Chapitre 8

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On leur a fait passer des tests médicaux de routine, afin de détecter des traces de maladies comme le choléra, le paludisme, la tuberculose et d'autres maladies qu'elle ne connaissait pas à l'époque. Une semaine s'était écoulée depuis leur arrivé dans ce refuge mais Marie était anxieuse. Elle savait que l'Italie n'était pas sa destination finale. Elle devait aller retrouver une tante qu'elle ne connaissait pas en France, sa mère lui avait dit qu'elle s'appelait Fatma Bosul mais comment la chercher et où la trouver? Elle avait fait la connaissance d'une autre fille de son âge, Gabrielle qui était une Libanaise qui voulait aussi aller en France.

-Ce soir Marie je vais quitter le refuge pour aller en France.

-Comment? Tu as un avion peut-être idiote?!

-Mais non, il y a un grand bateau qui quitte l'Italie cette nuit pour la France. C'est notre seule chance de partir. C'est maintenant ou jamais.

-Bon, tu as in plan?

-Oui ce soir à vingt et une heure, à l'heure du couvre feu quand Mme Baglioni aura vérifié que nous dormons, nous allons sortir et courir vers le port.

-Tu es sûre que ce genre de plan va fonctionner?

-Je m'en fou, il faut que je parte. Pas que je n'aime pas ici mais ce n'est pas en Italie que je voudrais vivre. Je te dis mon plan au cas où tu voudrais venir mais dis rien à personne sinon je te tue!

Marie ne prenait pas cette proposition à la légère mais elle savait que si elles se faisaient attraper, adieu la belle vie. Donc il fallait choisir maintenant entre le confort de cette vie qui n'est pas son rêve ou prendre le risque de mourir encore dans un bateau pour arriver en France. Le choix était vite fait.

L'heure du couvre feu passé, Mme Baglioni est passée comme d'habitude vérifier que tout était en règle et tout le monde à sa place ce qui était le cas. Quelques minutes après, Gabrielle est sortie de son lit, avec son sac et s'est lancée furtivement vers la porte quand elle vit Marie se dépêcher aussi derrière elle. Elles ont dit au revoir à leurs camarades, Marie fit signe à Lisa en lui promettant de l'inviter chez elle quand elle aura réussi. C'est ainsi que le deux jeunes femmes sont sorties de la chambre dans le noir. Marie avait l'habitude depuis quelques temps de l'obscurité, les décisions les plus importantes avaient été prises dans le noir.

En avançant dans le couloir des chambres des réfugiés, les deux jeunes femmes étaient très prudente. Le port n'était pas loin et l'on voyait déjà le gigantesque navire bleu foncé. Elles retenaient leur souffle et se déplaçaient et chaque pointe d'orteils qu'elles posaient sur le sol était le risque de réveiller quelqu'un ou alerter l'un des travailleurs de la Croix Rouge. C'est ainsi qu'elles sont arrivées au navire et ont pu rentrer grâce à la négligence de l'équipage qui ne s'était pas soucié de fermer les zones d'entrée et de sortie du navire.

-C'est bon allons nous cacher quelque part maintenant. N'oublie pas qu'il faut encore dormir sans se faire attraper.

-Oui Marie. Regarde là! on pourrait se cacher dans cette cabine, elle est petite mais je suis sûre qu'on peut se serrer à deux.

Elles se sont mises dans la cabine et ont dormi ainsi le cœur pleins de rêve mais aussi plein d'inquiétude.

Le lendemain, le navire a quitté le port sans s'apercevoir des deux intrus à bord mais cela n'allait pas tarder. Au milieu du voyage, l'un des membres de l'équipage se dirige vers la cabine où se situe les vêtements des membres de l'équipage mais en l'ouvrant il fait une découverte stupéfiante et alerte les autres qui viennent aussitôt. La capitaine de bord est très agacé.

-Bordel que font ces gamines ici?!!

-Désolé mon capitaine je pense qu'elles sont entrées hier nuit car nous n'avons pas bouclé le navire.

-Putain, qu'est-ce que je vais foutre moi avec deux réfugiés. Bon puisqu'on ne peut pas les jeter dans l'eau on va les garder avec nous jusqu'à Marseille et les remettre à la police.

Dès que Marie entendit ce mot qui la ferait frémir plus tard des années encore elle sursauta. Il était hors de question qu'elle soit livrée à la police! Étant donné le caractère corrompu des policiers de son pays d'origine, elle ne devait pas s'attendre à être traitée avec douceur. Elle était déjà heureuse que le capitaine n'ait pas décidé de les jeter à l'eau. Elles sont restées avec l'équipage qui les a traité avec civilité. Gabrielle s'était liée d'amitié avec un jeune homme de dix neuf ans nommé Matthias et Marie avec un autre, Thomas qui était beaucoup plus âgée qu'elle.

-Alors qu'allez vous faire en France?

-Je dois aller trouver ma tante là bas.

-Sais tu au moins où elle habite?

-En France.

-La France est très grande tu sais, tu ne pourras jamais la retrouver.

-Ah bon?

-Oui je te le dis, c'est quasi impossible.

-Tant pis je vais essayer.

-Comme tu voudras, mais quand tu auras pris conscience du fait que j'avais raison, je vais te donner l'adresse d'un orphelinat et je pense que tu auras une meilleure vie.

-Je vais d'abord chercher ma tante.

-Têtue comme une mule.

-Quoi?!

-Non rien, je retourne au boulot. Ne t'approche pas trop des bords, tu risquerais de tomber à l'eau.

Il est parti, laissant Marie perplexe. Maintenant qu'elle partait en France elle n'avait pas réfléchi à que faire si elle ne retrouvait pas sa tante. Si Thomas disait vrai et que le France était si grande, il serait impossible pour elle de traverser tout le pays sans argent ni nourriture ni voiture. Elle était cuite. Au point mort. Il fallait réfléchir mais pour l'instant c'était l'heure de manger.

La table en bois était très grande, elle ne semblait pas avoir été polie. Juste une grosse planche de bois brute posé sur quatre bout de bois aussi épais que la table. Assise près de Gabrielle, Marie a eu l'opportunité de voir tous les membres de l'équipage, de regarder le capitaine, Alexandre Morau de près. C'était un homme dans la quarantaine aux traits marqués, une bouche tellement fine qu'on aurait dit qu'ils n'avait pas de lèvres, la barbe qui n'était pas entretenu malgré son parfum agréable. Il avait des yeux marrons et durs, un homme stricte qui ne flanchait pas devant ses subordonnés.

Le repas était composé de spaghetti bolognaise accompagné d'un steak. Marie n'avait jamais vu des spaghetti aussi délicieuse, et cette viande dont elle ne connaissait pas encore le nom la rendait presque heureuse. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas mangé autant et surtout mangé aussi bon. Les autres la regardaient avec le sourire, se demandant d'où venait cette petite créature vorace qui mangeait autant. Ils allaient bientôt arriver au port de Marseille. Les filles ont débarrassé la table le cœur lourd quand le voyage allait prendre fin et il fallait se jeter dans un monde sans pitié encore sans savoir ce que le sort leur réservait.


Le Revers d'un Rêve.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant