15. Le règne du dieu

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80 000


« Tu penses qu'ils ont fini par arriver ?

Le loup ne répondit pas. C'était un animal puissant, très intelligent, et elle était comme une mère pour lui. Mais malheureusement, il ne parlait pas.

Lanthane approcha sa main de la tête du loup, la caressa affectueusement. L'animal ne se laissa pas déconcentrer ; il était aux aguets.

Elle avait assisté au « redémarrage » opéré par Omni en l'an 5000, puis à la modification de la biosphère par ce dernier – et ses nombreux esclaves humains. La plupart des espèces aujourd'hui sur la planète étaient nées dans des laboratoires souterrains, tandis que le monde étouffait sous une pluie de cendres météoritiques.

Omni avait purgé l'atmosphère en moins d'un siècle. Puis il avait introduit ses espèces.

De grandes forêts avaient colonisé la surface de la planète. Les êtres humains avaient formé des petites tribus, s'étaient développés jusqu'à l'usage du feu, et grosso modo arrêtés à ce niveau-là.

Lanthane avait vécu 75 000 ans de préhistoire.

L'inconvénient majeur, c'était qu'il n'y avait plus beaucoup de technologie, donc plus de machine temporelle fonctionnelle.

Or, il fallait bien trouver une solution ; d'une part parce qu'Arthur voulait toujours aller en 125 410, d'autre part, parce que des contrebandiers étaient venus des alentours de cette époque, et qu'il avait donc forcément subsisté un peu de technologie sur Terre.

Lanthane avait voyagé sur tous les continents.

Elle avait effectivement trouvé quelques micro-sociétés arrivées jusqu'au stade industriel, et qu'Omni semblait tolérer.

Pas encore de machine temporelle.

Elle avait songé en construire une elle-même. Cela lui aurait pris beaucoup de temps, d'efforts et de ressources. Elle ne pouvait pas recréer toute seule une industrie de pointe sans qu'Omni finisse par la repérer.


***


L'animal propulsa ses trois cent kilos de muscles sur une corniche ; museau dans le vent, il cherchait les effluves que celui-ci pouvait apporter. Lanthane avait à l'intérieur du nez des capteurs légèrement moins efficaces que les cellules olfactives du loup. Elle faisait donc appel en partie à lui.

Depuis maintenant des milliers d'années, elle avait gardé sous la main et cultivé des nanorobots. Ceux-ci lui permettaient maintenant de garder un contact mental constant avec son animal. De capter ce qu'il voyait, sentait, entendait, voire de lui donner des ordres à distance.

Un blizzard soufflait maintenant sur le sommet enneigé, les aveuglant tous les deux en partie, et noyant la plupart des odeurs. Lanthane continua de gravir les marches. Elle aurait pu le faire plus vite, malgré la puissance du vent, mais elle préférait prendre ses précautions.

Lanthane portait tous les attributs qui faisaient d'elles la grande prêtresse du culte d'Atome. Elle imaginait déjà les questions d'Arthur quant à cette pseudo-religion et son attirail de pacotille. Mais ils n'auraient pas le temps d'entrer dans les détails. Plus important était de mettre en marche la machine temporelle – la dernière, quasiment, encore en état de marche sur cette planète.

Les marches de l'escalier étaient glissantes, recouvertes d'une épaisse couche de verglas et de neige ; taillées des milliers d'années plus tôt dans la pierre, par une des multiples civilisations sans nom qui se succédaient dans le « paradis terrestre » d'Omni comme les pages d'un livre.

Rendez-vous à la fin des tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant