Chapitre 9 : Sam Whitehill (Inverness, Écosse)

651 78 17
                                    

« I just want to feel alive. Just a minute. Let me. »

J'aime l'hiver plus que n'importe quelle autre saison. J'aime ses couleurs, sa température, ses attributs. J'aime entendre les feuilles craquer sous mon passage, avoir froid, ni trop, ni pas assez. J'aime porter des gros pulls et enrouler une écharpe autour de mon cou, sentir le printemps s'approcher, tout doucement. J'aime voir la nature mourir en sachant pertinemment qu'elle finira par renaître, dans seulement quelques mois. J'aime la vue que j'ai d'ici, à la gare, sur l'immense forêt qui berce Castleton depuis sa naissance. Je la regarde, me laissant porter par ses teintes noirâtres, sans la moindre couleur, par la brise imprégnée de son odeur. 

Je me sens toute petite. Vulnérable, aussi, parce que j'ai des idées plein la tête. Je suis terrassée par les images. Les souvenirs. La souffrance. Et l'attirance, je crois. Parce que Will est aussi dans ma tête et je n'arrive pas à l'en faire sortir. C'est loin d'être désagréable, au contraire, je dirais simplement que c'est déstabilisant. Je suis là, à penser à lui. Tandis qu'il est dans l'espace, tellement loin. Comment c'est possible ? Ce que je suis en train de vivre défie toutes les lois de la nature. Ça me dépasse. Me terrifie, et m'intrigue aussi, parce que j'ai beau bannir toutes les atrocités qu'il y a dans mes pensées depuis que j'ai cette faculté, je ne peux pas nier que j'ai vécu des choses incroyables. 

 C'est tellement fou. C'est fou de me dire qu'hier j'étais en France, aux Etats-Unis, en Inde, en Syrie, dans l'espace, tout en étant toujours en Angleterre, et c'est encore plus fou de me dire que demain, peut-être, je serai en Afrique, au Brésil ou en Australie. Il y a tellement de possibilités, tellement de choses à faire. Je n'arrive pas à faire taire cette excitation qui m'anime depuis quelques temps. Ni cette pointe de crainte qui me crispe depuis quelques semaines. J'ai envie d'en savoir plus, d'en voir plus, mais j'ai peur.

Je n'arrive pas à me comprendre, tout s'embrouille.

Je suis un paradoxe.

Il est bientôt dix-huit heures quand je regarde ma montre. Le train devrait passer dans quelques minutes, mais, étonnamment j'ai envie qu'il soit en retard. J'ai envie de rester ici, encore un peu, seule avec ma musique. J'ai envie de respirer, de réchauffer mes mains en les frottant l'une avec l'autre, d'imaginer un monde fantastique dans ma tête tandis que le refrain de mon morceau préféré démarre.

Un léger sourire se dessine sur mon visage quand je me rends compte que mon voeu est en train de s'exaucer.

La forêt en face de moi ne disparait pas totalement, elle laisse la place à une nouvelle, un peu plus foncée et visiblement moins dense. La gare de Castleton n'est plus, ce sont simplement des rails qui se matérialisent sous mes yeux. J'aperçois une fille, assise à l'intérieur, casque sur les oreilles, tout comme moi. Je m'approche d'elle et elle me remarque presque tout de suite, mais n'a pas l'air le moins du monde surprise ou apeurée. Elle est en train de fumer une cigarette, et, une fois qu'elle termine d'expulser la fumée hors de sa gorge, elle enlève son casque. J'enlève également le mien.

- Tu veux une clope ?

Elle me tend son paquet et j'en attrape une en la remerciant d'un sourire. Elle me le rend et me lance son briquet d'une main, tandis que je m'installe à côté d'elle mais à l'extérieur des rails. J'allume la cigarette en prenant tout de suite une grande bouffée; le contact avec la fumée brûle légèrement ma gorge, parce que ça fait très longtemps que je n'avais pas touché au tabac, mais encore une fois, ce n'est pas une sensation si désagréable.

- Je m'appelle Sam, au fait. 

- Alexa, dis-je en souriant. 

- T'es nouvelle en ville ?

Limbic Resonance (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant