7. Prisonnière 61204

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Le micro s'alluma et laissa entendre un chuintement de friture.

Le claquement de l'électro-aimant indiqua que la porte de métal s'était déverrouillée.

« Prisonnière 61204, veuillez vous lever, dit la voix humaine du micro.

La prisonnière, qui était allongée à même le sol de béton de sa cellule, ne regarda même pas d'où provenait cette voix, car elle l'entendait très bien. Le micro était incrusté avec une caméra, à trois mètres du sol, dans un des coins du plafond, et tous deux la fixaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, témoignant de leur activité par le clignotement lent d'une diode rouge. Elle battait comme le cœur de cet œil électronique, de cet être créé uniquement pour voir.

Elle se mit sur ses pieds et resta immobile, debout.

« Prisonnière 61204, veuillez avancer jusqu'à la porte de votre cellule et pousser celle-ci.

Elle s'exécuta mécaniquement, ses traits figés ne témoignant pour aucune des réflexions qu'elle devait avoir, offrant à l'esprit de ses geôliers, ceux qui devaient la regarder de l'autre côté de ces miroirs, de ces murs et de ces caméras, de ces micros et de ces vitres, le doute le plus total, le plus inquiétant, sur ce qu'elle pensait. Si toutefois elle pensait à quelque chose. Rien de plus incertain.

La porte grinça de plus belle et elle se retrouva debout, face au couloir.

« Prisonnière 61204, veuillez sortir de votre cellule, tourner à droite et emprunter le couloir.

Les murs en béton d'une épaisseur scandaleuse, les lampes puissantes incrustées huit mètres plus haut dans le plafond, le sol rugueux, et tout autour d'elle, les portes de métal, toutes identiques, qui s'alignaient. Elle ne regarda rien de tout cela, se contentant de suivre les instructions sans même tourner la tête.

« Prisonnière 61204, veuillez franchir porte à votre gauche au fond du couloir.

Les caméras étaient nombreuses, elles suivaient son parcours, fonctionnaires d'État chargées de la surveiller. Elle n'avait pas vu d'être humain depuis qu'elle avait été enfermée dans cette prison. Juste les oculaires inexpressifs des caméras et leur cœur rouge battant toutes les secondes.

Elle se tourna à gauche, comme un pantin dirigé par la seule voix que relayaient les micros. À moins que les micros ne soient eux-même dotés de vie et qu'ils ne parlent eux-mêmes. Ladite porte, une épaisseur intimidante de métal blindé, coulissa avec un bruit feutré. Elle se retrouva dans le parloir.

La porte se referma derrière elle. Dans cette pièce cubique, éclairée jusque dans ses moindres recoins, il n'y avait qu'une chaise carrée soudée au sol, face à une glace sans tain blindée.

« Prisonnière 61204, veuillez vous asseoir et attendre les prochaines instructions. »

Puis, le micro s'éteignit, mais l'œil imperturbable de la caméra continua de l'observer. Le regard sans vie de la prisonnière se porta sur le faux miroir où elle ne pouvait voir que son reflet.


***


Ils arrivèrent deux jours plus tard dans la ville, si un tel amas de bric et de broc méritait toutefois encore ce nom.

Ce n'était au plus qu'un ramassis d'habitations de fortune entassées sous un dôme protecteur anti-UV. On distinguait vaguement, enfouis sous la prééminence de la vieille tôle, le mauvais béton et le bitume séculaire des bâtiments initiaux, ceux qui étaient encore debout réutilisés et rafistolés.

Rendez-vous à la fin des tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant