Gabrielle avait décidé de rester à Marseille avec celui qu'elle aimait tandis que Marie voulait continuer dans sa quête de sa tante et surtout ne jamais rencontrer la police. La ville de Marseille était grande et elle ne savait pas par où commencer, elle marchait et marchait sous la chaleur cinglante de cette journée. Elle s'approchait de certaines personnes pour leur demander si l'une d'elles connaissait sa tante mais elle essuyait des refus et des regards méprisants sans comprendre réellement pourquoi. Sa tenue vestimentaire consistait en un pantalon qui faisait deux fois sa taille, un t-shirt rose et un gros manteau noir dont elle avait affreusement besoin vu le froid qu'il y avait en France à cette époque. C'est ainsi que Marie a passé toute la journée du vendredi treize décembre deux mille trois.
Il fallait maintenant chercher où dormir. Marie n'avait jamais dormi dehors, ni dans la rue. Elle était maintenant livrée à elle même et devait subvenir à ses besoins les plus élémentaires sans l'aide précieuse de ses parents, Lisa et Gabrielle. Elle vit un homme assis dans la rue devant un restaurant tel les mendiants qui s'asseyaient dans son pays demandant de l'argent. Cette scène était en contraste avec l'image de la France qu'elle avait vu à la télé. "En France il y avait aussi des pauvres et des mendiants!" se dit-elle étonnée. Elle avança vers lui, sa condition moins favorable que la sienne.
-Bonjour.
-Qui va là?!
-Je ne veux pas vous déranger mais est-ce que sauriez où je pourrai trouver un endroit pour dormir?
-Pourquoi?
-Je viens d'arriver en France et j'ai passé toute la journée à marcher. Je suis épuisée et pauvre. Je ne sais pas où dormir.
-Assieds toi près de moi donc. Bientôt je vais rentrer et te montrer où dormir.
-Vous avez toujours été pauvre monsieur?
-Non pas vraiment, j'ai perdu mon travail il y a quelque temps puis je me suis mis à boire beaucoup. Ma femme m'a quitté et j'ai perdu la garde de notre petite fille de six ans.
-Ça veut dire quoi perdre la garde?
-Ça veut dire que le juge a décidé que vous ne savez pas élever votre enfant à cause de vos problèmes. Donc on donne l'enfant à l'autre conjoint ou à une autre famille. Quel âge as tu?
-Seize ans. Chez nous ça n'arrivera jamais. En plus aucun enfant ne le supporterai. De toute façon au Sénégal les hommes font la loi.
-Ici il y a un peu plus d'égalité. Levons nous, il est déjà tard, il faut rentrer et les copains vont s'inquiéter. Dis moi comment es-tu arrivée en France?
-C'est une très longue histoire monsieur mais pour faire court, mes parents m'ont envoyé ici dans une pirogue au milieu de la nuit, dans laquelle j'ai faillit mourir. Une de mes amies est morte aussi au milieu de la nuit, je suis arrivée en Italie, je suis rentrée dans un bateau qui allait en France au milieu de la nuit et me voilà.
-Ta vie se déroule au milieu de la nuit dis donc?
-Qu'est ce que j'y peux? Je dois aller à Paris demain et après on verra.
-Laisse Paris tranquille, c'est pour les fous et en plus tu n'as pas d'argent.
-Faut que j'y aille quand même. On arrive bientôt?
-Nous y sommes.
C'était un endroit sombre, dans un tunnel qui était d'une saleté accablante. Marie marchait et prenait garde car il y avait des excréments d'animaux presque partout. Le toit du tunnel était rempli d'algues vertes qui apparaissaient marron à cause de la poussière. Les murs étaient humides et gluants, elle entendait les bruits que faisaient les rats qui courraient à leur approche. L'odeur aussi était extrêmement désagréable. Infecte même. Marie n'aurait jamais imaginé un tel endroit en France, elle allait de surprise en surprise. D'abord la découverte des pauvres et des mendiants puis de l'insalubrité des lieux. Bernard quant à lui était indifférent à tout ce qui était autour. C'était son chez lui, elle était sûre qu'au début il avait eu une réaction semblable à la sienne mais qu'aujourd'hui il avait l'habitude. L'odeur, les algues, l'humidité n'existaient plus pour lui. Il était satisfait du fait qu'il pouvait dormir tranquille.
La capacité de l'homme à s'adapter dans certaines situations était remarquable. Un homme qui autre fois dormait dans un lit confortable, mangeait à sa guise, était propre et heureux pouvait du jour au lendemain devenir la personne qu'il aurait détesté être le plus et s'y faire malgré tout.
Le chemin menait à un endroit plus éclairé, plus propre mais rien de bien luxueux. Il y avait un homme et une femme assis sur des matelas se réchauffant à un petit feu de bois. Quand ils ont vu Bernard accompagné de quelqu'un ils étaient surpris. "Qui est-ce ?" demanda la femme d'une voix peu courtoise. "C'est une amie qui va coucher ici pour la nuit, je vous demande d'être sympa juste pour une nuit. Demain elle partira." Elle a intérêt, il n'y a pas de place pour elle ici rétorqua la vielle femme. Elle était méchante, Marie le constata mais n'en fut pas offensé. Sa situation justifiait son mépris. L'homme près d'elle faisait comme si de rien était concentré sur le feu. "Marie je te présente, Patrick. Il a habité ici le plus longtemps et la méchante à côté c'est Gisèle." Gisèle répondit avec un regard noir et une grimace qui montrait ses dents déjà jaunis par la saleté. Marie ne voulait absolument pas ressembler à cela plus tard.
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Le Revers d'un Rêve.
Short StoryCe livre est une tentative d'apporter de la lumière sur un sujet qui me tient à cœur; le fait d'être un étranger ou une étrangère. Ce n'est qu'une tentative et des modifications seront apportées grâce à vos critiques constructives. J'espère que vous...