Chapitre 7

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En écoutant attentivement les histoires de chacun de ses voisins, Marie découvrait qu'ils avaient tous la même raison pour aller en France ; l'argent. C'était avec stupeur qu'elle découvrait le pouvoir de l'argent sur la vie des hommes. C'était comme si l'ignominie humaine avait soulevé sa robe et lui avait montré à cet instant toute sa débauche. Elle se rappelait également des mots de son père « travailler et gagner de l'argent ». Elle n'était qu'une machine à sous pour eux, c'était difficile d'imaginer que sa mère aurait pu lui considérer comme telle. L'histoire de Monique était la plus surprenante car elle avait quitté délibérément un foyer stable. Ses parents n'étaient pas très riche mais ils avaient assez pour prendre soins de leurs trois enfants. Tous les voyageurs ne comprenaient pas sa décision de venir en France alors qu'elle était celle avec le moins de soucis au Sénégal. Ils semblaient approcher de leurs but mais la vie avait décidé que leur fin de voyage ne serait pas de tout repos et c'est ainsi que l'avant dernier jour du voyage, un autre malheur frappa. Un malheur encore plus grand que ceux qu'ils avaient connu depuis, plus grande que la tempête, la pénurie de nourriture, l'isolation. C'était la mort.

Ce matin, tout semblait être normal, les voyageurs se levaient et se lavaient avec l'eau de la mer et le goût amer de la souffrance comme d'habitude chaque matin. Sauf que ce matin, Monique ne se levait pas, au début ils pensaient qu'elle était vraiment fatiguée mais après de longs moments d'attentes, Marie s'était approché d'elle et a essayé de la réveiller en la secouant mais Monique ne montrait aucun signe de vie. Marie ne comprenait pas, elle n'avait jamais vu un mort, elle n'avait jamais pris conscience que la fin était toujours proche, elle avait toujours pensé que les parents mouraient avant les enfants. Elle se mit à crier et à pleurer, les autres se sont tourné et on vu le corps de Monique sans vie, la peau blanchâtre. Ils ont tous baissé la tête et fait une prière en son honneur. Marie pensait aux parents de Monique qui ne savait pas où était leur fille depuis un mois déjà. Et si c'était elle qui était morte ? Ses parents ne le sauraient jamais, ils n'imaginaient pas que leur fille était au milieu de nulle part et que la vie ne lui avait pas fait de cadeau. A cet instant, Marie prenait conscience du caractère inéluctable de la mort, du fait que quoi qu'il soit nos jours étaient comptés, que l'âge n'était qu'un détail et que la grande faucheuse frappait toutes et tous sans distinction.

Après la mort de Monique, le voyage se passa dans le silence le plus complet, tout le monde était dans son monde a espérer et à prier que rien de grave n'arrive avant de voir les terres de l'Europe. Marie était focalisée sur ce que serait sa vie là bas. Après tout elle n'a rien. Pas d'argent ni de diplôme pour trouver du travail. La France semblait moins attirant sur le moment, elle allait devoir chercher où dormir et se nourrir mais pouvait-elle compter sur la bonne foi des blancs ? Le capitaine se leva et coupa tout le monde dans sa rêverie. « Nous allons bientôt arriver mes compagnons. » dit-il d'un ton serein. Cette nouvelle était censée apporter du réconfort aux voyageurs mais personne ne semblait enjoué. Marie constata que tout comme elle, le fait d'arriver signifiait aussi des problèmes pour les autres. Ils auraient les mêmes soucis de logement et de nourriture et de travail qu'elle allait avoir. Dans leurs pays natal, ils avaient la sécurité de ne pas pouvoir être renvoyé ni chassé car c'était leur patrie. Mais qu'en est-il quand on est dans la patrie d'un autre ? Ils allaient être soumis à des inspections constantes. Ils pouvaient même se faire rapatrier. C'était la chose à éviter à tout prix. Pour passer le temps avant d'arriver chacun des cinq décidais de narrer aux autres ses projets en France. C'est Marie qui commença, elle voulait surtout aller à l'école, elle ne savait pas encore comment mais elle ferait tout pour aller à l 'école. André Ondoua voulait trouver du travail, juste un travail pour ne pas mourir de faim et vivre mieux qu'en Afrique. Jean Pierre voulait rester dans la marine, la terre n'était pas pour lui. Inès voulait quant à elle devenir femme de ménage, à son âge elle ne voulait pas aller à l'école. Lisa ne savait pas encore, elle verra sur place, l'école ou le travail.

Le dernier jour de voyage s'était déroulé sans encombre et ils arrivaient enfin. Au loin, ils ont vu un groupe d'hommes et de femmes blancs portant un t-shirt blanc avec une croix rouge. Marie allait apprendre que c'était la Croix Rouge Italienne. Des hommes sont venus les aider à sortir du bateau qui étaient infecte.

On posa des questions à chacun d'eux, sur les circonstances de leur voyage, pourquoi ils sont partis, qui les avaient embarqué dans cela. C'était fatiguant pour la jeune fille de seize années qu'était Marie, on aurait dit un interrogatoire sans fin. Néanmoins tout à une fin. Ils ont été dirigés vers de grandes chambres dans lesquelles il y avait déjà des lits superposés occupés par d'autres Africaines de pays comme le Mali, le Sénégal, Cameroun, Nigeria, Burkina-Faso. Les chambres des hommes étaient séparées de celle des femmes. Dans la sienne, Marie accompagnée de Lisa et d'Inès étaient dirigées vers leurs lits. Inès était installée dans un lit tandis que Marie dormait en haut et Lisa en bas dans un autre des lits.

Ce que l'on voit des réfugiés est la saleté de leur corps, le manque d'hygiène accumulé par ces jours dans des conditions exécrable, mais le réfugié est aussi caractérisé par son odeur. On ne la voit pas, on la sent et on devine qui vous êtes. Marie et ses compagnons était sales et sentaient mauvais, même les travailleurs de la Croix Rouge ne pouvait retenir les grimaces de dégoût à leur approche. C'est à cet odeur que l'on était différent, que l'on devinait le genre de vie que vous aviez avant sans vous poser la moindre question. La première chose qu'on leur ordonna de faire était de se laver. Marie se sentait humiliée, dans son pays elle se lavait chaque jour et aujourd'hui elle était assimilée à une personne sans hygiène corporelle.


Le Revers d'un Rêve.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant