Cinquième chapitre.

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À Mâcon, aucun de nous n'avais de piscine. Ni moi, ni Judy, ni Thomas, Alice et Laurie. Pas même toi. Alors à partir de notre dernière année au collège, nous avons pris l'habitude d'aller nous baigner dans une rivière d'un petit village qui se situe juste à côté du notre. Ce n'était pas le grand luxe, nos serviettes reposaient sur de gros galets qui nous entraient dans les côtes, mais nous passions plus de temps dans l'eau qu'à l'extérieur. L'été, il ne se passait pas une semaine sans que nous allions au moins une fois à cette rivière, tous ensembles ou bien en petit groupe. Même quand Alice et Laurie sont parties dans un lycée différent du nôtre, nous avons continué à nous voir au fil de l'année scolaire, et l'été aussi, à cette rivière. Thomas continuait à venir aussi, l'été, bien que lui soit aussi dans une école différente et plus loin des nôtres. Toi aussi, tu continuais à y venir, puisque nous n'y allions pas l'un sans l'autre. Puis il y a eu cette première année où tu n'es pas venu. Ce premier été que tu passais à Bayonne. Nous avons continué de nous retrouver à cette rivière, passant de six à cinq, et de cinq à quatre quand Thomas ne pouvait pas venir. Plus nous grandissions, moins nous passions de temps dans l'eau. Au contraire, nous restions de plus en plus tard, à parler autour d'un feu, boire, rire, se lancer des paris idiots, oublier que tu n'étais pas là.

Flash-back.
17 juillet 2011.

Nous sommes tous là. Thomas s'amuse à plonger dans l'eau depuis une petite falaise, si toute fois on peut appeler ce monticule de terre une falaise. Laurie et Alice sont installées sur des matelas gonflables et se laissent guider par le faible courant de l'eau en parlant joyeusement. Judy et moi sommes allongées sur nos serviettes pour laisser l'occasion au soleil de donner des couleurs à nos corps. J'aimerai pouvoir dire que tu es là, toi aussi, entrain de plonger avec Thomas, mais ce n'est pas le cas. J'aimerai aussi pouvoir dire que je ne pense pas à toi, mais ce n'est pas le cas non plus. Tu es toujours présent, dans un coin de mon esprit, prêt à surgir à n'importe quel moment. Dans un peu moins de deux mois, cela va faire un an que tu es parti. Bien-sûr, depuis, il t'est déjà arrivé de revenir pour le week-end. J'aurai dû profiter de ces week-ends là, si rares, pour te voir. Mais je n'en faisais rien. Je restais cloîtrée dans ma chambre, et le lundi matin, quand tu repartais pour Bayonne, je t'envoyais un message pour te dire que je n'avais pas été capable de te faire face. C'est idiot, je sais. Tu me manques atrocement, et quand j'ai l'occasion de te revoir enfin, je laisse passer cette chance. Mais j'ai peur de ne pas réussir à supporter un nouveau départ de ta part. Alors rester enfermée dans ma chambre me semblait être là meilleure solution, sur le moment.

- Ranana ? intervient Judy à mes côtés.
- Hum ?
- Tais-toi, je t'entends penser jusqu'ici. Je suis sûr que même Thomas pourrait t'entendre en étant sous l'eau.

Je ris et je change de position sur la serviette pour m'allonger sur le ventre en croisant les bras sous mon visage. Judy me sert de garde fou depuis ton départ, et je sais que je lui dois une fière chandelle. Je ferme les yeux en essayant d'arrêter de penser, comme elle me l'a demandé, et je me concentre sur le bruit de l'eau et des voix d'Alice et Laurie en fond.

- Hé ! Y'en a pas une qui veut venir plonger avec moi ? Vous êtes marrantes à faire des groupes de filles, mais moi je m'emmerde sévère ! s'exclame Thomas.

J'entends Judy rire et elle ne tarde pas à le rejoindre après m'avoir annoncé qu'elle avait bien besoin d'aller dans l'eau pour se rafraîchir. Elle me conseille d'en faire autant et part rejoindre Thomas dans l'eau. Lorsque ses cris parviennent à mes oreilles, je devine qu'il l'a arrosé avant qu'elle ne soit complètement mouillée. Un grand classique. Je me positionne un peu plus confortablement sur ma serviette après avoir enlevé un galet qui me rentrait dans le ventre, et je m'empare de mes écouteurs avant de fermer les yeux. Les rires de mes amis se mélangent à la musique que j'écoute et j'apprécie le rendu.

Dear You. (Antoine Griezmann) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant