le voyaient plus en lui un homme sans scrupule qui voulait se faire de l'argent sur le dos d'innocents mais comme un homme qui a souffert dans sa vie, qui est dans la galère comme tout le monde sur le bateau et qui essaie de survivre aussi dans le monde corrompu et injuste qui existe. C'est à cet instant que l'homme robuste remarqua au loin ce qui ressemblait à des maisons. D'abord il s'essuya les yeux de peur que la faim et la soif ne soient à l'origine de ces hallucinations mais les maisons étaient toujours présentes. Il se leva d'un bond et se mit à chanter « on est sauvé, on est sauvé ! ». Les voyageurs ne comprirent qu'en regardant dans la direction vers laquelle pointait leur ami en joie. Ils se levèrent également et poussant des cris de joie ont remercié les cieux de les avoir gardé en vie. Même si ce n'était pas l'Europe, ils pouvaient trouver à manger et sécher leurs habits avant de repartir si ils le voulaient toujours.

Les réserves de nourritures étaient épuisées, il fallait donc acheter de la nourriture très vite mais aucun d'eux n'avaient d'argent sauf le capitaine. Il est parti donc chercher à manger pour tout le monde tandis que les passagers sont allés se dégourdir les jambes. Marie et Lisa allaient vers la ville, Lisa voulait visiter mais Marie voulait en apprendre plus sur le Pays, peut-être qu'elle y reviendrait un jour après avoir réussi en France. Elles ont donc pris des chemins séparés dans le centre ville. Marie a rencontré des commerçants à qui elle a posé de nombreuses questions sur le Maroc, elle a également eu la chance d'être nourrie par une famille qui malgré la différence de langue avait compris son histoire et eut de la peine pour elle. Ils lui ont donné aussi une boite de gâteaux marocains dont elle connaît le nom aujourd'hui "mini bat bout".

De retour sur le bateaux, l'homme maigre avait décidé d'arrêter son voyage au Maroc, la mort lui faisait beaucoup trop peur. Elle n'était pas encore arrivée à destination, malgré la crainte perpétuelle de la mort. Marie décidait de continuer le voyage. Elle a partagé ce qu'elle avait appris en si peu de temps sur ce pays ce qui avait l'air de ravir le monde, on aurait dit que le fait d'avoir un contact aussi minime avec autre chose que l'eau et son voisin serré contre soi était une bénédiction.

Je vais maintenant vous relater l'infortune que Marie allait subir la durant une nuit de son périple vers le "bonheur". Tout s'était bien passé dans la journée malgré encore une coupure de moteur. La nuit était tombée. Ils se sont endormis serrés les uns contre les autres. Marie n'avait pas remarqué qu'elle était serrée contre l'un des deux hommes présents sur le bateau. Au milieu de la nuit, une main s'était glissé dans sa culotte, ce qui l'avait réveillé, elle retira la main mais l'homme insista toujours et cette fois, sa partie intime était dégagé puisque malgré le fait d'être vierge, Marie savait bien à peu de choses près à quoi devait ressembler un sexe masculin et surtout qu'il pouvait mettre enceinte, chose qu'elle ne voulait pas. Elle se débattait sans vouloir réveiller tout le monde mais l'homme insistait et elle était sur le point de crier quand elle a entendu la voix de Lisa "Laisse ma sœur tranquille!". L'homme robuste faisait la sourde oreille et continuait, ce qui agaçait vraiment cette jeune femme au fort caractère. Elle s'était levée et avait écrasé son pénis du mieux qu'elle pouvait, il a gémit de douleur ce qui a réveillé tout le monde. "Il voulait violer ma sœur, voilà il a eut ce qu'il cherchait!". Des murmures de protestations contre l'acte immoral de l'homme s'étaient fait entendre et Lisa avait emmener Marie dormir plus loin dans le bateau, près des femmes afin d'éviter ce genre d'incident. "Merci Lisa, tu m'as délivrée.

- Ne m'oublie pas si tu deviens riche.

-Promis ma sœur."

Le lendemain matin, pour détendre l'ambiance morose et tendue causé la veille, c'était au tour de l'homme à la carrure imposante de partager l'histoire de sa vie et les circonstances qui l'ont poussées à prendre ce bateau pour la France.

André Ondoua avait été élevé dans un vieil orphelinat dirigé par une église catholique. Il n'avait jamais connu sa mère ni son père, ils l'avaient abandonné près d'une poubelle. Il n'avait connu que la galère et la pauvreté dans sa vie malgré le fait qu'il soit un élève brillant. De plus l'une des jeunes sœurs abusait de lui et le violait alors qu'il n'avait que douze ans. A dix sept ans, il a quitté l'orphelinat pour aller travailler dans une usine de bâtiment grâce à laquelle il a gagné sa vie jusqu'à son licenciement. Ce licenciement a été le point tournant, il a décidé qu'il allait trouver un moyen de devenir riche et c'était évidemment en France.


Le Revers d'un Rêve.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant