Genèse dorée.

42 6 61
                                    

Ou comment les hommes eurent des mains et ce qu'on en fit.


A Dieu...



Derrière la sacristie...


Mon cœur tremble et palpite en ma main qui se perd

Dans ces lignes de boue qui assaillent mes yeux.

Mon esprit qui s'éteint prend un aspect brumeux ;

Ma pensée en déroute étouffe dans la terre.

Le regard trop usé d'avoir heurté les cieux,

Les genoux écorchés de m'être trop prostré,

Et les mains fatiguées d'avoir en vain prié,

Je regarde une croix dont s'étiole le feu.

Le soleil a brillé et la pluie tout trempé ;

Les mers ont tout noyé et le sable a tout bu ;

Le tonnerre a tonné et la neige est tombée ;

Dans ce ciel tout-puissant seul mon dieu s'est tu...

Les cloches de l'église tenteront très bientôt

D'éveiller ce titan que personne n'émeut,

Quand pendu par le cou à la corde de Dieu,

J'irai de désespoir le chercher en son clos.






Dieu mit longtemps à savoir qu'il existait. Il baignait dans la nuit la plus profonde depuis toujours et se confondait avec elle. Mais, peu à peu, il sentit que quelque chose d'autre était possible. Alors il réfléchit, longtemps – parler de millénaires n'aurait pas beaucoup de sens à une époque où le temps n'existait pas, mais il lui en fallut beaucoup afin d'avoir cette première idée. Enfin, heureux de sa trouvaille, il créa des planètes. Il fut presque plus émerveillé par son pouvoir que par ses créations, qui le lassèrent bien vite.

Une fois qu'il eût bien occupé son éternité à observer ses planètes immobiles, il inventa le mouvement pour les faire danser devant lui. Alors un ballet titanesque débuta, qui le fit beaucoup rire. Mais lorsque deux danseuses, en se rencontrant, explosèrent en un nuage de poussières, Dieu fronça les sourcils. Déjà, il n'aimait pas que ses créations s'abîment. Alors il suspendit la danse et se mit à imaginer des chorégraphies plus sûres, dans lesquelles ses lourdes ballerines puissent montrer toute leur grâce sans se percuter. Enfin, il eut un sourire. Il inventa l'ellipse, et chaque planète se mit à bouger à son propre rythme, chacune sur sa trajectoire, toutes seules et pourtant bien ensemble. Dieu fut ému et se réjouit longtemps de ce spectacle.

Mais vint un jour, encore, où il commença de s'ennuyer à nouveau. Contrarié, il se mit à réfléchir au moyen de se divertir de manière originale. Longtemps, il observa dans la nuit le mouvement de ces corps sombres, avant d'avoir un éclair de lucidité. Excité par sa découverte, il roula son éclair en boule et le plaça au cœur de son ballet. Et la lumière fut, jetant sur toutes choses un nouveau sens, un nouvel aspect. Très longtemps, il s'extasia sur les contrastes entre ombre et lumière, sur les mouvements de ce divertissement tout en finesse.

Cependant, aussi charmant que soit le spectacle, il le lassa bientôt. Pour s'occuper, Dieu créa d'autres scènes avec de nouveaux danseurs et de nouvelles étoiles, mais l'attrait de la nouveauté était passé et il se lassait de sa création. Alors il devint malheureux. Il prit une planète au hasard et, l'approchant de son visage, se mit à lui parler, à lui chanter la douleur de son ennui, de sa solitude. Et les larmes coulaient le long de son visage, ruisselant de plus en plus nombreuses sur la surface du globe. Peu à peu, tandis que Dieu se lamentait, les cours d'eau constituèrent des océans, et la surface grisâtre de la planète se couvrit de verts. Surpris, Dieu cessa de pleurer et observa, silencieux. Partout, des plantes croissaient et multipliaient, de toutes tailles, de toutes espèces, de toutes couleurs et formes. Et à chaque instant Dieu s'émerveillait, bouleversé par tant de beautés et de richesses.

ApocalypsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant