16. Le paradis terrestre

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80 000


Lorsqu'Arthur ouvrit les yeux, la VA déferla dans son champ de vision, lui hurlant à grand renfort de lumières rouges clignotantes et d'idéogrammes qu'il était déconnecté de tous les réseaux. Il désactiva aussitôt le système.

Ses membres étaient douloureux. Il supposa qu'ils venaient de faire une chute. 80 000 ans après, c'était déjà un miracle de ne pas se retrouver au milieu d'une colline ou d'un arbre. Il tâta toutes ses articulations, mais rien ne semblait froissé.

Un conifère géant lui faisait de l'ombre. Quelques branches avaient été coupées très nettement et gisaient près du lui sur le sol. Pas de doute, ils étaient tombés de là, à peu près cinq mètres de haut. Mais le sol était meuble et la tenue de l'an 5000 devait avoir amorti le choc.

Il chercha Aurélia du regard et l'entendit aussitôt descendre d'une branche.

« J'ai trouvé quelque chose, lança-t-elle.

Elle avait une fleur magnifique dans les mains, colorée avec autant de vigueur que l'herbe autour d'eux, à en faire mal aux yeux. Une énorme corolle de dentelle, tout en dégradés de violet, à peine soutenue par une tige noueuse.

– Regardez.

Aurélia se pencha sur le sol et arracha un peu de mousse, ce qui découvrit l'humus et fit s'enfuir quelques insectes. Aussitôt mise en contact avec la terre, la tige frémit, des filaments commencèrent à en émerger et se plantèrent dans le sol. Aurélia lâcha la fleur. Elle s'était enracinée.

– C'est génial, dit-elle.

– Ouais, génial. Bon, je sais que vous voulez rester ici, pas moi. Une idée de l'endroit où peut se trouver Lanthane ?

– Quelque part sur la planète, ce qui peut faire plus ou moins loin.

Il soupira.

– Je vous le dis une dernière fois, Arthur. Restez ici. Installez-vous. C'est ici, la destination finale des voyageurs temporels qui vont dans le futur.

– Omni traque les voyageurs temporels.

– Omni traque ce qui représente une menace pour lui. Regardez-moi ! Je suis toujours là. Je ne m'attardais pas bien longtemps dans mes étapes, mais je ne comptais pas non plus mes heures. Puisque je m'arrête ici, et qu'il le sait, il ne m'en voudra pas.

– Je n'ai pas envie de moisir dans ce coin.

– Il faut rester ici. Par respect pour tous les êtres humains qui ont connu des jours plus sombres, et ils sont fichtrement nombreux.

Arthur se leva, et sentit ses semelles en nanofibres épouser la forme de ses pieds, maintenant qu'il marchait sur un sol souple.

– Un paradis sur Terre, commenta-t-il. L'accomplissement ultime d'Omni. Peu importe. J'ai rendez-vous en 125 410. Je ne peux pas me défiler.

– Avez qui avez-vous rendez-vous ?

Il avait commencé à marcher pour se remettre les idées en place, à défaut de savoir où il allait. Les odeurs et les sons de la forêt étaient délicats, agréables, envoûtants.

– Bonne question. Avec Ophélie, j'espère. Celle avec qui je partage la responsabilité de la création de ce monstre.

Aurélia n'avait pas l'air surprise. Elle savait déjà tout ou partie de l'histoire – elle n'était pas une personnalité qui résiste à l'attrait du mystère.

Rendez-vous à la fin des tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant