5.Une Autre Fois.

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J'arrive à mon foyer doux, j'ouvre la porte et rentre à la maison. Je suis surpris de constater l'état de mon appartement, je n'y avais jamais prêté de l'attention.

Il est vide, tout comme mon esprit sordide. Assez grand certe, quatre pièces meublées par le strict nécessaire. Je vais dans ma chambre, elle est en désordre. Je me halte à tout mettre en place et fais mon lit où je m'allonge immédiatement. Je ferme les yeux, quelques bribes de mon passé surgissent. Je me rappelle la raison de ma mélancolie, les mauvais choix qui m'ont choisi. Les mauvaises personnes que j'ai côtoyées, toutes les erreurs que j'ai commises. Ma vie était faite à base d'actes instinctifs, tout ce que je faisais était pour mon bien à moi.

Je perds foi en l'humanité, je perds petit à petit la mienne. L'égoïste que je suis, un être infâme à la recherche d'un but dans sa vie. Je me suis lassé de ce monde, marre d'accepter mon sort. Il me faut changer, changer cette rancoeur qui ne cesse de m'étouffer.

Je me lève de mon cercueil de nuit, il n'est que 18h à peine passées. Un mal de tête commence à me ronger, sans doute à cause du manque de nicotine. Je prends ma veste et sors de chez moi, décidé à errer toute la nuit dans les rues macabres de Brooklyn.

Je marche à l'encontre du vent, là où ma raison irrationnelle me mènera. Je dévisage ces jeunes hommes et femmes, tous prêts à faire la fête toute la soirée. Je me retrouve à marcher sur la même route que ce matin, en direction du centre. Je passe devant l'immeuble où j'ai passé ma bref entrevue, l'affiche n'est plus collée sur le mur. J'en déduis qu'ils ont déjà trouvé leur muse, encore une opportunité qui me passe entre les doigts. Au moment où je détourne les yeux, une femme, une brune aux yeux foudroyants, sort de l'immeuble en question.

Je reste ébahis par tant de beauté. Un instant de pur plaisir, à tel point que je n'arrive plus à ôter son regard de mes pensées. Je ne me rendais pas compte, je suis debout au milieu de la route, hésitant de me retourner. Je rassemble mon courage, je commence à m'enflammer. Je me retourne subitement pour trouver un trottoir remplit que par mon désespoir. Était-ce réel ? Était-elle réelle ? Était-ce juste mon manque de bonheur qui jouait des tours à mes sens ?

Ma soirée s'annonce déjà, pleine du charme du déchirement. Ai-je encore le courage de continuer ma marche ? Ma descente vers l'enfer m'excite. Je ne suis pas aussi monstrueux que je croyais, j'arrive maintenant à ressentir la passion.

Je continue ma marche, ma vie n'est pas prête de se terminer. Je continue ma marche, le changement est tout ce dont j'ai envie. La perfection est loin de m'être acquise, cette femme ne voudrait jamais de quelqu'un comme moi.

Ma route m'a conduit au même pont d'hier, cette fois je suis dans un état d'esprit contraire. Je me mets debout sur le même rempart mais cette fois plein d'espoir. Quelques larmes coulent le long de ma joue. La sécurité est derrière moi, mon passé est ce fameux pont infiniment égoïste. Mon présent est ce rempart, entre la vie et la mort. Mon futur est devant moi, plein d'incertitudes et de découragement.

Hier, un sentiment suicidaire m'a remplit à ce moment précis. Aujourd'hui, tout ce qui m'importe c'est vivre. Suis-je prêt à céder mon incontournable hypocrisie ? J'ai faim de frisson, soif d'égarement. Ma mélancolie s'efface, mon entêtement grandit.

Je continue ma route laissant derrière moi mon passé. J'arrive à la ruelle où j'ai vu cet ivrogne, il est toujours au même endroit, crevant presque de froid. Je ne finirai pas comme lui, non, jamais. Il s'est fait ça à lui même, à force d'être fainéant.

Mon manque de cigarette essaye de me corrompre, je ne veux plus me sentir prisonnier de mes envies. Qu'arriverait-il si je ne me retenais plus ? Je me retiens de faire tout ce dont j'adore la fin.

Parallèlement.

"Cela fait quatre mois que je n'ai plus d'inspiration. Mes doigts sont incapables de créer. Je me contente de reproduire, d'obéir à des demandes banales et identiques. Je dessine des visages communs, des yeux éteints. Même mes couleurs ne parviennent pas à les faire revivre. Les jours se ressemblent et s'assemblent en une routine mortelle. J'ai des désirs d'inconnu et d'aventures, de frissons et d'excitation. Mais rien ne semble pouvoir les combler. Même l'agitation de Brooklyn me laisse de marbre. Je pose ma tasse de thé sur mon grand bureau en érable, caressant les veines du bois usé du bout des doigts. La matière brute me tire de ma rêverie. Lorsque je trempe mes lèvres dans le liquide parfumé, il est froid. J'en jette le contenu et attrape mes affaires. Dehors, les étoiles se sont allumées, brillantes comme les phares des voitures. J'enfile ma veste, passe mon écharpe autour de mon cou et claque la porte de mon atelier. Mes semelles claquent sur le bitume, faisant écho dans le vide de mon esprit. Mais soudain, mes pas ralentissent d'eux-mêmes. Je relève la tête, l'atmosphère semble avoir changée. L'air est électrique, une sensation étrange fait frémir ma peau. Mes yeux rencontrent ceux d'un homme et je comprends d'où vient cette énergie brûlante. Il est au milieu de la route, les bras le long du corps, et il me regarde. Ses yeux me transpercent et je prends peur. Je me retourne et accélère le pas. Quelque chose au fond de ses pupilles me terrifie. Il m'a fait vibrer, l'espace de quelques instants et ça m'a terrifiée. Les doigts tremblants, je glisse la clé dans la serrure de mon appartement et m'engouffre à l'intérieur. Je me repasse cet instant fugitif en boucle dans ma tête, capturant chaque détails de cette rencontre dans ma mémoire. Lentement, je tire une feuille sur le comptoir de la cuisine, un crayon à mine graphite entre les doigts. Des traits altèrent le papier, traçant le contour d'une mâchoire, les commissures de lèvres, des pommettes saillantes. Mais mes doigts restent suspendus au-dessus des yeux, car je ne sais pas comment représenter ce qu'il y avait au fond de ceux-là. C'était trop fort, trop profond pour être couché sur du papier. Un relief qu'aucun pinceau ne pourrait peindre. Et pourtant, je continue de voir cet homme dans mon esprit, me demandant qui il est ? Où vit-il ? Que me voulait-il ?"

Ill MindOù les histoires vivent. Découvrez maintenant