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J'étais entrain de lire un des livres américains de mon père sur l'économie. Je n'y comprenais pas grand chose, à dix ans on ne mesure pas vraiment l'importance de l'économie dans le monde. Soudain, j'ai entendu un bruit sourd au niveau de la porte d'entrée, pris de peur je suis resté dans ma chambre collé à la porte afin d'entendre ce qui se déroulait. J'ai entendu trois voix différentes dans le salon. Un homme a crié "tout le monde à terre!" Je pense que Jean a couru vers le salon suivie de Sophie, les agresseurs ont poignardé Jean puis mon père qui a essayé de s'interposer s'est vu recevoir lui aussi un coup de couteau au niveau de la poitrine. Celui qui semblait être le chef de la bande a ordonné à ma mère de donner tous les bijoux et tout l'argent qui se trouvaient dans la maison tandis que l'autre devait fouiller les chambres. C'est à ce moment que je suis sorti par la fenêtre et j'ai couru vers le champ de blé rempli d'effroi, de larmes et de colère. Après avoir couru pendant ce que je pense être un bon quart d'heure, j'ai vu une maison et je décidais d'aller frapper pour chercher de l'aide. Le couple que j'ai rencontré m'a suivi vers la maison après avoir appelé la police, mais nous sommes arrivés trop tard. Les assassins étaient déjà partis, j'ai couru vers la chambre de ma mère. Elle était dans le lit en larmes, ma sœur était morte et laissée dans la cuisine. Mon père et mon frère étaient allongés dans un bain de sang dans le salon sur la moquette. Jean avait encore malgré la mort, le regard effrayé, les yeux grands ouverts et sans vie, le visage de mon père était paralysé par la douleur. Il avait été piétiné par les agresseurs, sa chemise était rouge de sang, tous étaient morts sauf ma mère et moi.
La police arriva plus tard pour constater les faits et la nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre. Les agresseurs ont été finalement arrêtés un mois après l'incident. L'enterrement avait eu lieu peu après cela mais la vie avait un goût amère pour ma mère et moi, j'ai vu ma mère mourir lentement de jour en jour. Je ne voulais plus aller à l'école mais elle insistait sous prétexte que je porterai maintenant les espoirs de toute la famille et me ferai un nom malgré tout cela. Je savais bien que c'était pour m'éloigner de ses larmes. Les professeurs me prêtaient plus d'attention mais je n'en voulais pas, je me suis éloigné de tout et de tous comme ma mère. Je n'ai plus souris depuis cet incident, ma haine n'est jamais partie.
Trois années se sont écoulées depuis, mais nous n'avions pas toujours repris goût à la vie. Mon calvaire n'allait pas s'arrêter en si bon chemin. J'étais dans ma troisième année au collège et malgré mon manque de joie et de relations sociales, j'étais l'un des meilleurs élèves, ma mère n'en demandait pas plus. Elle savait que je ne pouvais pas donner plus. Le soir du vingt neuf décembre mille neuf cent soixante-dix, après que nous n'ayons pas fêté Noël comme d'habitude depuis la mort de mon père, Jean et Sophie, ma mère m'a donné un peu d'argent pour aller m'amuser un peu dehors au lieu de rester à la maison comme un prisonnier.
-Maman je ne veux pas sortir, ça va aller. Je voudrais rester à la maison avec toi.
-Alain je te l'ordonne.
C'était très rare que ma mère me donne un ordre et je trouvais cela bizarre mais en enfant bien élevé, j'ai décidé d'aller faire un tour et m'acheter des sucreries dans une boutique en ville. Après une demie heure, je décidais de rentrer, de peur qu'il ne soit arrivé quelque chose à ma mère. L'horreur que j'avais vécu il y a trois ans m'avait traumatisé. Je poussais la porte d'entrée et appelais ma mère mais je n'avais pas de réponse. Pris de panique, je suis allé dans sa chambre mais elle n'y était pas. Je suis revenu vers le salon et j'ai remarqué que la porte de la cuisine était fermée, ce qui me paraissait anormal. J'ai donc ouvert la porte et ce que j'ai vu me coupa le cœur nette.
Ma mère était là, devant moi, pendue au luminaire de la cuisine, les yeux fermés, le corps vacillant encore dans l'espace. Elle portait sa robe de mariage blanche, le collier que mon père lui avait offert, et une photo de famille était par terre brisée. Pendant un instant j'ai perdu la notion d'espace et de temps. Je me suis évanoui devant ce spectacle épouvantable et me suis réveillé quelques heures plus tard dans les bras de mon oncle Henry. Il était en larmes, la police avait enlevé le corps de ma mère, puis on m'a posé des questions et j'ai répondu du mieux que j'ai pu. Ils m'ont également remis la lettre de suicide que ma mère avait écrit avant de se donner la mort. Je n'ai pas eu le courage de lire cette lettre sur le moment et c'est dix ans plus tard que je la lirai Ma mère a été enterrée près de mon père, de ma sœur et de mon frère. J'avais tout perdu, à quatorze ans j'étais orphelin. Ma vie avait été assassinée, j'étais anéanti, je ne pouvais pas rester dans ce village maudit. Ce village dans lequel les âmes perdues de ma famille m'appelaient sans cesse, je voulais les rejoindre et en même temps vivre pour eux, vivre sans bonheur mais survivre pour eux.
-C'est ainsi que j'ai quitté mon cher village de Normandie, vers un orphelinat dans une ville où j'ai été adopté par un couple bourgeois.
Elle était bouleversée par mon histoire, ses yeux se remplissaient de larmes qu'elle ne laissait pas couler devant moi par pudeur. Elle voulait connaître la suite, de par son métier, je soupçonnais qu'elle était entrain d'analyser ce que je venais de lui confier en essayant de cerner le comportement mais également le traumatisme qu'un garçon de quatorze ans aurait pu subir après avoir perdu toute sa famille. Elle ne doutait pas de moi, il n'y avait pas de raison de le faire et c'est dans cet état de tristesse que Marie a décidé de me narrer le récit de sa venue en France. Un récit qui m'avait bouleversé sur le moment, et aujourd'hui, pour la première fois je vais vous écrire son histoire. L'histoire d'une gamine perdu, abandonnée, rejetée. L'histoire d'une gamine dont la souffrance est indélébile.
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Le Revers d'un Rêve.
Historia CortaCe livre est une tentative d'apporter de la lumière sur un sujet qui me tient à cœur; le fait d'être un étranger ou une étrangère. Ce n'est qu'une tentative et des modifications seront apportées grâce à vos critiques constructives. J'espère que vous...