« Can you hear the violence ? »
J'ai la sensation que le temps passe sans moi, qu'il s'évapore avant même que je puisse l'agripper avec mes doigts. Qu'il me laisse toute seule, abandonnée, livrée à moi-même et mes propres pêchés.
Je ne sais pas combien de temps a passé depuis l'accident. Peut-être quelques jours. Quelques semaines. Peut-être même quelques mois. Je ne sais pas, je n'arrive pas à compter. C'est à peine si j'arrive à respirer. Il y a toujours cette douleur dans le creux de ma gorge, cette boule d'angoisse au sein de ma poitrine. Ces yeux qui m'observent à longueur de journée. Comme si sur mon front était ancré "tu les as tués".
Tu les as tués.
Une cassette rayée qui tourne en boucle dans mes tempes. Qui ne s'arrête jamais. Qui continue, encore et encore, toujours plus fort. Si fort que j'ai été forcée de trouver un moyen pour compenser - la musique. La musique, c'est tout ce qu'il me reste dorénavant.
Je l'écoute avec le volume au maximum pour faire taire les voix qui hurlent dans ma tête, les murmures qui m'incriminent. Jusqu'à ce que mes oreilles se mettent à siffler, jusqu'à avoir mal. Mais je ne peux pas garder mon casque pour toujours; à un moment ou un autre, je dois faire face à ce qui m'entoure. Regarder et écouter mes démons. Affronter mes crimes. Alors je me sens condamnée, de nouveau.
Je le suis sûrement.
Peut-être que c'est ce que je mérite.
Est-ce qu'ils sont au courant, tous ? Pourquoi me regardent-ils comme ça ? Pourquoi j'ai la sensation que tout le monde sait ? Est-ce qu'il suffit de plonger son regard dans le mien pour accéder à mes pires atrocités ? J'ai tellement peur. J'ai peur tout en sachant pertinemment que le danger est loin dernière, qu'on ne peut pas me retrouver. J'ai peur parce que les remords grignotent chaque parcelle de mon âme, sans cesse. Ils se sont agrippés à mon corps et ne s'en détacheront sûrement jamais. Comment s'en défaire alors que mes premières pensées quand je me réveille sont celles que j'aimerais oublier pour toujours ? Quand je me réveille, mais aussi quand je me couche, quand je dors. Quand je respire. Tout le temps.
Les rêves n'existent plus, il reste seulement les cauchemars. Les frissons. La terreur et l'affliction.
Je suis toute seule.
Toute seule à combattre le tumulte du combat qui fait rage dans mes pensées, à mains nues, sans armée, sans même quelques alliés. Toute seule sur ce banc planté en plein milieu du lycée, à éviter les yeux des personnes qui passent, à être terrifiée à l'idée que la police puisse débarquer à tout moment et m'emmener en prison pour le reste de mon existence, comme une vulgaire criminelle destinée à l'abattoir. Comme l'homme que j'avais vu mourir sous mes yeux. L'assassin. Est-ce que j'étais devenue comme lui ?
Tu les as tués. Tu les as tués. Tu les as tués.
Tu les as tués.Tu les as tués. Tu les as tués.
Tu les as tués.Assassin. Assassin. Assassin.
Assassin. Assassin.Les coups de feu résonnent encore. D'abord le premier. Puis le deuxième. Les corps tombent un à un, le sang coule et laisse des traces indélébiles sur le sol - et à l'intérieur de moi. Je tombe et tout devient noir. Et ça recommence.
J'ai besoin que ça s'arrête.
Il faut que ça s'arrête.
Mes yeux s'embuent de larmes et une vague de chaleur immerge mon buste, pas une bonne chaleur, plutôt celle qui provoque des sueurs froides. Ma respiration s'accélère jusqu'à ce que je me mette à suffoquer, puis à trembler. Tout se passe très vite, les images resurgissent en accéléré et plus elles défilent, plus je me déteste, plus je me sens sombrer . Je m'en vais tellement vite que j'en oublie de récupérer mes affaires sur le banc, je cours jusqu'à m'époumoner en direction des toilettes; personne ne doit me voir dans cet état.
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Limbic Resonance (FR)
Science Fiction« Tu n'es plus juste toi Alexa. Tu es le monde entier, un mélange de couleurs, de sons, d'histoires à demi-susurrées. Tu ressentiras des choses étranges, des choses inexplicables, parfois agréables, parfois insoutenables. Tu ressentiras la colère, l...