Chapitre 7 : Sofia Abadie (Alep, Syrie)

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« Half in the shadows, half burned in flames. »

- Sofia, dépêche toi de rassembler tes affaires.

Une voix, étrangement profonde, fait écho dans ma tête. Je suis encore dans ma chambre lorsque je me tourne pour chercher d'où elle vient. J'aperçois une silhouette, celle d'une jeune fille de mon âge. Elle est installée par terre et fixe sa main gauche, parsemée de poussière et de sang. Elle n'a pas l'air d'avoir mal - je pense que je le sentirais si c'était le cas. Mais je sais que quelque chose ne va pas. Pas besoin d'être empathe pour le deviner, ni même de lire dans les pensées. Son visage parle de lui-même; elle a l'air tellement triste. Et elle a l'air d'avoir tellement peur qu'un sentiment identique ne tarde pas à s'imprégner de moi également.

Il faut seulement quelques secondes pour que ma chambre se métamorphose, pour que je me retrouve sous des débris de bâtiments, des amas de parpaings et de briques, des meubles renversés, détruits pour la plupart. La jeune fille est toujours en face de moi mais ne me remarque pas. Elle est plongée dans ses souvenirs mais tout est flou dans ma tête, si flou que je n'arrive même pas à déceler lesquels sont les miens et lesquels lui appartiennent. Tout s'embrouille, se bouscule et se chevauche dans une sorte de danse endiablée où le passé est le principal invité. Je comprends alors qu'elle a perdu ses deux petits frères, ainsi que sa mère. Que ces pertes ont laissé des cicatrices indélébiles autour de son coeur et qu'elle en souffre chaque jour un peu plus. Je comprends que la blessure physique à sa main n'est pas douloureuse parce qu'elle renferme déjà trop de peine à l'intérieur d'elle. Je comprends qu'elle est sur le point d'exploser en sanglots mais qu'elle reste forte parce que son père a besoin d'elle.

Pouvait-on réellement ressentir tout ça en même temps ?

Tout d'un coup, elle s'active. Je la vois attraper le sac disposé à côté d'elle et y ranger des vêtements qu'elle avait au préalable trié. Elle ajoute une grande bouteille d'eau ainsi que quelques photos dont je n'arrive pas à voir le contenu d'ici avant de le refermer et de se rassoir. Je sens qu'elle doit partir. Partir très vite. Je sens également qu'elle n'en a pas envie. Mais je sens aussi qu'elle est obligée de s'en aller. Je n'ai aucune idée de pourquoi, je crois qu'elle tente de refouler quelques unes de ses pensées et celle-ci en fait parti. Sofia lève subitement la tête et croise mon regard. Je reste immobile mais je la vois prendre peur et se mettre à courir derrière un mur à moitié détruit.

- Je suis désolée je ne voulais pas te faire peur.

Elle ne dit rien mais je l'entends respirer, tant le silence qui règne sur les lieux est intense et absolu. Sa respiration est saccadée et elle a beaucoup de mal à la réguler. Elle a tellement peur de moi que je n'ose pas me risquer de la rejoindre. Je ne sais pas quoi faire. Je reste muette, ne faisant aucun geste et cherchant une solution dans ma tête. Brusquement, je me mets à trembler et je devine que c'est elle qui le provoque. Je ne suis pas celle qui tremble à l'origine, c'est elle, j'en suis sûre. Elle est sur le point de pleurer quand je l'entends appeler son père en pensée.

Papa, murmure t-elle.

Papa je t'en supplie, ils sont déjà là.

C'est là qu'une idée me vient. Je ne sais pas si j'en serai capable, je ne sais même pas comment ça marche, mais je suis persuadée que d'une façon ou d'une autre je peux le faire. Je me concentre, vidant mon esprit pour me focaliser sur celui de la fille juste à côté. J'essaie d'entrer dans sa tête, sans pour autant attirer tous ses souvenirs dans la mienne, de façon à lui murmurer quelques mots moi aussi. Au début, rien ne se passe, et puis, plus j'essaye, plus je sens que la connexion entre nos deux esprits est puissante. C'est à ce moment là que je lui dis :

Limbic Resonance (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant